Suite à l’annonce hier des nominations aux 91èmes Oscars, voici quelques anecdotes, records et autres faits divers autour de cette liste si prestigieuse du cinéma hollywoodien :
Parmi les huit films nommés dans la catégorie suprême du Meilleur Film, deux se distinguent particulièrement. Commençons par Roma de Alfonso Cuaron qui est la première production Netflix, voire le premier film d’un service de vidéo en ligne à être nommé dans cette catégorie. En tant que film tourné en espagnol, il est le dixième film en langue étrangère à être nommé en tant que Meilleur Film et le cinquième à recevoir en parallèle une nomination comme Meilleur Film étranger. Z de Costa-Gavras, La Vie est belle de Roberto Benigni, Tigre et dragon de Ang Lee et Amour de Michael Haneke avaient tous gagné l’Oscar dans cette catégorie-là. Grâce à ses dix nominations, il égale le record de Tigre et dragon en 2001 du film en langue étrangère le plus souvent nommé. L’épopée asiatique avait alors gagné quatre Oscars. Enfin, ses prises de vue en noir et blanc font de lui le film avec ce parti pris esthétique le plus souvent nommé depuis La Liste de Schindler de Steven Spielberg. The Artist de Michel Hazanavicius avait également obtenu dix nominations en 2012. Depuis l’abandon général de la photo en noir et blanc à la fin des années 1960, Roma est le dixième film tourné de la sorte à être nommé comme Meilleur Film, après entre autres Nebraska de Alexander Payne, Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood et Good Night and Good Luck de George Clooney.
L’autre fait historique dans la catégorie du Meilleur Film est évidemment la nomination de Black Panther de Ryan Coogler, le premier film de super-héros et inspiré d’une bande dessinée à obtenir cette reconnaissance de taille de la part de l’Académie du cinéma américain. Les responsables de cette dernière avaient même envisagé un temps de créer exprès une nouvelle catégorie du Meilleur Film populaire, un projet finalement reporté suite au tollé qu’il avait soulevé. Ses sept nominations n’ont par contre pas permis à Black Panther de devenir le film de super-héros le plus souvent nommé, puisque ce record appartient toujours à The Dark Knight Le Chevalier noir de Christopher Nolan et ses huit nominations en 2009. Il est le premier film de Marvel Studios nommé à l’Oscar du Meilleur Film, quoique pas du tout le premier film distribué sur le marché américain par Disney, Le Pont des espions de Steven Spielberg, ainsi que les films d’animation Toy Story 3 et Là-haut l’ayant précédé récemment. Avec ses 700 millions de dollars cumulés au box-office américain, il est de loin le plus grand succès commercial parmi les huit films nommés en tant que Meilleur Film. Enfin, il s’agit du septième film réalisé par un réalisateur black depuis Precious de Lee Daniels en 2010 à être nommé dans cette catégorie. Parmi eux, seuls 12 Years a slave de Steve McQueen et Moonlight de Barry Jenkins avaient gagné.
Avec sa première nomination en tant que Meilleur réalisateur pour Blackkklansman au bout de trente ans de carrière, Spike Lee devient le sixième réalisateur black nommé dans l’Histoire des Oscars. Il succède à John Singleton (Boyz n the Hood), Lee Daniels (Precious), Steve McQueen (12 Years a Slave), Barry Jenkins (Moonlight) et Jordan Peele (Get out). C’est donc la troisième année de suite qu’un réalisateur afro-américain fait partie des nommés dans cette catégorie. En tant que lauréat d’un Governors Award en 2015, Lee appartient également au club exclusif des oscarisés honorifiques qui ont réussi à être nommés de façon compétitive par la suite, aux côtés de la réalisatrice Agnès Varda nommée l’année dernière pour son documentaire Visages villages, du compositeur Ennio Morricone et des acteurs Alec Guinness, Henry Fonda, Paul Newman et Peter O’Toole.
Pour la première fois, deux réalisateurs sont nommés pour des films également rivaux dans la catégorie du Meilleur Film étranger, en l’occurrence Alfonso Cuaron pour Roma et Pawel Pawlikowski pour Cold War. Ces deux films forment de même le premier doublon en noir et blanc dans la catégorie du Meilleur réalisateur depuis 1981 et David Lynch pour Elephant Man et Martin Scorsese pour Raging Bull. L’absence d’une nomination comme Meilleur Film pour Cold War fait de Pawlikowski seulement le deuxième réalisateur « orphelin » depuis l’augmentation du nombre de nommés dans la catégorie reine en 2010, après Bennett Miller pour Foxcatcher en 2015.
