Critique : Mr. Holmes

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Mr. Holmes

Royaume-Uni, 2015
Titre original : Mr. Holmes
Réalisateur : Bill Condon
Scénario : Jeffrey Htacher, d’après un roman de Mitch Cullin
Acteurs : Ian McKellen, Laura Linney, Milo Parker, Hiroyuki Sanada
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h44
Genre : Drame de vieillesse
Date de sortie : 4 mai 2016

Note : 3,5/5

Dix-sept ans après Ni dieux ni démons, le récit magistral des derniers jours du réalisateur légendaire James Whale, Bill Condon et Ian McKellen se retrouvent pour raconter essentiellement la même histoire. Il n’y est plus question d’homosexualité, ce qui rend sans doute Mr. Holmes moins personnel pour le réalisateur que la déchéance d’un artiste ostracisé, entre autres raisons, parce qu’il était gay. Néanmoins, la peur de la vieillesse, voire de la mort, résonne d’une façon encore plus universelle dans ce film d’un classicisme sublime. Le style de Bill Condon se distingue en effet par une élégance extrême, alors que le ton n’évoque guère une nostalgie poussiéreuse. C’est davantage une mélancolie lucide qui sous-tend la narration, comme si le réalisateur avait gagné en sagesse en même temps que les protagonistes respectifs de ses deux films majeurs : le cinéaste au désir charnel pas encore complètement asséché d’un côté et de l’autre le nonagénaire qui a renoncé depuis longtemps à tout lien affectif avec son entourage. Il en résulte un film certes sensiblement moins revendicateur d’un point de vue social, quoique, à la limite, encore plus profond et accessible dans le portrait à la fois saisissant et touchant d’un homme parvenu physiquement et mentalement au crépuscule de la vie.

Synopsis : En 1947, le célèbre détective Sherlock Holmes se retire définitivement à la campagne, où il mène une existence tranquille avec ses ruches d’abeilles. Face à sa mémoire qui s’efface irrémédiablement, il vient d’entreprendre un voyage au Japon afin d’y chercher un remède miracle. De même, il tente désespérément de se souvenir de sa dernière affaire, résolue a priori avec succès trente ans plus tôt. La compagnie de sa gouvernante Mme Munro et du fils de celle-ci Roger permettent au vieil homme de ne pas sombrer complètement dans le désarroi causé par un quotidien de plus en plus dépourvu de repères.

Ni vieux, ni con

La structure scénaristique des deux films, Ni dieux ni démons et Mr. Holmes, est si semblable que l’on pourrait croire en une simple répétition sous forme de variation, après un laps de temps important. Or, c’est précisément de la modulation de ces nombreux points de comparaison que naissent tout l’intérêt et toute la finesse de ce film-ci. Le triangle des personnages, constitué du vieux maître qui entretient des rapports tendus, mais bienveillants avec sa gouvernante jusqu’à ce que l’arrivée d’un représentant de la jeunesse et donc indirectement de l’innocence change la donne de fond en comble, y opère à peu de choses près d’une manière identique. Au niveau de la finalité du propos, les deux histoires se différencient par contre clairement. A la morbidité sournoisement licencieuse de Whale répond chez Holmes un état d’esprit beaucoup plus distant et cérébral. La complexité des différents fils de l’intrigue, qui sont d’ailleurs agencés par la mise en scène avec une plus grande assurance formelle que les souvenirs ponctuels d’alors autour de la jeunesse et de la guerre, symbolise sans la moindre pesanteur le labyrinthe mental dans lequel le protagoniste s’égare au fur et à mesure que l’aptitude de l’esprit l’abandonne. Ce qui ne veut pas dire que Bill Condon soit devenu soudainement un réalisateur visionnaire, mais que le soin apporté à chaque détail bénéficie grandement à l’aspect général du film.

Souvenirs brouillés d’une légende

La somme considérable de digressions, des abeilles au manuscrit rédigé au rythme de maintes trous de mémoire involontaires, en passant par le voyage dans un pays exotique où Holmes bute pourtant sur les mêmes contradictions que chez lui, vise avant tout à mieux diriger notre attention sur le cœur du récit. Aussi extraordinaire et mythique le destin du plus grand détective britannique soit-il, sur ses vieux jours, cet homme est réduit aux mêmes manifestations de faiblesse et de regrets que le commun des mortels. Grâce à l’interprétation grandiose parce que sans fausse pudeur de Ian McKellen, nous l’accompagnons volontairement dans cet ultime calvaire d’une biographie, qui relève plus de la légende que de la réalité. Car la narration joue habilement sur ces différentes formes de la perception de l’autre, faussées à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une célébrité. Malgré la noirceur potentielle de l’intrigue – au fil de laquelle même le personnage le plus idéalisé a droit à un sursaut de méchanceté –, il en émane un certain optimisme, autant que l’on peut en cultiver encore alors que la mort vous attend juste de l’autre côté du mur. L’équilibre subtile entre la perte des facultés et le maintien d’une posture noble ou en tout cas éclairée fait alors tout le charme de ce très beau film.

Conclusion

Après que sa carrière a emprunté un chemin en zigzag ces dernière années, nous n’attendions plus grand-chose de la part de Bill Condon. Ces retrouvailles glorieuses avec Ian McKellen nous rappellent avec bravoure quel type de film sophistiqué le réalisateur est capable de créer. De surcroît, Mr. Holmes est un conte de vieillesse qui ne cherche pas à enjoliver la dernière partie d’une vie. Il réussit au contraire à en tirer une formidable leçon sur les choses essentielles, qui rendent l’existence de chacun soit réellement épanouie, soit tristement solitaire.

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