
S’il fallait chercher un thème fédérateur parmi la douzaine de films à l’affiche dès aujourd’hui, ce serait celui de la famille mise à mal. Cette notion essentielle de la vie humaine y est conjuguée en fonction des cultures et du contexte social dans lesquels leur lutte pour un minimum de cohésion se déroule. Rares y sont les occasions pour rire franchement. En même temps, la vie en famille a plus souvent été un dernier bastion contre la tragédie et la déchéance qu’une source inépuisable de blagues désopilantes, non ? Ainsi, mieux vaut aimer les drames en cette deuxième semaine du mois d’avril, puisque les échappées comiques y sont au mieux charmantes, par exemple en compagnie d’un berger inexpérimenté venu du Canada.
Ce point commun de la famille en détresse se retrouve globalement dans nos trois coups de cœur hebdomadaires. Dans Le Village aux portes du paradis de Mo Harawe, présenté l’année dernière à Cannes dans la section Un certain regard, il est question de la détermination d’un père afin d’offrir à son fils une éducation adéquate en dépit de la précarité généralisée qui règne en Somalie. Dans La Jeune femme à l’aiguille de Magnus von Horn, nommé à l’Oscar du Meilleur Film international en début d’année, le personnage principal voit son instinct maternel mis à rude épreuve, lorsque sa condition d’ouvrière pauvre l’oblige à abandonner son bébé. Et enfin, le très joliment inclassable A la lueur de la chandelle de André Gil Mata, venu du Portugal, voit deux femmes se perdre dans les méandres du temps, au sein de leur maison commune, hantée par leurs souvenirs intimes.

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Mais il y a également une poignée supplémentaire de films, qui s’approprient assez astucieusement des dispositifs familiaux en apparence usés jusqu’à la corde. Comme Mikado de Baya Kasmi ou la rencontre lourde de conséquences entre deux mondes aux extrémités du conformisme, qui veulent néanmoins chacun ce qu’il y a de mieux pour leur progéniture respective. Ou bien Voyage avec mon père de Julia Von Heinz, le deuxième film cette année dans lequel les personnages partent à la recherche de leurs racines familiales en Pologne, après A Real Pain de Jesse Eisenberg. Et même dans le plus violent Zion de Nelson Foix, qui avait déjà fait salle comble lors de sa sortie anticipée aux Antilles, la pègre locale ne sait pas tellement quoi faire face au grain de sable dans ce monde des durs, sous forme d’un couffin posé au seuil de la porte.
Les choses deviennent sensiblement plus glauques et cyniques du côté des films anglophones à l’affiche à partir de ce mercredi. Car rien d’édifiant ne nous semble à tirer de la soif de vengeance maladroite du personnage de Rami Malek dans The Amateur de James Hawes, ni de la manipulation de Anthony Hopkins, maître de la conduite autonome et autres gadgets d’automobile dans Piégé de David Yarovesky, ni de l’incursion dans le cercle vicieux de la prostitution par le jeune auteur dans Sebastian de Mikko Mäkelä. De même, pour nous rendre la prémisse de Dog Man de Peter Hastings réellement intéressante, ce film d’animation aurait dû être conçu par David Cronenberg ou au pire par Tim Burton, des spécialistes en termes d’hybrides de corps entre les espèces.
Non, vraiment, quitte à descendre au plus profond de l’enfer, autant revoir avec un immense plaisir le conte très noir sur la drogue sous toutes ses formes qu’est le toujours aussi déroutant Requiem for a Dream de Darren Aronofsky, à admirer dans sa version Director’s cut fraîchement restaurée en 4K !

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A la lueur de la chandelle de André Gil Mata (Portugal, Drame, 1h52, distribué sur 16 copies) avec Eva Ras, Marcia Breia et Olivia Silva
The Amateur de James Hawes (États-Unis, Thriller, 2h03) avec Rami Malek, Laurence Fishburne et Rachel Brosnahan
Bergers de Sophie Deraspe (Canada, Comédie dramatique, 1h53, distribué sur 149 copies) avec Félix-Antoine Duval, Solène Rigot et Guilaine Londez
Dog Man de Peter Hastings (États-Unis, Animation, 1h29)
Doux Jésus de Frédéric Quiring (France, Comédie religieuse, 1h26, distribué sur 557 copies) avec Marilou Berry, Isabelle Nanty et Barbara Bolotner
Les Guerres de Christine S. de Philippe Vallois (France, Documentaire, 1h28)
Her Story de Shao Yihui (Chine, Comédie, 2h03) avec Jia Song, Elaine Zhong et Isabella Zeng
La Jeune femme à l’aiguille de Magnus von Horn (Danemark, Drame, 2h03, distribué sur 80 copies) avec Vic Carmen Sonne, Trine Dyrholm et Besir Zeciri
Mikado de Baya Kasmi (France, Comédie dramatique, 1h34, distribué sur 197 copies) avec Félix Moati, Ramzy Bedia et Vimala Pons (critique)
Moon le panda de Gilles De Maistre (France, Aventure, 1h40, distribué sur 610 copies) avec Noé Liu Martane, Sylvia Chang et Alexandra Lamy
Piégé de David Yarovesky (États-Unis, Thriller, 1h35, distribué sur 211 copies) avec Bill Skarsgård, Anthony Hopkins et Ashley Cartwright
Sebastian de Mikko Mäkelä (Royaume-Uni, Drame, 1h50) avec Ruaridh Mollica, Hiftu Quasem et Jonathan Hyde
Le Village aux portes du paradis de Mo Harawe (Somalie, Drame familial, 2h13, distribué sur 41 copies) avec Ahmed Ali Farah, Anab Ahmed Ibrahim et Ahmed Mohamed Saleban (critique)
Voyage avec mon père de Julia Von Heinz (Allemagne, Comédie dramatique, 1h52) avec Lena Dunham, Stephen Fry et Zbigniew Zamachowski
Zion de Nelson Foix (France, Thriller, 1h39) avec Sloan Decombes, Philippe Calodat et Zebrist
Reprises
Brice de Nice (2005) de James Huth (France, Comédie, 1h38) avec Jean Dujardin, Clovis Cornillac et Élodie Bouchez
L’Histoire du soldat (1984) de R.O. Blechman (États-Unis, Animation, 0h52)
Requiem for a Dream (2000) de Darren Aronofsky (États-Unis, Drame, 1h42) avec Ellen Burstyn, Jared Leto et Jennifer Connelly