Peter King, jeune réalisateur anglais, a présenté son court-métrage Crack (11’37/2015) au Festival Européen du Film Court de Brest. Le film a remporté un franc succès et s’est vu attribuer le «Prix Jeune» du festival. Sous une apparence faussement documentaire, Peter King fait la satire d’une décision prise il y a quelques années par le gouvernement britannique : interdire un jeu d’enfants très populaire, le combat de conkers. Critique-Film s’est entretenu avec ce réalisateur anglais qui porte un regard nostalgique sur un temps où la créativité n’était pas encore ligotée. Il nous montre combien l’humour et l’imagination peuvent faire fissurer les carcans serrés de notre époque..
Critique-Film : Peter King, vous présentez cette semaine votre court-métrage Crack au Festival Européen du Film Court de Brest 2015. Est-ce votre premier film?
Non, ce n’est pas mon premier film. Mais c’est ma première comédie. J’avais déjà réalisé des documentaires, des films publicitaires, des clips musicaux. Là, c’est autre chose, c’est un vrai travail personnel.
Critique-Film : Combien de temps vous a pris la réalisation de ce court-métrage ?
C’est difficile à calculer. J’avais des projets publicitaires et commerciaux à gérer au même moment. Cela a dû me prendre plus d’une année pour écrire le script. Je prenais 5 minutes par ci, 5 minutes par là… Nous avons réalisé le tournage en deux jours. Pour le montage, j’ai pu m’enfermer 5 jours complets dans un studio en l’espace de deux mois. Après, j’y retournais dès que je le pouvais.
Critique-Film : Votre film parodie l’univers de la drogue, pour aborder un autre sujet, les combats de conkers. Pourriez-vous expliquer au public français ce que sont ces combats?
Tout les anglais connaissent les combats de conkers. J’y jouais beaucoup quand j’étais petit. Avec nos pères et mères, nous ramassons des marrons, nous les ramenons à la maison, nous perçons un trou au centre pour y enfiler une cordelette et voilà un conker. Au bout de la corde, il y a donc un marron, le but est de casser celui de son adversaire en tapant dessus, jusqu’à ce qu’il se fende, se casse en deux. C’était un jeu très populaire à l’école, jusqu’à ce que le gouvernement britannique le juge trop dangereux. Les enfants avaient des bleus, des bouts de coques atterrissaient dans leurs yeux, alors ils l’ont interdit. C’est le point de départ de mon film. En se retrouvant interdits, les combats de conkers sont devenus une sorte de contrebande. J’ai voulu faire une satire de cette situation. J’ai voulu raconter cette histoire en faisant le parallèle avec les drogues. D’où le double sens du titre «Crack»: ça marche pour la drogue, ça marche pour les marrons. C’est vrai, c’est une réaction démesurée, un principe de précaution et de sécurité exagéré. Le gouvernement voulait tellement contrôler le peuple qu’il l’a empêché de faire des choses innocentes. C’était tellement ridicule d’interdire les marrons à l’école. Maintenant, les enfants n’y jouent plus du tout. Ils se tournent vers leurs I-Pad ou leur Playstation, le problème est réglé, ils ne font plus suer avec leurs conkers. Mais on en arrive à une pauvreté, un manque d’imagination et de créativité, je trouve cela dommage. Quand nous étions petits, nous avions des jeux simples où il fallait faire preuve d’inventivité. Il fallait manipuler, réfléchir, trouver des solutions, essayer, rater… être curieux. Désormais, il faut obtenir un résultat immédiat, une récompense instantanée, qui plus est virtuelle.
Critique-Film : Dans le film, le personnage principal s’adresse à nous en nous présentant une châtaigne et un conker…
Un conker, à la base, est un marron, pas une châtaigne. Comme il le dit, ce sont des fruits différents. Une châtaigne est comestible, un marron non, il est même toxique. Un marron est plus dur et plus dense, c’est pour cela que tu peux le casser contre un autre. En fait, tu ne peux pas te battre avec des châtaignes. Les châtaignes sont très légères et creuses, elles ne peuvent pas… tu ne peux pas… non, ça ne peux pas fonctionner. C’est un passage parodique dans le film, faisant référence aux drogues. Le personnage nous montre la différence entre une bonne et une mauvaise came.
Critique-Film : Dans une séquence du film, nous nous retrouvons dans une cuisine où les marrons sont traités pour être plus robustes. Du vinaigre est utilisé pour les renforcer. Est-ce une technique réelle ? Y a t-il vraiment des procédés qui permettent de renforcer le marron ?
Oui, tout est vrai. Et il y a d’autres techniques, qui sont aussi montrées dans le film, pour les rendre plus solides : les passer au four, les décaper, aiguiser les bords… Nous jouons généralement aux marrons aux mois de septembre, octobre et novembre. Après il n’y en a plus. Les plus frais se fissurent facilement parce qu’ils sont tendres et trop humides. Il faut donc les assécher et pour cela, il faut les passer au four. Mais si le séchage est trop fort, une fissure se forme. C’est un équilibre à trouver. Le processus est délicat. Il est aussi possible de les laisser sécher dans un couloir pendant toute une année, ils vont rétrécir et devenir vraiment très dur. Voilà les combines pour dégommer le marron d’un autre joueur. Il y a d’autres méthodes encore, mais certaines sont vraiment limite… Certains joueurs creusent les marrons pour les remplir de mastique. C’est aussi costaud que le ciment. On obtient donc un marron très très solide, capable de résister et d’éclater n’importe quel autre marron. Mais c’est de la pure triche et ce n’est pas accepté…
Entretien avec Peter King partie 2/2
Festival européen du film court de Brest 2015 : bilan et palmarès