Titre : Werner et les catastrophes naturelles
Auteure : Laura Fredducci
Editeur : Editions Anne Carrière
Date de publication : mars 2018
Nombre de pages : 171
Format : 20×14
Prix : 17 euros
Autant biographie que roman d’aventure, Werner et les catastrophes naturelles est sorti en début d’année aux Editions Anne Carrière. Son auteure, Laura Fredducci, signe ici son premier roman, mais pas son premier livre : elle a déjà publié un essai sur Frederick Wiseman chez Playlist Society, maison d’édition que l’on apprécie – et qu’elle a d’ailleurs co-fondé.
Fascinant mélange, cette biographie de Werner Herzog ne cherche ni à être exhaustive, ni à être exacte : elle est à l’image de son auteur, qui aime se mettre en scène, mais qui n’a pas beaucoup besoin d’exagérer pour émerveiller tant sa vie est parsemée d’épisodes fantasques qui semblent relever de la fiction. A l’image de John Ford, il est question ici d’imprimer la légende ! On suit ainsi tout d’abord un Herzog adolescent, qui suite à une enfance bavaroise assez tranquille visite l’Albanie communiste isolée et le Congo en plein chaos : la fièvre de l’aventure est déjà présente. Pas étonnant pour un cinéaste qui s’illustrera par la suite autant dans la fiction que dans le documentaire.
Lire une biographie de Werner Herzog, c’est bien entendu revivre des tournages dantesques qui sont entrés dans l’Histoire du cinéma : les colères noires et diaboliques de son meilleur ennemi Klaus Kinski, l’environnement hostile de Fitzcarraldo et Aguirre, ou encore une traversée du Sahara qui finit par des jours de prison au Cameroun. Si on découvre l’homme Herzog, certains épisodes restent privés – l’auteure nous expliquant, justement, que « l’amour est une stricte affaire privée ». Mais Laura Freducci ne se contente pas de dresser un portrait enthousiaste d’une figure qu’elle adore. Au contraire, et c’est la la grande fraîcheur de l’ouvrage, elle n’hésite pas à évoquer le « doppelgänger » de Herzog, qu’elle juge parfois indéfendable dans ses décisions, comme dans son documentaire sur des enfants soldats au Nicaragua (La ballade du petit soldat, 1984). Si elle finit par expliquer directement au lecteur son obsession pour Herzog, elle évoque aussi la période de creux que le cinéaste a connu, qui bien que toujours aussi productif a livré des films cinématographiquement assez pauvres.
Ce qui semble a première vue une biographie fantasmée se révèle en fin de compte être un véritable essai. Un portrait au final déconcertant de lucidité sur un cinéaste qui, pour citer Truffaut à propos de Vigo, a fait des films avec 40° de fièvre – fièvre qui est ici celle de l’Aventure. Qu’importe si Herzog s’est embourgeoisé, il est toujours aussi passionnant de se plonger dans ses mésaventures cinématographiques : le livre de Freducci est une invitation au voyage.