Du côté des nationalités des réalisateurs nommés cette année, Pawel Pawlikowski est le troisième Polonais après Roman Polanski et Krzysztof Kieslowski, quoique le premier pour un film polonais. Malgré les nominations de quatre de ses films en tant que Meilleur Film étranger, le plus célèbre des réalisateurs polonais Andrzej Wajda n’a obtenu qu’un Oscar d’honneur en 2000. Yorgos Lanthimos, nommé pour La Favorite, est le troisième réalisateur grec nommé, après Michael Cacoyannis pour Zorba le grec en 1965 et Costa-Gavras pour Z en 1970. Tandis que ces trois nominations-là ont été obtenues par des films anglophones ou francophones, le seul réalisateur à être nommé pour un film grec est curieusement l’Américain Jules Dassin pour Jamais le dimanche. Le favori présumé, le Mexicain Alfonso Cuaron, devrait poursuivre la domination de la catégorie par ses compatriotes, commencée par lui-même en 2014 avec Gravity et relayée depuis à deux reprises par Alejandro Gonzalez Iñarritu, puis par Guillermo Del Toro, lauréat l’année dernière pour La Forme de l’eau.
A Star is Born de Bradley Cooper a beau avoir un peu déçu lors de l’annonce des nominations pour les 91èmes Oscars, il poursuit néanmoins la tradition du couple vedette de cette histoire désormais mythique du monde du divertissement, nommé dans trois des quatre films. Depuis la version de 1937 de William A. Wellman avec Janet Gaynor et Frederic March jusqu’à celle de Cooper avec Lady Gaga, en passant par celle de George Cukor en 1955 avec Judy Garland et James Mason, les deux acteurs principaux ont invariablement été nommés, sans toutefois gagner. Seule la version de Frank Pierson avec Barbra Streisand et Kris Kristofferson n’avait obtenu aucune nomination pour ses acteurs en 1977. Elle avait cependant gagné le seul Oscar à la portée de A Star is Born, celui de la Meilleure chanson, jadis pour « Evergreen » et sans doute le dimanche 24 février pour « Shallow ». Par ailleurs, Lady Gaga est la deuxième actrice de suite nommée la même année pour son interprétation et la composition d’une chanson, après Mary J. Blige pour Mudbound en 2018.
Deux acteurs font leur retour cette année pour une nomination consécutive : après la nomination pour Willem Dafoe en tant que Meilleur acteur dans un second rôle dans The Florida Project de Sean Baker, il est cette fois-ci promu comme Meilleur acteur dans At Eternity’s Gate de Julian Schnabel ; le gagnant du Meilleur acteur dans un second rôle l’année dernière Sam Rockwell dans 3 Billboards Les Panneaux de la vengeance de Martin McDonagh revient dans la même catégorie pour Vice de Adam McKay. Les deux derniers gagnants du Meilleur acteur dans un second rôle, Mahershala Ali et Rockwell s’affrontent par ailleurs cette année. Enfin, quatre acteurs ont obtenu cette année leur première nomination depuis leur sacre : Rachel Weisz (The Constant Gardner / La Favorite), Emma Stone (La la land / La Favorite), Mahershala Ali (Moonlight / Green Book Sur les routes du Sud) et Sam Rockwell.
Le Festival de Venise n’est pas uniquement représenté par le biais du Lion d’or, Roma, mais aussi avec les deux acteurs lauréats de la Coupe Volpi, Olivia Colman dans La Favorite et Willem Dafoe dans At Eternity’s Gate. Ce n’est que la troisième fois que tous les deux se retrouvent aux Oscars, voire la première puisque lors des deux premières le prix portait encore un nom différent : Prix International du Meilleur acteur et de la Meilleure actrice pour Sam Jaffe dans Quand la ville dort de John Huston et Eleanor Parker dans Femmes en cage de John Cromwell en 1950, ainsi que – pour des raisons historiques hélas évidentes – Médaille d’or de l’Association Nationale Fasciste du Divertissement pour le Meilleur acteur et la Meilleure actrice en 1932 pour Frederic March dans Docteur Jekyll et Mr. Hyde de Rouben Mamoulian et Helen Hayes dans La Faute de Madeleine Claudet de Edgar Selwyn. La Palme d’or cannoise, Une affaire de famille de Kore-Eda Hirokazu, est également de la partie en tant que candidat à l’Oscar du Meilleur Film étranger, comme récemment avant lui The Square de Ruben Östlund, Le Ruban blanc et Amour de Michael Haneke, ainsi que Entre les murs de Laurent Cantet.
