Livres : Tigres et Dragons, les arts martiaux au cinéma

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Titre : Tigres et Dragons, les arts martiaux au cinéma : de Tokyo à Hong Kong

Auteur : Christophe Champclaux

Editeur : Guy Tredaniel

Date de publication : octobre 2018

Nombre de pages : 304

Format : 17 x 23 cm

Prix : 12,90€


Titre : Tigres et dragons, les arts martiaux au cinéma : du ring à la rue

Auteur : Christophe Champclaux

Editeur : Guy Tredaniel

Date de publication : mai 2019

Nombre de pages : 304

Format : 17 x 23 cm

Prix : 12,90€

Sous-genre longtemps méprisé par la sphère institutionnelle mais chéri par un public qui accueillit avec un enthousiasme sans précédent la comète Bruce Lee, le film d’arts martiaux possède une place aussi ambivalente que les personnalités et les mythes qui l’entretiennent. A l’heure où les films d’action se reposent sur des démonstrations chorégraphiques atteignant des cimes homériques, il est assez intéressant de retracer le lien ténu que le film martial entretient avec l’évolution d’une industrie cinématographique mondiale qui capitalise ses atouts de séduction sur le tout spectaculaire.

Ces deux premiers tomes de Tigres et Dragons, les arts martiaux au cinéma permettent ainsi de rappeler la juste place d’un genre trop longtemps répudié par une intelligentsia encore frileuse à l’idée d’intellectualiser des productions enthousiasmant le grand public.

Opération : (ré)habilitation

Réédition d’une quadrilogie essentielle embrayée au début des années 2000, Tigres et Dragons, les arts martiaux au cinéma un long voyage de cinéma martial piloté par un historien aguerri et sportif passionné. Son intérêt réside ainsi en premier lieu dans le regard que l’auteur porte sur un genre qu’il chérit et qu’il traite avec une déférence exemplaire sans jamais manquer de recul.

D’autant plus que la réédition permet d’actualiser les constats et diagnostics sur un genre qui ont évolué depuis deux décennies. Le début des années 2000 marqué par le succès inattendu du Tigre et Dragon d’Ang Lee qui annonçait une vague de succès mondiaux fut malheureusement de courte durée. Une autre comète générique, un essai non transformé pour un Occident des réceptions fulgurantes. Ainsi, dans le premier tome Tigres et dragons, les arts martiaux au cinéma : de Tokyo à Hong Kong, Christophe Champclaux remanie son petit historique du film de kung fu et met en exergue la place et le poids économique inédit du marché chinois dans l’industrie cinématographique mondiale. La sortie prochaine du remake en prises de vues réelles Mulan de Disney montre l’inversion d’une tendance embrayée depuis quelques années : le calibrage chinois de grosses productions occidentales. Une boucle bouclée ?

Tigre et dragon

Par ailleurs, sa réflexion présente ainsi cette singularité féconde de combiner plusieurs approches : à la fois cinématographiques, historiques, philosophiques mais aussi sportives puisque Champclaux agrémente ainsi son ouvrage de ses connaissances martiales qui s’avèrent essentielles pour cerner les enjeux techniques de certaines œuvres filmiques dont les analyses sont souvent amputées de cet angle pourtant consubstantiel. De la philosophique du Jeet kune do en passant par l’Aikijutsu ou le Jijutsu, le lecteur ne se sent pourtant jamais noyé sous le flot de ces termes spécifiques recouvrant souvent pléthores de concepts. Ces deux premiers tomes sont marqués par une habileté heureuse à gérer l’équilibre entre ces multitudes d’approches et de concepts recoupés dans un genre filmique plus complexe que sa réception.

De Tokyo à Hollywood

A cette réflexion dense et transversale, se couple une construction ingénieuse : structurée selon des axes chronologiques et individuels (l’auteur s’attardant sur des personnalités proportionnellement à l’importance qu’elles ont eu au sein du genre). La réédition se trouve ainsi motivée par l’insertion d’entretiens inédits dont le plaisant Dolph Lundgren dont les propos ont été recueillis en 2008 par Jérémie Damoiseau (auteur de Punisher, l’histoire secrète) (voir ici la critique de cet autre ouvrage) mais aussi Sonny Chiba qui donna quelques mots au duo Toku Scope lors de sa venue parisienne en 2016.

Sonny Chiba

Des interprètes iconiques aux producteurs en passant par les chorégraphes ou des figures historiques illustres, l’auteur propose un panel solide et exhaustif de tous les acteurs essentiels qui confèrent ou ont conféré au film martial cette vitalité et cette énergie communicative.

Il rappelle ainsi les circulations et les transferts culturels : de l’Europe avec Belmondo, Bud Spencer et Dr Justice en passant par le genre historique du film de boxe américain à la Blaxploitation, le genre martial ne s’est jamais cantonné à une zone géographique exclusivement orientale.

Que l’on soit amateur ou non, ces deux premiers tomes réédités chez Guy Trédaniel sont des indispensables de bibliothèque. En se refusant de jouer le jeu de la perception collective qui aime se laisser au jugement narquois de productions supposément idiotes, Champclaux est arrivé à construire une somme indispensable pour lever le voile de l’ignorance sur un genre trop longtemps raillé.

Longtemps, la question de la valeur d’un film et des hiérarchies entre les œuvres fut au centre de nombreux questionnements. Mais quid de la question de la valeur des genres ? Dans l’avant-propos du premier tome, Christophe Champclaux ne s’enfonce pas dans une amertume stérile. Au contraire, dans sa nouvelle préface, il se réjouit d’un enthousiasme encore intact et sans cesse renouvelé au sein des sphères cinéphiles.

Bruce Lee

Ces deux ouvrages pointent le paradoxe suivant : la marginalisation d’un genre populaire et transversal qui présente tous les atouts de l’universalité. Dans un très bel article écrit dans le journal Le Monde en 2006, Jean-François Rauger interrogeait le caractère universel et la pureté du genre martial. Comment expliquer un tel succès proportionnel au rejet critique ? Ce à quoi Christophe Gans, un autre fervent défenseur de la culture marginale, rappelait la confluence des influences qui alimentait les productions martiales qui lorgnaient du côté du western et du mythe ainsi que la dynamique contradictoire d’un genre aimé du public mais récupéré souvent servilement par l’industrie. Cette relation amour-haine continue ainsi de faire vivre le cinéma martial qui continue d’encaisser les coups.

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