Martha Marcy May Marlene
Américain : 2011
Titre original : Martha Marcy May Marlene
Réalisateur : Sean Durkin
Scénario : Sean Durkin
Acteurs : Hugh Dancy, Elizabeth Olsen, Sarah Paulson
Distribution : Twentieth Century Fox France
Durée : 02h00min
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 29 février 2012
Globale : [rating:5][five-star-rating]
Auréolé par le prix du meilleur réalisateur obtenu par Sean Durkin lors du Festival de Sundance 2011, Martha Marcy May Marlene, présenté à Cannes 2011 dans la sélection Un Certain Regard, aurait pu prétendre à la Caméra d’Or n’eut été la concurrence de Les Acacias. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser que ces 2 (premiers) films sont ce que le cinéma nous a offert de plus excitant depuis le début de l’année.
Synopsis : Après avoir fui une secte et son charismatique leader, Martha tente de se reconstruire et de retrouver une vie normale. Elle cherche de l’aide auprès de sa sœur aînée, Lucy, et de son beau-frère avec qui elle n’avait plus de contacts, mais elle est incapable de leur avouer la vérité sur sa longue disparition. Martha est persuadée que son ancienne secte la pourchasse toujours. Les souvenirs qui la hantent se transforment alors en effrayante paranoïa et la frontière entre réalité et illusion se brouille peu à peu…
Une construction remarquable
Né au Canada, le trentenaire Sean Durkin a toujours écrit des histoires et, dès l’âge de 9 ans, il filmait ses copains avec le caméscope familial. Ayant vécu en Angleterre jusqu’à l’âge de 12 ans, il a ensuite rejoint New-York, ville dont l’Université lui a délivré un diplôme en 2006. Dans quel domaine ? Le cinéma, bien sûr. Martha Marcy May Marlene est son premier long métrage. D’où l’étonnement qu’on ressent devant la qualité de construction qui se dégage de ce film de 102 minutes, devant la maturité évidente de ce jeune réalisateur. Loin d’avoir choisi la facilité, Sean Durkin arrive à ne pas égarer le spectateur tout en truffant son œuvre de flashbacks et de fausses pistes. Rien de gratuit dans cette recherche de la difficulté, bien au contraire : tout au long du film, cette construction et ces fausses pistes vont aider à faire monter la tension chez le spectateur. Qu’est-il arrivé à cette jeune Martha qui, ses parents étant morts, débarque dans une maison en pleine campagne, la maison qu’habitent sa sœur aînée Lucy et son beau-frère Ted ? Pourquoi mélange-t-elle des événements qu’elle a vécus dans la secte qu’elle vient de fuir et ceux qu’elle vit auprès de sa famille, à laquelle elle se refuse de raconter cette traumatisante expérience ? Est-elle réellement poursuivie par Patrick, le charismatique leader de la secte ? Quelles sont les différences entre une secte et le cocon familial qui peut, parfois, se transformer en carcan familial ? Habilement, Sean Durkin trimbale le spectateur d’une certitude à l’autre. On ne peut pas ne pas penser aux premiers films de Polanski, ce qui n’est guère surprenant puisque Sean avoue que la vision de Shining a changé sa vie d’apprenti-cinéaste. On peut, en tout cas, prédire un avenir radieux à ce réalisateur.
Une interprétation parfaite
Sur cet excellent scénario et cette superbe réalisation vient se greffer la qualité incontestable de l’interprétation. En tout premier lieu, celle d’Elizabeth Olsen, petite sœur des fameuses jumelles, comédiennes et designers, Mary-Kate et Ashley Olsen. Il est presque certain que, d’ici quelques années, voire quelques mois, on parlera de ces dernières comme étant les sœurs ainées d’Elizabeth, tellement cette dernière crève l’écran. Certes, il est bien connu que jouer un personnage qui glisse vers la paranoïa est plus valorisant pour un comédien ou une comédienne que jouer un personnage platement normal. Mais est-ce pour autant plus facile ? Même le grand Jack Nicholson a montré, parfois, que le risque était grand d’en faire trop, de surjouer. Ce n’est pas le cas ici : Elizabeth Olsen joue juste et son personnage est totalement crédible. Autre personnage crédible, Patrick, le leader de la secte. Il est joué par John Hawkes, qu’on avait apprécié il y a peu dans Winter’s Bone. Il confirme ses grands talents de comédien et il nous bluffe totalement lorsque, au milieu du film, on l’entend interpréter « Marcy’s song », un bijou de Jackson C. Frank datant de 1965. Une version meilleure que l’originale ? On dirait bien …
Résumé
S’il lui arrive parfois de glisser vers la banalité et une certaine forme de facilité, le cinéma indépendant américain sait encore nous offrir des œuvres à la fois personnelles et passionnantes. Dans ce premier long métrage extrêmement prometteur, Sean Durkin prouve que, même en 2012, on peut générer tension, suspense et même angoisse en ne faisant appel à aucun effet spécial. Servi par une distribution haut de gamme, il fait appel à l’intelligence du spectateur pour sortir de ce labyrinthe construit à base de flashbacks et de fausses pistes.
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