Critique : Nico 1988

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Nico 1988

Italie, Belgique, 2017
Titre original : Nico 1988
Réalisatrice : Susanna Nicchiarelli
Scénario : Susanna Nicchiarelli
Acteurs : Trine Dyrholm, John Gordon Sinclair, Anamaria Marinca, Sandor Funtek
Distribution : Kinovista / New Story
Durée : 1h34
Genre : Biographie filmique
Date de sortie : 18 avril 2018

Note : 3/5

Les fins de carrière sont rarement belles à voir. Surtout dans le milieu artistique, il existe souvent ce moment un peu gênant où le niveau d’inspiration créative est déjà sur le déclin, alors que le chanteur, le réalisateur ou l’acteur s’accroche encore aux vestiges d’une gloire caduque depuis longtemps. C’est de cette période du crépuscule mi-ridicule, mi-tragique, vécu sous le regard impitoyable du public, que parle Nico 1988. Sur le papier, il s’agit d’une improbable coproduction italo-belge. A l’écran, on voit une biographie filmique aussi solide que conventionnelle. Mais ce qui compte réellement dans le troisième long-métrage de Susanna Nicchiarelli, c’est l’interprétation sous forme de tour de force de Trine Dyrholm dans le rôle principal ! Elle habite en effet son personnage passablement trash avec une intensité et une lucidité, qui savent brillamment transformer certains poncifs plutôt problématiques de l’intrigue en des moments de vérité à fleur de peau. Il en résulte certes un portrait plus grand que nature, nostalgique et excessif, mais néanmoins assez proche de la vie en dents de scie de cette chanteuse légendaire pour justement s’atteler à la tâche – peut-être pas très originale, mais toujours passionnante – de la démystification.

Synopsis : En 1986, Christa Päffgen, plus connue sous son nom d’artiste Nico, entame la première tournée organisée par son nouvel agent Richard, propriétaire d’une boîte de nuit à Manchester, la ville où l’ancienne égérie du Velvet Underground et de Andy Warhol a élu domicile. Alors que la chanteuse souffre de la séparation de son fils unique Ari, qu’elle gère tant bien que mal sa toxicomanie et qu’elle se montre pour le moins blasée quand les journalistes lui posent exclusivement des questions sur son parcours avant sa carrière en solo, les concerts en France, en Italie et de l’autre côté du rideau de fer se déroulent dans une ambiance chaotique.

Ces derniers temps

Les signes extérieurs ne trompent pas pour indiquer que le personnage principal est au bout du rouleau dès le début du film, dont la narration lui est totalement acquise. Une dose pratiquement insoutenable de mélancolie, voire de dépit, se déverse pendant l’entretien à la radio locale, un rendez-vous de promotion raté parce que la vedette d’antan n’éprouve aucune envie d’évoquer son passé lointain. Or, personne ou presque ne s’intéresse à son travail actuel, un mélange musical inclassable, agressif et bruyant, qui a pourtant de quoi accéder à la grandeur surdimensionnée, si les circonstances et le tempérament de l’artiste s’y prêtent. Bien davantage que les intertitres annonçant les années qui défilent à un rythme proche de la léthargie, ce sont ces rencontres jamais tout à fait concluantes avec la presse qui ponctuent le récit. Car l’image de Nico l’animal médiatique – à une époque où la réputation et la célébrité ne se construisaient et ne se démontaient pas encore à travers des campagnes sur les réseaux sociaux – n’est guère raccord avec les démons plus intimes de la femme. En tant que mère, elle se sait pertinemment indigne et souhaite pourtant se racheter. Et comme survivante en sursis du cirque bohémien, elle a su garder un appétit à peu près sain, quitte à commettre l’abomination gastronomique d’accompagner un plat de pâtes avec du liqueur de citron en plein milieu de la nuit. En dépit du caractère relativement encombrant du dispositif du jeu de question-réponse, bon nombre des moments les plus révélateurs du malaise existentiel profond qui accable Nico s’articulent par ce biais.

Le son de la défaite

Plutôt classique dans sa forme donc, puisque la réalisatrice a opté globalement pour la sobriété, les rares extraits des films de Jonas Mekas faisant au mieux référence de façon abstraite à l’époque révolue des années folles que Nico voudrait définitivement laisser derrière elle, Nico 1988 se distingue au sein du genre fortement balisé de la biographie filmique par le jeu tout en nuances de Trine Dyrholm. Depuis le début du siècle l’un des piliers du cinéma danois, l’actrice trouve ici un rôle en or, potentiellement surchargé en clichés, quoique interprété avec une telle bravoure que tout ce qui l’entoure doit forcément apparaître comme secondaire. Figure de l’ombre qui aspire à la lumière, désabusée et en même temps capable de s’acquitter de ses emplois proches de la prostitution artistique avec une noblesse qui fend le cœur, elle réunit en elle toutes les contradictions de la condition féminine pour mieux les sublimer brillamment. Dommage alors que les autres personnages autour de cette héroïne simultanément extravagante et fragile ne pèsent pas lourds, réduits à peu de choses près à agir comme des figurants à la cour du stéréotype merveilleusement incarné par Dyrholm de l’artiste maudite.

Conclusion

Fauchée par un banal accident de vélo à l’âge de 49 ans en cette année fatidique 1988, Nico remplit cependant un rôle entièrement exemplaire comme chanteuse dont le renouvellement artistique était moins en panne que tragiquement plombé par son incapacité de se défaire de l’impression laissée par sa première partie de carrière. Nico 1988 tient compte de ce fâcheux dilemme avec efficacité, voire avec un sens aigu pour la souffrance de cette femme mal comprise, grâce à l’interprétation magistrale de Trine Dyrholm.

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