Livre : Rire est une fête (Jean-Marie Poiré)

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Rire est une fête
France, 2024
Titre original : –
Auteur : Jean-Marie Poiré
Éditeur : Éditions Michel Lafon
422 pages
Genre : Autobiographie
Date de parution : 11 avril 2024
Format : 140 mm X 225 mm
Prix : 20€95

3/5

Même s’il n’a plus tourné de film depuis dix ans – son dernier grand succès remontant au siècle dernier – et si le genre de comédie populaire pour lequel il est célèbre ressort très rarement sur grand écran, le réalisateur français Jean-Marie Poiré jouit encore d’une certaine réputation. Les innombrables rediffusions de ses films les plus divertissants à la télévision lui assurent en effet une appréciation publique très large dont bon nombre de ses confrères ne peuvent que rêver.

De surcroît, comme l’a prouvé une nouvelle fois au printemps dernier sa tournée de promotion pour « Rire est une fête » sur les différents plateaux de télévision, c’est un personnage. Un qualificatif que l’on entend plutôt dans le bon sens du terme ici. Car son talent indéniable pour des comédies populaires et débridées se retrouve forcément dans la philosophie de vie d’un homme ayant fait une carrière fulgurante dans le cinéma français des années 1980 et ’90.

Son autobiographie, sous-titrée « Mémoires cash d’un réalisateur culte » – bonjour l’argument commercial qui lorgne dangereusement vers la prétention ! – est-elle à la hauteur de ce parcours d’exception, ponctué de films aussi mémorables, voire cultes, effectivement, que Le Père Noël est une ordure, Papy fait de la résistance, Twist Again à Moscou, L’Opération Corned Beef et Les Visiteurs ? Oui et non.

D’un côté, Poiré sait truffer les plus de quatre cents pages de son livre d’un nombre imposant d’anecdotes, globalement amusantes. De l’autre, la chronologie très arbitraire de l’ouvrage, tout comme l’absence d’un véritable propos révélateur, soit au sujet de sa vie privée, soit en termes de transmission de savoir-faire et de passion professionnels, rendent la lecture passablement instructive. Au moins, le langage très courant employé par l’auteur, qui a tendance à inclure des expressions argotiques, permet de dévorer sans déplaisir cette histoire d’une vie placée sous le signe du rire.

Les Petits câlins © 1978 Zazi Films / Les Productions de la Guéville / Gaumont Tous droits réservés

Synopsis : Sans coupure ni montage, le réalisateur Jean-Marie Poiré dévoile les secrets de tournage de ses films cultes. L’y accompagnent ses complices de toujours, en premier lieu son co-scénariste et acteur attitré Christian Clavier, ainsi que Josiane Balasko, Valérie Lemercier, Gérard Depardieu, Gérard Jugnot, Jacques Villeret et beaucoup d’autres. Le réalisateur de quelques uns des plus gros succès du cinéma français de la fin du siècle dernier nous y invite à partager ses souvenirs, des aléas du métier de metteur en scène de cinéma aux caprices des acteurs plus ou moins célèbres, en passant par sa relation parfois tempêtueuse avec ses producteurs tels que Alain Terzian, Christian Fechner, son père Alain Poiré et l’éternel rendez-vous manqué avec Claude Berri.

Le Père Noël est une ordure © 1982 Jean-Pierre Fizet / Trinacra Films / Les Films du Splendid / France 2 Cinéma /
Tamasa Distribution Tous droits réservés

Mieux vaut avoir une solide connaissance de la chronologie de la filmographie de Jean-Marie Poiré afin de s’y retrouver tant soit peu dans « Rire est une fête » ! En effet, après la préface des plus conventionnelles pondue par son complice de longue date Christian Clavier, le réalisateur des Visiteurs dézingue sans tarder Valérie Lermercier, hésitante de s’engager dans la suite de la comédie fantastique, championne du box-office français au milieu des années ’90.

Une entrée en la matière assez fracassante et d’ailleurs écrite avec une facilité littéraire des plus plaisantes, qui s’avère doublement représentative de ce qui va suivre au fil des prochaines quatre cents pages. D’abord, parce que Poiré y remplit tout à fait son contrat initial, c’est-à-dire de dire franchement ce qu’il pense des collaborateurs qui lui ont fait de la peine, d’une manière ou d’une autre. Puis, à cause de cette approximation presque fâcheuse dans l’établissement d’un quelconque cadre temporel, miné sans arrêt par des va-et-vient circonstanciels.

