Cannes 2018 : Le Procès contre Mandela et les autres

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Le Procès contre Mandela et les autres

France, 2018
Titre original : The State against Mandela & the others
Réalisateurs : Nicolas Champeaux & Gilles Porte
Scénario : Nicolas Champeaux & Gilles Porte
Intervenants : Denis Goldberg, Ahmed Kathrada, Andrew Mlangeni, Winnie Mandela
Distribution : Ufo Distribution
Durée : 1h46
Genre : Documentaire
Date de sortie : 17 octobre 2018

Note : 2,5/5

Si notre objectif avait été de nous plonger sans modération dans une orgie de documentaires, nous aurions sans doute fait le déplacement au Festival de Cannes en vain. Pour pareille entreprise de cinéphilie de niche, mieux vaudra revenir d’ici deux mois à un peu moins de deux cents kilomètres à l’ouest de la Croisette, pour le FID à Marseille. En attendant, la sélection officielle de la 71ème édition du festival de cinéma suprême contient toutefois l’un ou l’autre documentaire, parfois même animé, comme dans le cas de trois récits de guerre dispersés sur les différentes sections parallèles. Quant à L’État contre Mandela et les autres, programmé assez honteusement face aux films les plus attendus de la compétition, l’animation y rentre également en jeu, quoique surtout en tant que support de substitution, afin de ne pas confronter le spectateur à un écran noir. Le point de départ du documentaire de Nicolas Champeaux et Gilles Porte est en effet la découverte, puis la restauration, des enregistrements sonores du procès historique, qui avait débouché au début des années 1960 à la peine de prison la plus légendaire de l’Histoire du XXème siècle. Cette porte d’accès spécifique, assez peu empruntée pour aborder le thème de l’apartheid en Afrique du Sud, se referme par contre un peu trop rapidement avant qu’on n’ait eu le temps de saisir tous les tenants et les aboutissants de cette affaire plus ambiguë qu’il ne paraît. Face à l’ambition principale des réalisateurs d’ériger un monument filmique à ces résistants convaincus, qui sont sur le point de disparaître l’un après l’autre, il ne reste ainsi pas grand-chose à retenir ici en termes de reconstitution historique méticuleusement recherchée.

Synopsis : En juillet 1963, la police sud-africaine mène une rafle contre des leaders du Congrès National Africain, lors de laquelle des activistes comme Walter Sisulu, Denis Goldberg et Ahmed Kathrada sont arrêtés. Ils se retrouvent sur le banc des accusés aux côtés du charismatique Nelson Mandela et de quatre autres membres du parti interdit. Le régime basé sur l’apartheid leur reproche des agissements terroristes, alors qu’ils comptent bien profiter du procès pour faire la promotion de leur mouvement en faveur de l’égalité raciale, quitte à encourir la peine de mort.

L’ordre à la place du chaos

L’Afrique du Sud de l’année 2018 a beau crouler sous les problèmes sociaux et économiques, c’est quand même un état prospère comparé à la situation un demi-siècle plus tôt, lorsque la majorité de la population végétait sous le joug de l’apartheid. C’est donc surtout en tant que rappel historique pas sans intérêt que L’État contre Mandela et les autres peut valoir le détour. Le climat ambiant de cette époque heureusement révolue y est notamment symbolisé par des actualités à forte connotation de propagande. On y vante entre autres les bienfaits des communautés closes et étroitement surveillées, destinées aux ouvriers noirs et leurs familles et ceux des vacances à la plage de Durban, de préférence dans un pousse-pousse tiré par un noir au sourire figé. D’autres documents d’archives reviennent sur le discours au racisme nauséabond du parti dominant, convaincu contre toute raison de sa supériorité. Malheureusement, cette ouverture d’horizon reste plutôt minime, comparée au cœur du documentaire qui ne bat visiblement que pour le procès fatidique qui allait envoyer Nelson Mandela et ses camarades de lutte armée derrière les barreaux pour plus de vingt ans. A priori, rien de mal à cela, si seulement le propos des réalisateurs savait trancher avec plus de discernement entre d’un côte un recul plus important par rapport au sort nullement enviable des accusés, afin d’inscrire davantage leur combat dans un tableau plus universel, ou bien de l’autre une concentration pure et simple sur les aspects personnels de cette chasse aux sorcières inadmissible.

Le casque fermement vissé sur les oreilles

A moins de carrément se faire l’avocat du diable, pourquoi pas ? Car d’un point de vue strictement légal, les prévenus étaient bel et bien coupables des actes de sabotage qui leur étaient reprochés. Sauf que cette farce juridique relevait bien sûr du procès politique, censé discréditer l’ANC et au résultat final totalement opposé. De cet impact dans l’immédiat et sur la durée, le documentaire ne réussit à en transmettre que des bribes décousues, parsemées au fil des entretiens avec les rares survivants de l’époque. De même, Nicolas Champeaux et Gilles Porte ne s’acquittent pas vraiment haut la main du défi formel majeur de leur film, à savoir l’illustration des bandes sonores, en seuls vestiges directs du procès, par voie des dessins de plus en plus abstraits de l’animateur Oerd Van Cuijlenborg. En dehors de la difficulté fâcheuse de déchiffrer les sous-titres jaunes sur fond noir et blanc, ce traitement très peu réaliste embrouille l’aspect visuel du documentaire, là où un recentrage sur la force de la parole aurait sans doute été préférable. Enfin, la réunion finale sous forme de chant de cygne de ces octogénaires et nonagénaires, dont certains sont décédés avant même que la production du film ne soit achevée, termine de façon peu concluante un arc narratif certainement bien intentionné, mais trop brouillon pour rendre entièrement justice à la complexité historique et humaine de son sujet.

Conclusion

Une magnifique trouvaille de chercheurs historiques quelque peu gâchée par un documentaire à la facture bancale, entre son schéma classique global et des envolées abstraites à l’image sans commune mesure avec la force de la parole enregistrée : c’est à peu près ainsi que nous résumerions ce que L’État contre Mandela et les autres nous a inspiré. Pour en apprendre plus sur la phase chaude de l’apartheid, il contient certes quelques informations intéressantes, mais dans l’ensemble, l’absence de perspective narrative claire de la part des réalisateurs nuit au potentiel d’enthousiasme qu’aurait pu déclencher ce documentaire.

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