Critique : My Beautiful Boy

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My Beautiful Boy

États-Unis, 2018

Titre original : Beautiful Boy

Réalisateur : Felix Van Groeningen

Scénario : Luke Davies & Felix Van Groeningen, d’après les livres de David Sheff et Nic Sheff

Acteurs : Steve Carell, Timothée Chalamet, Maura Tierney, Amy Ryan

Distribution : Metropolitan Filmexport

Durée : 2h01

Genre : Drame

Date de sortie : 6 février 2019

3/5

La jeunesse américaine est en état de crise. Si l’on veut bien admettre que le cinéma est le reflet indirect des préoccupations qui agitent une société à un moment donné, il y a de quoi sérieusement s’inquiéter pour les adolescents des États-Unis ! L’accumulation de films sur des sujets très proches peut en effet donner l’impression qu’une génération toute entière parte en vrille, que la drogue ait pris le dessus sur toutes les autres influences et valeurs qui gouvernaient autrefois l’esprit collectif américain. Moins d’un mois après Ben is back de Peter Hedges, dans lequel Julia Roberts en mère courage tente par tous les moyens d’arracher son fils du monde néfaste de la drogue un soir de réveillon, sortira donc sur les écrans français la version paternelle d’une intrigue semblable, cette fois-ci avec Steve Carell dans le rôle intense et potentiellement ingrat du père totalement impuissant face aux écarts de son enfant. L’histoire de My Beautiful Boy s’étend toutefois plus sur la durée, laissant par conséquent aux frustrations et aux aveux d’échec le temps d’affecter profondément à la fois les personnages et, par leur biais, le spectateur. A l’image de Alabama Monroe, César du Meilleur Film étranger en 2014, qui avait fait la renommée internationale de Felix Van Groeningen, son premier film hollywoodien retrace une descente aux enfers très avare en lueurs d’espoir. Or, c’est justement le choix d’un réalisme assez dur dans la description d’une situation hélas devenue banale, qui fait toute la force d’un film largement dépourvu de concessions.

© Metropolitan Filmexport Tous droits réservés

Synopsis : Le journaliste David Sheff ne se doute de rien, quand son fils adolescent Nic ne rentre pas à la maison plusieurs nuits de suite. Il tombe des nues, lorsqu’il apprend que Nic est dépendant de la drogue de synthèse méthamphétamine, extrêmement addictive. Malgré tous ses efforts et le soutien de ses parents, le jeune homme n’arrive pas à décrocher et sombre de plus en plus dans la toxicomanie. Invariablement présent à ses côtés, son père se demande pourtant s’il n’est pas en train de perdre son fils.

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Plus que tout

Y a-t-il un plus grand fléau social que la drogue ? Elle détruit tout sur son passage, du plus petit, le cercle familial, au plus grand, l’équilibre des états en proie à une guerre sanglante contre les narcotrafiquants, comme par exemple le Mexique. Bref, il n’y a que misère et désarroi à tirer de cette spirale morbide menant presque sans exception à la mort de l’homme dans tout ce qui le caractérise. My Beautiful Boy en tire néanmoins une histoire particulièrement émouvante, loin des sphères criminelles qui avaient rendu Traffic de Steven Soderbergh si froidement détaché au début du siècle. Ici, seul le cercle vicieux et d’ailleurs passablement déprimant entre les cures de désintoxication et les inévitables rechutes compte, dans le mécanisme de plus en plus mis à l’épreuve de l’amour entre un père et son fils. La narration ne s’y emploie guère à édulcorer un état de fait sans espoir, ni solution miracle susceptible de rassurer artificiellement et donc par le subterfuge du mensonge un public en quête d’évasion. Elle préfère insister sans ménagement, quoique pas non plus sans finesse, sur la nostalgie d’un père, mise à mal par la vie d’adulte catastrophique de son fils, qui ne ressemble vraiment en rien aux rêves que les parents investis cultivent toujours pour leur progéniture. La noirceur du propos y est omniprésente, à l’exception peu heureuse près des quelques titres mis en épilogue, qui, par leur message très consensuel, contredisent le bel extrémisme réaliste les ayant précédé.

© Metropolitan Filmexport Tous droits réservés

A qui la faute ?

Sinon, l’exploration sans fard de l’impuissance prévaut dans cette histoire tristement universelle. Ainsi, le père a beau s’informer de toutes les manières imaginables sur la maladie de son fils, d’abord sur internet, puis en consultant toutes sortes de spécialistes – un prétexte comme un autre pour nous faire retrouver Timothy Hutton par le détour d’une brève séquence –, voire à travers des procédés plus dangereux et immersifs, le constat final de tout ce savoir amassé par le courage du désespoir revient à admettre que la marge de manœuvre pour sauver son fils de l’emprise de la drogue est très, très limitée. De même, Maura Tierney dans le rôle secondaire de la belle-mère est au cœur d’une course en voiture à forte valeur symbolique, la distance entre elle et Nic restant désespérément infranchissable. Enfin, le personnage peut-être le plus délicat à interpréter dans cette famille devenue hautement dysfonctionnelle par l’influence fatale de la drogue, le fils jadis idéal devenu une source de chagrin inépuisable pour tous ses proches, revient au jeune espoir du cinéma américain, un Timothée Chalamet plutôt à l’aise, quoique guère nonchalant, dans l’appropriation de cet adolescent aux démons difficiles à exorciser. Son jeu ne vaut certes pas les nombreuses nominations aux prix reçues au cours de cette saison d’effervescence hollywoodienne, mais il demeure suffisamment sincère et attachant pour rendre crédible l’acharnement contre toute raison d’un père aux abois.

© Metropolitan Filmexport Tous droits réservés

Conclusion

La forme de My Beautiful Boy peut parfois paraître complaisante, avec son découpage morcelé qui mélange sans cesse le présent de l’urgence névrosée avec un passé aux enjeux plus insouciants. Toujours est-il que Felix Van Groeningen y conte avec l’intensité qui lui est propre une histoire poignante, portée avant tout par une distribution de choix, en mesure de nous emmener sur le chemin oh si épineux de l’enfer provoqué par les réverbérations de la dépendance aux drogues soi-disant dures.

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