Peut-on légitimement dire qu’un film est meilleur qu’un autre ? Voilà peu ou prou ce à quoi le livre d’Eric Dufour tente de répondre.
Titre : La valeur d’un film – Philosophie du beau au cinéma
Auteur : Eric Dufour
Editeur : Armand Collin
Date de publication : 2015
Nombre de pages : 205
Prix : 22 euros
Dans cet essai, ce « spécialiste de philosophie allemande et d’esthétique » va ainsi décortiquer différentes conceptions du cinéma pour essayer de répondre à cette question : comment juger objectivement un long-métrage ? L’auteur va surtout s’appuyer sur la matière dont il est le spécialiste – la philosophie, tout en restant accessible au plus grand nombre, ceux (comme moi) qui n’y connaissent pas grand chose en la matière. On peut aussi noter que la culture allemande apparaît régulièrement au fil de ces deux-cent pages, que ce soit pour situer historiquement un cinéma nazi ou pour parler de l’expressionnisme allemand.
L’auteur appuie son propos en évoquant tout au long de l’ouvrage les « jeunes turcs des cahiers jaunes », c’est-à-dire la génération des critiques des cahiers du cinéma des années 50, ainsi que d’autres critiques ou revues comme Positif ou André Bazin. On pourrait regretter que Dufour se concentre sur cette période en particulier, mais d’un autre côté il s’agit d’un moment clef dans l’histoire du cinéma, la fameuse « théorie des auteurs » émanant de ceux qui finiront par devenir cinéastes, François Truffaut en tête. L’auteur fait ainsi se confronter différentes visions du cinéma, mais prend aussi quelques films en exemple. S’ils ne sont pas nombreux, ils sont toujours analysés avec clartés, images à l’appui : le propos de Glen or Glenda (Ed Wood, 1953), la composition du cadre dans Ludwig (Luchino Visconti, 1973), la réception en banlieue de Scarface (Brian de Palma, 1983) …
Le début et la fin du livre sont ainsi très intéressants à lire, l’auteur abordant des thèmes comme la conception formaliste du cinéma ou le plaisir ressenti devant un long-métrage. L’universitaire se fait ainsi parfois sociologue, et nous fait réfléchir sur notre conception du cinéma, ne se posant jamais comme détenteur d’une quelconque vérité. Il va d’ailleurs régulièrement prendre en contre-exemple un critique américain, Noël Carroll, qui classe les films par genre et a sa conception de ce qu’est le cinéma. En simple exemple cela aurait été intéressant, mais malheureusement la conception de Noël Carroll (et l’argumentaire de Dufour pour la contrer) est omniprésente sur 3 chapitres – plus d’un tiers du livre donc, et la démarche de l’auteur ressemble plus à un règlement de compte qu’autre chose.
La valeur d’un film – Philosophie du beau au cinéma est donc un essai souvent agréable à lire mais qui se transforme en une simple confrontation entre deux points de vue, celui de Dufour et celui de Carroll. Peut-être aurait-il dû à la place explorer d’autres facettes de la « valeur des films », le livre étant assez mince pour son prix – 22e.
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