Avec sa septième nomination, Glenn Close devrait en théorie être assurée de gagner son premier Oscar de la Meilleure actrice pour The Wife de Björn Runge. Sauf que les statistiques ne penchent pas vraiment en sa faveur, puisque les cas où cet Oscar est gagné par une actrice dont le film n’a reçu aucune autre nomination sont en effet très rares. Sa meilleure option serait de faire comme Julianne Moore, oscarisée en 2015 pour Still Alice de Richard Glatzer et Wash Westmoreland lors de sa cinquième nomination. Mais sinon, les exemples encourageants se font rares, la liste des actrices oscarisées sans l’appui d’autres nominations, sur laquelle figurent entre autres Charlize Theron dans Monster de Patty Jenkins, Jessica Lange dans Blue Sky de Tony Richardson, Kathy Bates dans Misery de Rob Reiner, Jodie Foster dans Les Accusés de Jonathan Kaplan et Sophia Loren dans La Ciociara de Vittorio De Sica, étant sensiblement plus courte que celle des actrices ayant porté sur leurs épaules des films nommés comme Meilleur Film, comme Frances McDormand dans 3 Billboards Les Panneaux de la vengeance de Martin McDonagh, Emma Stone dans La la land de Damien Chazelle, Brie Larson dans Room de Lenny Abrahamson, Jennifer Lawrence dans Happiness Therapy de David O. Russell et Natalie Portman dans Black Swan de Darren Aronofsky, pour ne citer qu’elles. En cas de septième perte, elle fera jeu égal avec Richard Burton, reparti autant de fois bredouille, la dernière fois en 1978 pour Equus de Sidney Lumet, et ne sera qu’à une nomination du plus grand perdant Peter O’Toole.
La pauvre Amy Adams risque de dépasser tôt ou tard ce record, puisqu’elle est déjà à sa sixième nomination, pour Vice de Adam McKay, alors qu’elle a vingt-sept ans de moins que Close. Étrangement, elle a obtenu la moitié de ses nominations en partageant l’écran avec Christian Bale, lui aussi nommé pour leurs trois collaborations dans Fighter et American Bluff de David Russell, ainsi que Vice cette année. Elle n’est qu’à une nomination en tant que Meilleure actrice dans un second rôle du record des six citations malheureuses de Thelma Ritter entre 1951 (Eve de Joseph L. Mankiewicz) et 1963 (Le Prisonnier d’Alcatraz de John Frankenheimer).
Mieux vaut tard que jamais pour Paul Schrader, le scénariste et réalisateur iconoclaste, qui vient d’obtenir sa première nomination à l’Oscar à 72 ans pour le scénario original de Sur le chemin de la rédemption. Déjà à l’œuvre dans les années ’70 sur des films mythiques comme Taxi Driver et Raging Bull de Martin Scorsese, il a eu plus de chance que sa vedette Ethan Hawke, ignoré par ses confrères acteurs malgré les prix des critiques de Los Angeles, de New York et de la National Society of Film Critics.
C’est sans doute son statut de chef opérateur légendaire qui a valu à Caleb Deschanel sa nomination pour le film allemand Werk ohne Autor de Florian Henckel von Donnersmarck. Il s’agit de sa sixième, après des nominations entre autres pour L’Étoffe des héros de Philip Kaufman et La Passion du Christ de Mel Gibson. C’est la troisième nomination pour la Meilleure photo pour un film allemand après Le Bateau de Wolfgang Petersen et Le Ruban blanc de Michael Haneke. Et à travers les nominations de Lukazs Zal pour Cold War et de Alfonso Cuaron pour Roma, c’est la première fois que trois films nommés en tant que Meilleur Film étranger sont nommés simultanément pour la Meilleure photo. Enfin, c’est la première fois depuis la fin de la catégorie à part de la Meilleure photo en noir et blanc en 1967 que deux films tournés de la sorte sont nommés pour la Meilleure photo.
La chef costumière anglaise Sandy Powell est désormais l’artiste vivant le plus souvent nommé – quatorze fois ! – dans la catégorie des Meilleurs costumes, grâce à sa double nomination pour La Favorite de Yorgos Lanthimos et Le Retour de Mary Poppins de Rob Marshall. Elle dépasse ainsi son éternelle rivale Colleen Atwood, nommée douze fois, mais quatre fois oscarisée, contre « seulement » trois pour Powell. Cette dernière a toutefois réussi l’exploit de deux double nominations, une première fois il y a trois ans pour Carol de Todd Haynes et Cendrillon de Kenneth Branagh. La championne indétrônable de la discipline reste Edith Head, nommée 35 fois et récompensée à huit reprises.
Malgré tout, Steven Spielberg reste toujours un peu le chouchou de l’Académie du cinéma américain. Son dernier film Ready Player One n’a certes obtenu qu’une seule nomination pour les Meilleurs effets visuels. Mais grâce à cette attention minimale, le réalisateur peut toujours se vanter que l’immense majorité de ses 31 films n’a pas été ignorée par les Oscars. Seuls cinq de ses films sont donc complètement dépourvus de nominations : Sugarland Express, Always Pour toujours, Le Terminal, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal et Le BGG Le Bon Gros Géant.