Moonwalk One
Etats-Unis : 1972
Titre original : –
Réalisateur : Theo Kamecke
Scénario : Peretz W. Johnnes, Theo Kamecke, d’après E.G. Valens
Acteurs : Buzz Aldrin, Neil Armstrong, Michael Collins
Distribution : Ed Distribution
Durée : 1h48
Genre : Documentaire
Date de sortie : 30 juillet 2014
Note : 5/5
Synopsis : Réalisé entre 1969 et 1970, Moonwalk One capte la première tentative de l’Homme de marcher sur la Lune lors de la mission Apollo 11. Ces images tournées grâce au matériel de la N.A.S.A. et jamais montrées à ce jour révèlent la portée de cet événement tel qu’il a été vécu à l’époque.
Avec cette odyssée de l’espace, cousine réaliste de celle du 2001 de Stanley Kubrick, le réalisateur Theo Kamecke signe un chef d’oeuvre du documentaire qui répond à tout ce que vous vouliez savoir sur la conquête spatiale et l’alunissage d’apollo 11 sans jamais oser le demander.
1969, l’odyssée de l’espace, la vraie
Le 20 juillet 1969 500 millions de téléspectateurs vécurent un instant de communion internationale rarement, voire jamais répétée depuis, en découvrant sur le petit écran les images de l’alunissage de la mission Apollo 11 qui fit entrer à jamais Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins dans l’imaginaire collectif. 196 heures, 19 minutes et 40 secondes qui ont changé la face du monde.
Pour immortaliser cet événement, la NASA avait commandé ce documentaire et autorisé une immersion totale au sein de l’équipe qui l’a préparée en passant par les préparations techniques inédites, les questionnements sur l’adaptabilité du corps et de l’esprit humain face aux circonstances extrêmes extraordinaires du vol et jusqu’au travail méticuleux des petites mains des couturières qui se doivent d’être d’une précision rigoureuse car la moindre erreur sur le costume pourrait être fatale. La dimension pédagogique du film est remarquable, avec des graphiques précis qui nous permettent de tout comprendre avec un esprit de concision. Pas d’interviews des protagonistes mais les échanges entre les astronautes et les hommes restés sur Terre suffisent à donner l’impression de partager leur aventure extraterrestre.
On voit le quotidien du voyage, l’équipage avant le départ et la découverte par Neil Armstrong et Buzz Aldrin du sol lunaire dont ils rapporteront des échantillons venus de la nuit des temps et aux données précieuses. Le réalisateur ne néglige pas le rôle parfois sous-estimé de Michael Collins resté dans la navette alors que ses compagnons de voyage marchaient sur la Lune. Il retrouve sa juste place de maillon indispensable pour la réussite de la mission. Il n’est pas qu’un figurant et a lui aussi vécu des choses uniques et a vu la terre en entier à de nombreuses reprises.
Les images sont magnifiques, bouleversantes comme l’envol de la fusée, un moment de cinéma incroyable filmé sous tous les angles possibles. Cette séquence de cinq minutes, pour ce qui ne dura que neuf secondes dans la réalité, est un exemple de création cinématographique avec un montage qui saisit les étapes du décollage grâce aux 240 caméras placées à des endroits stratégiques pour révéler le vol sous toutes ses coutures. La fusée vu d’en dessous au moment où elle est propulsée dans les airs, la fusée parmi les nuages puis dans l’espace lorsque la Terre se révèle à nos yeux alors qu’Apollo entre dans sa trajectoire finale après la séparation de la jupe qui révèle soudain la planète bleue devant nos yeux ébahis. Des plans kubrickiens sans effets spéciaux, Gravity pour de vrai.
Une communion solennelle
Ce qui rend encore plus bouleversant ces images magiques est le choix du réalisateur de s’ancrer dans l’histoire de l’Humanité (un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité) offrant une réflexion profonde sur l’origine du monde et sa postérité, sur la dimension mythologique de ce voyage alors inédit et sans réelle suite depuis. Aucun autre moment n’a égalé l’alchimie universelle de la découverte de ses images, grand moment de communion en 1969, à une époque où l’information ne circulait pas aussi vite qu’aujourd’hui. En ouvrant et en fermant son film sur Stonehenge, il ajoute un caractère mythologique et païen mais souligne aussi le génie de l’humain toujours en quête de s’approcher au plus près des étoiles. ‘Notre esprit s’ouvre sur l’univers’ sont d’ailleurs les derniers mots entendus dans le film.
L’esprit scientifique est honoré mais aussi la curiosité des milliers de spectateurs présents sur les lieux qui auraient pu voir le spectacle dans de meilleures conditions de chez eux mais ont eu besoin d’être là, comme pour assister à ce Woodstock de l’aventure de l’espace. Theo Kamecke leur rend hommage ainsi qu’à tous les rêveurs, à ces fêlés de leur époque qui ont vu plus loin que l’horizon étriqué de leurs contemporains. Les astronautes et les techniciens de Houston sont les héritiers de tous les rêveurs, scientifiques, pionniers de l’aviation ou de l’espace et même les auteurs littéraires souvent seuls contre tous, mêlant sur un même plan les rêves et l’imagination de Jules Verne, Leonard de Vinci, Platon, Galilée, Descartes, H.G. Wells que les prouesses technologiques aux avancées parfois laborieuses des frères Wright, Copernic, Kepler, Einstein ou de Robert Goddard, l’homme lunaire et sa première fusée. Chacun a eu son importance et sans eux, pas de conquête spatiale et pas de Terre vue de la Lune ou de l’espace. Chacun a fait évoluer la technologie ou le désir d’en savoir plus, d’aller là vers l’inconnu et de comprendre ce que l’espace révèle de notre passé, de notre futur et de notre âme.
Un jour comme un autre, un documentaire comme nul autre
Ces images officielles financées par la NASA ne relèvent pas de la propagande mais sont au service d’un auteur qui livre un documentaire personnel, jamais piégé par les conventions du film institutionnel. Le réalisateur capte tout, la mission elle-même donc mais aussi sa dimension historique, culturelle et spirituelle. Ce 20 juillet 1969 est presque un jour comme un autre dans le monde. La vie sur Terre ne s’arrête pas et il enregistre aussi les événements sociaux, politiques et culturels du moment. La conquête spatiale n’est pas isolée dans une bulle mais fait partie de l’histoire de cette période. La souffrance de l’Afrique, la première traversée de l’Océan Pacifique en solitaire par une femme (Sharon Adams), les manifestations contre la guerre du Vietnam, l’Irlande et ses troubles, la lutte des Black Panthers, les avancées du planning familial et bien entendu la Guerre Froide, autre moteur de la conquête spatiale…
Résumé
Un document magique sur l’infiniment grand et l’infiniment petit, le spectaculaire et l’anecdotique, le cartésien et le spirituel, l’intime et le public. Des délicates balances entre chaque élément grâce à ce moment de grâce dont il est difficile de comprendre comment il est resté inédit depuis quarante ans, perdu dans les coffres de la NASA et déterré par le réalisateur lui-même puis par les fins dénicheurs de ED Distribution (Bill Plympton, Guy Maddin, Andrew Kötting, Phil Mulloy, les premiers Alex van Warmerdam…), une initiative que l’on ne peut qu’applaudir. Moonwalk One est immersif et émouvant par la force de son propos et de ses images uniques à découvrir absolument sur grand écran.