L’Académie du cinéma américain a publié le 23 octobre dernier la liste des 124 longs-métrages soumis par leurs producteurs ou distributeurs afin de concourir à l’Oscar du Meilleur Documentaire. Les films inscrits ne sont pas forcément éligibles, puisque certains d’entre eux n’ont pas encore été exploités commercialement à Los Angeles et New York, comme l’exige le règlement des Oscars. La liste ne donne par conséquent qu’un aperçu de la santé du cinéma documentaire aux Etats-Unis en termes de quantité. Pour ce qui est de la qualité, mieux vaut attendre la liste de présélection qui sera publiée début décembre et sur laquelle figureront quinze documentaires choisis parmi les 124. Les cinq nominations seront annoncées le 14 janvier 2016.
Le pourcentage de cet échantillon américain déjà accessible aux spectateurs de cinéma français n’est pas énorme, puisque seulement neuf films ont jusqu’à présent été distribués en France :
Amy de Asif Kapadia
Le Bouton de Nacre de Patricio Guzman
Censored voices de Mor Loushy
Dior et moi de Frédéric Tcheng
Human de Yann Arthus-Bertrand
The Look of silence de Joshua Oppenheimer
Nous venons en amis de Hubert Sauper
Of Men and War de Laurent Bécue-Renard
L’Oracle de Marcus Vetter
Quatre autres suivront dans les mois à venir :
Steve McQueen The Man & Le Mans de Gabriel Clarke et John McKenna, le 4 novembre
Au royaume des singes de Mark Linfield et Alastair Fothergill, le 11 novembre
Janis de Amy Berg (nommée à l’Oscar en 2007 pour Délivrez-nous du mal), le 6 janvier 2016
Il m’a appelée Malala de Davis Guggenheim (Oscar en 2007 pour Une vérité qui dérange), le 27 janvier 2016
Parmi la centaine de films restants, presque la moitié relève de près ou de loin du cinéma documentaire édifiant, particulièrement prisé aux Etats-Unis. Les sujets sociaux les plus divers y sont traités sur le ton de l’indignation ou de l’optimisme infatigable, selon l’une des vocations originales du cinéma documentaire qui consiste à alerter et à inciter le public à réagir face à l’injustice. Les films potentiellement les plus prometteurs dans ce sous-genre problématique proviennent de réalisateurs éprouvés comme Alex Gibney, Oscar en 2008 pour Taxi pour l’enfer, avec Going clear Scientology and the Prison of Belief sur l’église de Scientology, Kirby Dick, nommé à l’Oscar en 2013 pour La Guerre invisible, avec The Hunting ground sur le phénomène des viols sur les campus des universités américaines, le vieux maître Frederick Wiseman et son nouveau film-fleuve In Jackson Heights, Amy Berg et son deuxième film dans la course cette année Prophet’s prey sur les mœurs au sein de l’église des Saints du dernier jour, Louie Psihoyos, Oscar en 2010 pour The Cove La Baie de la honte, avec Racing extinction sur la disparition des espèces animales, ainsi que Michael Moore, Oscar en 2003 pour Bowling for Columbine, avec sa nouvelle satire Where to invade next.
Sensiblement moins nombreux sont les documentaires biographiques, qui explorent en long et en large la vie de leur sujet. A côté de films sur des personnalités du cinéma comme Ingrid Bergman, Marlon Brando, Ousmane Sembene, Chris Farley et Tab Hunter, on y trouve les nouveaux films de Bobcat Goldthwait (Call me lucky), Debra Granik (Stray dog), Liz Garbus (What happened Miss Simone ?), ainsi que le dernier film de feu Albert Maysles (Iris). L’un des favoris dans cette section biographique est cependant le documentaire sur Steve Jobs de Alex Gibney (encore lui), qui ferait un double programme intéressant avec la fiction réalisée par Danny Boyle avec Michael Fassbender dans le rôle du patron de Apple. Elle sortira en France le 6 janvier prochain.
Enfin, le dernier sous-genre représenté d’une façon tant soit peu honorable est le documentaire historique, avec des films qui traitent entre autres des Black Panthers, du génocide cambodgien vu à travers le prisme de la musique rock, de la troupe des comiques du National Lampoon, de l’émission culte Saturday Night Live et de l’influence des briques Légo. Côté documentaires musicaux, la récolte paraît assez anémique cette année, en dehors des films cités plus haut, avec seulement le documentaire de Colin Hanks, fils de, sur l’éditeur Tower Records éventuellement digne d’intérêt. Curieusement, le sport et le cinéma sont encore moins bien lotis en tant que sujets sollicités. D’un côté, nous n’en avons compté que trois candidats sur la boxe, l’alpinisme et l’aviation, tandis que de l’autre, le cinéma doit se contenter de deux films, le Hitchcock/Truffaut de Kent Jones qui passera prochainement sur arte et un film italien sur le néoréalisme. Au moins les documentaires animaliers, hélas si populaires en France, sont quasiment absents ici. Seulement deux acteurs ont osé passer derrière la caméra pour tourner un documentaire et le soumettre à l’Académie du cinéma américain : Ethan Hawke (Seymour An Introduction) et Kevin Pollak (Misery loves comedy).