Livre : Une vie pour le cinéma (Jean-Jacques Annaud)

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Une vie pour le cinéma
France, 2018
Titre original : –
Auteur : Jean-Jacques Annaud, avec Marie-Françoise Leclère
Éditeur : Grasset
524 pages
Genre : Autobiographie
Date de parution : 31 octobre 2018
Format : 153 mm X 235 mm
Prix : 23 €

3,5/5

Pour le dire tout de suite, nous n’avons jamais été particulièrement fans des films de Jean-Jacques Annaud. Dans sa filmographie pas si fournie, aucune œuvre ne nous a plu de manière exceptionnelle, peut-être aussi parce que l’un de ses genres de prédilection, les aventures animalières, est celui qui nous indiffère au plus haut point. Par conséquent, c’est le hasard des recherches aléatoires dans le rayon cinéma de la médiathèque municipale la plus proche qui nous a incités à donner sa chance à ce petit pavé sous forme d’autobiographie. Selon la conviction glanée dans Hurricane Carter de Norman Jewison que ce n’est pas le lecteur qui choisit son livre, mais l’inverse. Et quelle bonne pioche que cet « Une vie pour le cinéma », une plongée passionnante dans le travail d’un cinéaste parfaitement habité par son métier !

Alors oui, on regardera toujours d’un œil quelque peu circonspect sa douzaine de films. Mais au moins, on sait désormais à quel point leur créateur s’est tué à la tâche pour en faire les meilleurs films possibles. Car ce qui ressort avant tout de cet ouvrage fort plaisant à lire, c’est l’application et le pragmatisme avec lesquels Jean-Jacques Annaud navigue à travers son microcosme professionnel. Ce redoutable milieu du cinéma, qui s’était avéré trop hasardeux pour la plupart de ses confrères et contemporains, réduits à une carrière infiniment moins durable que la sienne. En effet, à désormais 80 ans, le réalisateur français continue à faire parler de lui dans l’actualité du cinéma, comme il y a deux ans avec Notre-Dame brûle, le seul de ses projets pas mentionnés ici, pour cause de date de publication antérieure.

Une longévité qu’il doit sans doute aussi à sa soif intarissable de nouvelles découvertes et aventures. Cet état d’esprit des plus valeureux, il réussit à le transmettre tout au long des plus de cinq-cents pages de ce qui ressemble moins à un résumé introspectif qu’à un long journal galvanisant de production, maintes fois renouvelé, mais à aucun moment rébarbatif ou prétentieux.

Coup de tête © 1979 Société Française de Production / Gaumont Tous droits réservés

Synopsis : Fils unique ayant grandi en banlieue parisienne, Jean-Jacques Annaud rêve assez tôt de faire du cinéma. Après des études à l’IDHEC, il commence pourtant à se faire d’abord un nom dans la publicité au milieu des années 1970. Malgré l’Oscar du Meilleur Film étranger attribué à son premier film La Victoire en chantant, le réalisateur devra attendre son troisième long-métrage pour réellement marquer les esprits. Car après le succès planétaire de La Guerre du feu, toutes les portes lui sont ouvertes. Cette surabondance d’opportunités, il la saisit afin de réaliser des films qui lui plaisent, tels que les adaptations littéraires Le Nom de la rose et L’Amant ou bien des films d’aventure comme L’Ours, Deux frères et Le Dernier loup. Une carrière à l’international des plus exemplaires, globalement exempte de déconvenues commerciales, mis à part l’échec cuisant de la farce Sa majesté Minor.

Le Nom de la rose © 1986 Mario Tursi / Constantin Film / Cristaldi Film / Les Films Ariane / Allied Filmmakers /
TF1 Studio / Les Acacias Tous droits réservés

L’exercice de l’autobiographie a toujours quelque chose de périlleux. Comment faire pour donner envie à la lectrice et au lecteur de passer des jours, des semaines, voire des mois en compagnie d’une célébrité probablement bien consciente de ses propres qualités ? Certainement pas comme Elia Kazan l’avait fait, en se vantant dans la sienne dès l’introduction de ses prouesses de tombeur de filles, malgré l’absence d’un testicule. Et plutôt pas non plus comme Michael Powell, qui avait eu besoin des cents premières pages pour évoquer son enfance. Non, les récits d’une vie qui nous passionnent le plus, ce sont ceux comme l’autobiographie de Frank Capra. Certes, elle aussi est fort consistante en termes de pages, mais si facile à lire, grâce à la plume nullement arrogante de son auteur. « Une vie pour le cinéma » s’approche de cet idéal, en privilégiant sans faute les faits au détriment d’anecdotes croustillantes.