Ainsi, les nombreuses personnalités que Jean-Marie Poiré a croisées au cours de sa carrière, longue d’un demi-siècle, peuvent aisément être réparties en deux catégories. Ses compagnons du rire avec lesquels il entretient un lien d’amitié et de complicité profondes : Clavier, bien sûr, mais également Josiane Balasko et la troupe du Splendid. Et en face, tous ces gens contre lesquels il semble avoir gardé une dent et avec lesquels il règle donc ses comptes, arguments à l’appui, quoique pas toujours avec une objectivité sans faille. Rien de plus normal dans le cadre d’une autobiographie qui revendique justement son franc-parler, non ? Toujours est-il que bon nombre d’idoles du cinéma français, de Coluche à Pierre Richard, en passant par Richard Anconina, n’y ont guère le beau rôle.

Papy fait de la résistance © 1983 Dominique Le Strat / Les Films Christian Fechner / Studiocanal Tous droits réservés

Ce qui ne signifie point que Jean-Marie Poiré se sert de cet ouvrage conséquent pour chanter ses propres louanges. Pour cela, il fait preuve d’une trop grande modestie et, surtout, de la conscience aiguë de la nature collaborative de l’industrie du cinéma, elle-même soumise à une alternance imprévisible de succès et d’échecs. Puisqu’il a connu abondamment les deux, le réalisateur préfère la reconnaissance envers son équipe à l’orgueil nombriliste. Tout comme la mise en avant du talent de l’autre au récit de frasques hédonistes, qui ont sans doute fait partie de l’existence d’un homme dont les plus grands plaisirs relèvent de la gourmandise et d’un style de vie plutôt bling-bling.

Heureusement pour nous, le motif récurrent de son autobiographie se situe du côté des aventures rocambolesques de tournage ou des rencontres, stimulantes d’un point de vue intellectuel ou humoristique, qu’il a pu vivre, sans qu’il ne se vante de ses conquêtes féminines ou des sommes d’argent claquées en un week-end à Deauville.

Toutefois, la richesse des anecdotes sur certains de ses films – pas tous, puisqu’il évoque à peine son travail de scénariste aux côtés de Michel Audiard et pour les besoins de l’univers de la 7éme compagnie et qu’il passe entièrement sous silence son adaptation en 2002 de la pièce de théâtre à succès Ma femme s’appelle Maurice – ne permet pas réellement d’avoir une meilleure compréhension de l’homme Jean-Marie Poiré.

A ce sujet, le fait qu’il attend la tout fin de son livre pour évoquer son enfance et son histoire familiale, à partir de la page 347 et du chapitre 29 pour être précis, traduit le refus presque complet de sa part de révéler quoique ce soit de son ressenti intime. Le seul moyen de pouvoir cerner un peu mieux le personnage, ce qui est après tout la finalité de toute autobiographie qui se respecte, reste dès lors de lire entre les lignes d’un récit de vie certes divertissant et parfois passionnant, mais dans l’ensemble un peu trop superficiel.

Les Visiteurs © 1993 Jérôme Prébois / Alter Films / Alpilles Productions / Amigo Productions / France 3 Cinéma /
Gaumont Tous droits réservés

Conclusion

Si vous êtes fans de Jean-Marie Poiré et de ses comédies à la longévité populaire impressionnante, « Rire est une fête » vous ravira certainement. Et même si ces classiques du cinéma français grand public ne font pas partie de votre canon cinéphile, ce livre vous donnera néanmoins une meilleure compréhension du fonctionnement de l’industrie cinématographique à la fin du siècle passé. Grâce à l’écriture extrêmement fluide et simple de l’auteur, sa lecture s’est avérée des plus aisées. Cela d’autant plus que Jean-Marie Poiré maîtrise à la perfection l’art littéraire de passer du coq à l’âne, sans que ces transitions abruptes ne gênent outre mesure le confort de lecture.

Dommage seulement qu’une filmographie, même rudimentaire, du réalisateur est absente du livre, au même titre que le sommaire ! Pour s’y retrouver rétrospectivement, il faudrait par conséquent s’appuyer sur l’index qui est, lui, convenablement fourni.

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