Livre : Andreï Tarkovski – Journal : 1970-1986

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Andreï Tarkovski – Journal : 1970-1986

France, 2017
Titre original : –
Auteurs : Andreï Tarkovski
Editeur : Philippe Rey
624 pages
Genre : Récit intime/philosophique
Date de parution : Février 2013 (3ème édition revue et augmentée)
Format : 15,3 X 24
Prix : 29.00 €

Note : 4/5

Un simple constat des salles achalandées de la cinémathèque française, lors du cycle consacré à Andreï Tarkovski, suffit à réfuter l’idée communément admise qu’un cinéma abstrait, à la lenteur imposante et solennelle, soit destiné à une élite intellectuelle. Au contraire, le cinéaste russe est peut-être l’un des rares artistes cinématographique du 20ème siècle, avec Stanley Kubrick et David Lynch, à avoir su allier exigence artistique et succès « populaire ». Du moins en France, où le cinéaste a toujours été considéré comme un immense metteur en scène par une grande majorité de la critique. Certes, un certain snobisme peut expliquer cet attrait pour Tarkovski mais cela n’explique pas tout. Cependant, l’opacité et le caractère sibyllin de ses longs-métrages a également profondément clivé les spectateurs reprochant, pour certains, leurs caractères trop abscons ou hermétique. Ces quelques réserves n’empêchent pas d’attirer un large public à la seule mention du nom de Tarkovski lors de diverses projections, à la cinémathèque ou ailleurs. Son œuvre comporte peu de films – 7 en tout, en plus de 2 moyens-métrages, et un court – mais aucun n’est à renier, bien au contraire. Son décès en 1986, peu après avoir achevé le montage du Sacrifice, l’a définitivement fait entrer au sein du cercle très restreint des cinéastes cultes. L’actualité récente autour du réalisateur de Solaris – rétrospective à la cinémathèque française, restauration, publication et réédition d’ouvrages… – permet de se (re)plonger dans les écrits de Tarkovski qui, en sus de son œuvre cinématographique, s’est longuement interrogé sur la spécificité du cinéma, s’émancipant peu à peu des théories de Serguei Eisenstein sur le montage, afin de trouver son propre langage cinématographique (voir Le Temps Scellé).

Synopsis : Tarkovski a 38 ans lorsqu’il prend la décision de tenir un journal. Avec seulement deux films à son actif, L’Enfance d’Ivan et Andreï Roublev, Tarkovski est porté au pinacle par l’ensemble de la critique internationale. Cette réédition de son Journal (la 3ème à ce jour) nous permet de revivre ses doutes, ses joies, ses colères et ses atermoiements face aux aléas de la vie et de la création artistique.

 

Un réceptacle des pensées de Tarkovski

Se plonger dans le Journal d’Andreï Tarkovski permet aujourd’hui de mesurer les difficultés du cinéaste russe à mener, au sein du système soviétique, ses projets cinématographiques à terme. L’incompréhension mutuelle entre Tarkovski et les dirigeants des studios moscovites infuse une partie conséquente de son journal. Entre les velléités des supérieurs hiérarchiques de Tarkovski à amputer une bonne partie de ses films et l’intransigeance artistique de ce dernier, les conflits et les mésententes entre les deux parties ont été légion. Ainsi, il était fréquent que les studios sabotent la sortie en salles de ses films alors que les quelques rares projections montrées devant un parterre de gens ont pu témoigner de leur pouvoir de fascination sur une grande majorité du public, hypnotisé par cette atmosphère métaphysique et spirituelle (mal vu par ailleurs à cette époque). Dans son journal, Tarkovski expose longuement ses griefs à l’égard de ses responsables, ruminant son désarroi face à la bêtise et l’impéritie des caciques du Mosfilm. En dépit de désaccords fréquents freinant ardemment son travail, Tarkovski reçut de nombreux soutiens de l’intelligentsia internationale. Mais cette relation conflictuelle entre deux manière de penser a eu une influence néfaste sur la santé, par ailleurs fragile, de Tarkovski. Ceci explique également son exil volontaire à l’orée des années 80 afin de réaliser ses films en toute liberté, loin des contraintes des studios moscovites.

Son journal est également un écrin, ou un réceptacle, des pensées de Tarkovski. Des poésies, des dessins, des considérations philosophiques ainsi que des citations d’auteurs reconnus, tel que Dostoïevski, ponctuent régulièrement son récit intime. Des idées pour des futurs projets, films ou pièces de théâtre, sont aussi présents témoignant d’une créativité sans limite bien que tempérée par les hiérarques des instances cinématographiques. Plus étonnant, un projet de western destiné à Sergio Leone est présent au sein du livre soulignant un penchant inattendu pour le western italien, du moins dans sa partie la plus baroque. Ce journal est un prétexte pour le réalisateur soviétique à coucher ses pensées les plus profondes comme les événements quotidiens les plus triviaux. Le lecteur est littéralement dans sa tête, permettant d’observer le cheminement intellectuel d’un des plus grands cinéastes de l’Histoire du cinéma. Tout au plus pourra-t-on ergoter sur les notes en bas de pages (situées en fin de livre) obligeant le lecteur à se diriger régulièrement à la fin de l’ouvrage afin de s’informer quant aux nombreuses personnalités soviétiques gravitant autour de Tarkovski mais rien qui puisse gêner le plaisir offert par cet ouvrage précieux.

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