Ma mère est folle
France, Belgique, 2018
Titre original : –
Réalisatrice : Diane Kurys
Scénario : Sacha Sperling & Pietro Caracciolo
Acteurs : Fanny Ardant, Vianney, Patrick Chesnais, Arielle Dombasle
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h35
Genre : Comédie
Date de sortie : 5 décembre 2018
Note : 3/5
Nous savons bien sûr parfaitement que la vedette de Ma mère est folle est Fanny Ardant, une actrice que nous apprécions habituellement, grâce à son charme irrésistible qui passe à la fois par son grand sourire et par une profondeur de jeu qui ne trouve hélas pas toujours les rôles qu’elle mériterait. Pourtant, cette comédie, qui, par sa légèreté, rompt agréablement avec notre emploi du temps en majorité sombrement dramatique à l’Arras Film Festival, nous paraît tout à fait représentative d’une autre actrice. Arielle Dombasle a beau n’y interpréter qu’un personnage secondaire, la marraine richissime et du coup facile à manipuler pour quiconque a besoin d’arrondir ses fins de mois à ses dépens, le quatorzième long-métrage de Diane Kurys aurait facilement pu lui être dédié. Frivole, prétentieuse, voire carrément narcissique, c’est ainsi que nous voyons Arielle Dombasle, de préférence de loin, puisque son style de film et de personnage de nunuche éthérée avaient une fâcheuse tendance à nous insupporter. Et puis, surprise, il aura fallu attendre de tomber, presque par hasard, sur un film capable de faire siens ces traits de caractère agaçants, de les incorporer complètement, non pas pour en faire une énième œuvre d’art aux ambitions alambiquées, mais une histoire efficacement divertissante, pour que nous fassions notre paix avec elle. Les bons sentiments règnent certes avec un peu trop d’insistance sur le périple d’une mère lunatique, partie pour faire fortune dans la drogue, un peu comme Bernadette Lafont dans Paulette de Jérôme Enrico il y a six ans, mais dans l’ensemble la bonne humeur réelle, ni trop débile, ni trop vulgaire, y prévaut.
Synopsis : La visite de l’huissier n’aurait pas pu venir à un plus mauvais moment pour Nora, une mère au style de vie bohémien qui n’a plus vu son fils depuis des années et qui cherche à se maintenir à flot en créant sa propre ligne de bijoux et en produisant le premier album d’un rappeur bosniaque, rencontré dans le métro. Afin d’éponger au moins partiellement ses dettes auprès de la banque, elle suit le conseil de son protégé et se lance dans le trafic de cannabis. Elle se fait prêter une voiture et quelques milliers d’euros à investir par sa meilleure amie, avant de partir en direction des Pays-Bas, en compagnie de Nono, un enfant taciturne récupéré auprès du rappeur. En quelque sorte pour joindre l’utile à l’agréable, Nora fait escale à Rotterdam, où son fils unique Baptiste s’est installé. Les retrouvailles deviennent de plus en plus mouvementées, au fur et à mesure que celui-ci apprend les raisons réelles de la visite inopinée de sa mère.
Amsterdam, Rotterdam, c’est pareil
Après son dernier tour de force dans Les Beaux jours de Marion Vernoux en 2013, on aurait eu tort de croire que Fanny Ardant allait se cantonner désormais aux rôles de vieillesse, où la lueur d’espièglerie, qui, à bientôt 70 ans, scintille toujours dans ses yeux, allait s’éteindre petit à petit. La sympathie indéniable que nous éprouvons à la fois pour l’actrice et pour son dernier film ne devrait pas trop fausser notre degré d’appréciation de Ma mère est folle, une comédie à ne surtout pas prendre au sérieux, au risque de rompre la magie presque délicate qui l’anime. Toujours est-il que la symbiose entre l’état d’esprit badin de l’histoire et l’air pas moins enjoué avec lequel le personnage principal l’affronte ont eu de quoi nous conquérir, dans la limite d’un genre gentiment populaire, qui se conforme plus aux clichés qu’il n’ose les interroger subtilement. Ce serait par ailleurs une erreur fatale d’y rechercher quelque morceau de bravoure ou d’ingéniosité narrative que ce soit, tant la mise en scène de Diane Kurys veille à éviter les accrocs de toutes sortes. Rien n’a vraiment d’importance ici, les blagues sur les Belges pas plus que les remarques un peu datées sur la communauté gaie – on ne s’attendait plus à entendre l’expression « être de la jaquette » dans un film de la deuxième moitié des années 2010 –, puisque le but principal du récit consiste à réunir d’une manière à peu près lucide la mère extravagante avec son fils prodigue.
Un petit tango et ça repart
Peu importe alors que les pierres de discorde initiales deviennent avec une aisance bluffante des prétextes pour faire front commun au sein d’un cercle familial maintes fois recomposé ou que les problèmes financiers à l’origine de toute cette pagaille sont réglés à coups de pouce fabuleux de la part d’un entourage, dont la principale raison d’être semble cette facilité à ouvrir les vannes monétaires. Ainsi, le personnage de Arielle Dombasle évolue à la périphérie de ce tohu-bohu amusant, auquel elle imprime cependant sa marque, ce qui est déjà une part plus consistante que la contribution de Patrick Chesnais en autre ami aussi fortuné que flamboyant, a priori tout juste présent pour permettre aux dealers improvisés de renforcer leurs liens familiaux. En fait, dans la plus pure tradition de la comédie loufoque, les péripéties dans leur articulation concrète comptent finalement assez peu, comparé au rabibochage affectif, forcément plus abstrait, entrepris par Nora et Baptiste. Le grand mouvement de la réconciliation courue d’avance est toutefois ponctué de quelques petites touches appréciables, comme ces chutes qui n’arrivent qu’à la séquence suivante, tel que le commentaire négatif sur les talents culinaires du compagnon de Chesnais, ou quand on ne les attendait plus, avec Nono qui sort de sa cachette longtemps après la disparition du danger légal. Ce qui est toujours ça de pris de la part d’une réalisatrice, qui nous avait habitués dans le passé à des traitements infiniment plus convenus, côté drame avec Pour une femme en 2013 et côté comédie avec L’Anniversaire huit ans plus tôt.
Conclusion
Ça fait beaucoup de bien de respirer parfois au cinéma, de pas non plus rire aux éclats, mais de pouvoir rarement se départir d’un grand sourire face à une comédie profondément inoffensive comme Ma mère est folle ! Fanny Ardant y brille dans un rôle taillé sur mesure. Ce qui nous y paraît par contre encore plus important, c’est la décontraction avec laquelle Diane Kurys y déploie son talent – jadis pas toujours évident – de conteuse décomplexée, libre comme l’air dans l’agencement d’une aventure sans autre conséquence que de nous permettre de passer un bon moment.