Livre : La Bataille du film (Alain Weber)

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La Bataille du film

France, 2007

Titre original : –

Auteur : Alain Weber

Éditeur : Éditions Ramsay

249 pages + annexes

Genre : Histoire du cinéma français

Date de parution : 6 septembre 2007

Format : 210 mm X 140 mm

Prix : 22 €

3/5

Les faits, rien que les faits : cela devrait être le mot d’ordre de tout ouvrage historique qui se respecte. En tout cas, c’est celui de « La Bataille du film » dans lequel l’historien du cinéma Alain Weber revient en détail, mais sans jamais s’appesantir, sur l’époque sombre de l’Occupation. Une époque qui pourrait nous paraître lointaine, au fur et à mesure que ses derniers témoins directs disparaissent.

Or, tout l’intérêt d’un livre comme celui-ci – et cela vaut de même pour la série de podcasts sur le maréchal Pétain diffusée récemment sur les ondes de France Inter –, c’est d’interroger à travers lui les mécanismes sociaux et économiques qui avaient jadis mené à la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale. Et de se demander ensuite, avec un certain effroi, admettons-le, si la situation actuelle de la France et du monde ne nous préparait pas à une répétition tout à fait tragique de l’Histoire européenne d’il y a quatre-vingts ans …

Pourtant, aucun alarmisme comparable n’anime ce livre d’une sobriété exemplaire. Peut-être parce que sa parution ne date pas d’hier, les préoccupations des Français ayant été bien différentes à la fin des années 2000 de celles qui nous tiennent en haleine aujourd’hui. Sans doute aussi, grâce au choix appliqué sans faille de la part de l’auteur de n’entrer dans aucune polémique stérile. Tout juste un soupir verbal, aussi bref que rare, laisse-t-il supposer les convictions de Weber, qui demeure sinon un conteur historique sans états d’âme notables.

De cette distance observée en toute circonstance par le narrateur objectif émane alors une sécheresse toute relative du propos, d’autant moins préjudiciable que les près de 250 pages du livre se laissent lire néanmoins assez facilement. Elle a par contre tendance à vouloir passer en revue trop d’informations en trop peu de temps, privilégiant clairement un aperçu global du contexte au détriment d’une lecture plus pointue de cette période charnière du cinéma français.

Le Corbeau © 1943 Continental Films / Films Sonores Tobis / Studiocanal / Les Acacias Tous droits réservés

Synopsis : Entre collaborateurs et résistants, depuis la prise de pouvoir d’Hitler en 1933 jusqu’à la libération de Paris et de la France à la fin de la guerre douze ans plus tard, ce livre décrypte les enjeux et les conséquences de cette période sombre du cinéma français.

Je suis partout

Le cinéma a beau n’être qu’un théâtre secondaire du conflit mondial, qu’un reflet abstrait de l’horreur vécue quotidiennement en temps de guerre, il portait en son sein toutes les failles et tous les manquements qui avaient finalement permis un tel dérèglement cataclysmique. Cela devient clair dès les premiers chapitres de « La Bataille du film », au cours desquels les tractations financières et autres querelles d’influence industrielle montrent très tôt à quel point le cinéma français était mal équipé pour se mesurer aux géants américains et allemands. A ce sujet, l’équilibre des forces n’a guère évolué de nos jours, au détail près que notre cinématographie nationale doit se battre désormais, voire plus que jamais, contre l’influence écrasante des mastodontes hollywoodiens, encore renforcés par leurs services omniprésents de contenus en ligne. Un seul regard sur les chiffres du box-office hebdomadaire post-crise sanitaire suffit pour s’en convaincre.

Face à l’idéalisme français, galvanisé par l’aventure éphémère du Front populaire, les forces nazies ont indiscutablement fait preuve de plus de pragmatisme. Une mainmise économique bientôt appuyée par les armes, qui n’a toutefois pas fait grand-chose pour rendre le cinéma allemand plus populaire en territoire occupé. Car l’avantage de l’argumentation de Alain Weber – déjà plus douteuse lorsqu’elle insiste à tort et à raison sur la durée des films évoqués –, c’est qu’elle s’intéresse au moins autant à la réception auprès du public français des œuvres de propagande de tous bords qu’à leur genèse parfois rocambolesque.

La même attention y est prêtée aux différents organismes de contrôle mis en place par l’occupant, afin de mieux museler la parole publique et cinématographique en France. De quoi courir parfois le risque de se perdre entre des sigles à la sonorité pas toujours aussi parlante que le COIC, le Comité d’organisation de l’industrie cinématographique, instauré par le régime de Vichy en 1940.

La Bataille du rail © 1946 Coopérative Générale du Cinéma Français / LCJ Éditions Tous droits réservés

Un autre front national

Après les deux premières grandes parties du livre qui reviennent en long et en large sur les stratagèmes machiavéliques des occupants nazis pour s’octroyer le moindre bénéfice de l’industrie du cinéma français, la perspective se décale heureusement vers des lendemains potentiellement plus heureux. D’abord, il s’agit d’y rendre hommage à cette frange de l’armée des ombres, qui a bataillé à sa façon afin de préserver l’essentiel du cinéma français jusqu’au jour tant espéré de la libération. Place désormais aux précurseurs de cette lutte clandestine, à Jean Grémillon, Louis Daquin, Henri Alekan et Jean-Paul Le Chanois pour ne citer qu’eux. Des noms qu’il vaut infiniment mieux garder en mémoire que ceux de collaborateurs plus ou moins discrets ou en tout cas pas assez courageux pour résister longtemps à l’appel mensonger de la victoire finale nazie et du travail facile comme Sacha Guitry et Henri-Georges Clouzot.

Mais là aussi, Alain Weber a tendance à passer en toute vitesse sur des destins qui auraient sans doute mérité qu’on s’y attarde davantage. Ne vous laissez donc pas berner par l’apparition de l’actrice mythique Arletty sur la couverture de l’ouvrage. Elle est mentionnée à peine deux fois, le plus longuement quand l’heure des épurations a sonné et qu’elle doit répondre pendant moins d’une page de ses escapades amoureuses avec l’ennemi. De la même manière, les dizaines de films cités ne le sont la plupart du temps qu’en passant, à l’exception de l’emblématique épopée de la Résistance La Bataille du rail de René Clément qui a au moins droit à une moitié de chapitre en fin d’ouvrage.

Tout le dilemme de la démarche de l’auteur se trouve là : dans sa volonté manifeste d’inclure un maximum d’informations dans son livre indéniablement bien documenté, quitte à rester à la surface factuelle d’un sujet historique qui aurait eu besoin d’une description de contexte plus vive.

Conclusion

Une véritable mine d’informations, « La Bataille du film » est en mesure de ravir tout lecteur empressé d’en savoir plus sur les douze années les plus sombres du cinéma français. De quelques anecdotes à la saveur douce-amère, comme notre prise de conscience que bon nombre d’institutions contemporaines remontent en fait à cette époque trouble, du CNC à la Fémis, en passant par le format 16 mm, jusqu’à une vue globale, dépourvue de passages littéraires à vide, de cette période historique mouvementée, Alain Weber y remplit parfaitement le contrat de lecture d’un ouvrage à l’ambition scientifique, quoique toujours accessible. Il n’empêche qu’il y inclut soit trop de détails, soit pas assez, jusqu’à provoquer chez nous une légère frustration par rapport à un besoin d’approfondissement de plus en plus évident, mais hélas pas toujours satisfait.

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