Ainsi, la personnalité de Jean-Jacques Annaud transparaît davantage par la façon dont il raconte ses périples derrière la caméra que par des prises de position tendancieuses. Il ne manque pas une occasion pour chanter les louanges de ses collaborateurs réguliers, comme les scénaristes Gérard Brach et Alain Godard, le chef opérateur Robert Fraisse et la monteuse Noelle Boisson. Et les félicitations ne manquent pas non plus à l’égard de ses comédiens, prêts à tout pour faire aboutir la vision grandiose de ses films successifs.

La seule ombre au tableau de ce travail d’équipe à la fois euphorisant et épuisant : l’attitude égoïste de F. Murray Abraham sur le plateau du Nom de la rose. Ainsi que, dans une bien moindre mesure, ses désaccords avec les scénaristes de la mini-série « La Vérité sur l’affaire Harry Quebert ». Sinon, on dirait que les nombreux contretemps à affronter ensemble en cours d’écriture, de tournage et de postproduction constituent ce qu’Annaud apprécie le plus dans son métier.

L’Ours © 1988 Renn Productions / Pathé Films / Tamasa Distribution Tous droits réservés

Bref, l’image qu’il donne de lui-même au fil des seize chapitres qui découpent avec une étonnante régularité son livre, c’est celui d’un fonceur éclairé. Sans cesse en mouvement à travers les continents, il s’y improvise simultanément commis voyageur au service de ses propres films et auteur situé quelque part entre le cinéma commercial et des sujets plus personnels, en quête d’histoires à conter et de cultures à découvrir. Tout comme la mise en chantier et la production à proprement parler de ses films se suivent et se ressemblent, Jean-Jacques Annaud a toujours déjà sa prochaine réalisation en tête, dans laquelle il s’investira encore et toujours corps et âme. Le parfait équilibre éditorial du livre permet dès lors d’avoir au moins une vague idée à quoi ressemble le quotidien ou le rythme de vie annuel d’un cinéaste, sollicité de tous bords mais surtout animé par une curiosité inépuisable.

Largement pour le meilleur, « Une vie pour le cinéma » correspond donc à l’image qu’on s’était faite du réalisateur avant de le lire. C’est-à-dire d’un véritable touche-à-tout, a priori pas le plus grand réalisateur de l’Histoire du cinéma, quoiqu’un homme à qui ses cinq César et ses huit films millionnaires au box-office français n’ont point donné la grosse tête. En somme, quelqu’un rendu éminemment sympathique par sa culture – cinématographique et plus générale – et son éthique de travail. Sous réserve que toutes ces péripéties passionnantes sont évoquées ici depuis son seul point de vue subjectif. Car à aucun moment, il n’y est fait mention de la contribution concrète de la journaliste Marie-Françoise Leclère, pourtant citée comme co-autrice sur la couverture. Supposons que c’est à elle que nous devons le style d’écriture extrêmement plaisant, voire le découpage, lui aussi bénéfique à une lecture fluide, en sous-chapitres dépassant rarement une ou deux pages.

Sa majesté Minor © 2007 David Koskas / Repérage / Pathé Production / France 2 Cinéma / Mediapro / Studiocanal
Tous droits réservés

Conclusion

Une autobiographie, ça sert à quoi ? A écrire ce que l’on considère comme essentiel dans une vie plus ou moins bien remplie. Le petit demi-siècle depuis lequel Jean-Jacques Annaud a imposé sa marque dans le cinéma français et international représente sans aucun doute une source inépuisable d’informations. La qualité principale de « Une vie pour le cinéma » consiste alors à faire passer en revue ces nombreuses années et ces presque aussi nombreux film avec un recul et à une distance des plus raisonnables. De quoi nous rassurer sur le fait que son auteur est un cinéaste accompli dans l’âme, prêt à se battre sans distinction pour chacun de ses films. Peu importe le résultat final qui apparaitra à l’écran et qui a, hélas, la plupart du temps tendance à nous laisser de marbre …

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