C’est en marge de la société que se déroulent les histoires les plus captivantes des films à l’affiche dès aujourd’hui. Une marge franche et sans concession, très loin de la nostalgie complaisante du mastodonte hollywoodien de la semaine – allez plutôt revoir l’original de la comédie musicale indémodable de Arthur Laurents, Leonard Bernstein et Stephen Sondheim – et du regard outrancièrement caricatural sur la société française de la grosse comédie franchouillarde des fêtes de fin d’année. Ces deux films-là inondent le marché jusqu’à la saturation, alors qu’il y a bien mieux et plus original à découvrir dès ce mercredi …
Nos trois coups de cœur habituels s’intéressent donc à des sujets assez éloignés des sentiers battus. Ces sentiers du Bois de Boulogne, par exemple, qu’arpentent les prostituées dans le documentaire étonnamment peu glauque Au cœur du bois de Claus Drexel. Puis des formes filmiques à l’opposé de la comédie d’adolescents classique dans le fier représentant du cinéma américain indépendant Ham on Rye de Tyler Taormina, qui sera enfin projeté sur nos écrans. Et pour finir, l’un des nombreux films appréciés par notre confrère Jean-Jacques cette semaine, Lingui Les Liens sacrés de Mahamat-Saleh Haroun ou l’éternel calvaire des filles-mères, en complément du français L’Evénement de Audrey Diwan, sorti deux semaines plus tôt.
Des parents, eux aussi en pleine galère sociale, s’efforcent de subvenir aux besoins de leur progéniture dans deux autres films dignes d’intérêt. Côté féminin, cela donne Laure Calamy dans un autre tour de force grâce à Une femme du monde de Cécile Ducrocq. Et côté masculin, vous êtes invités à verser toutes les larmes de votre corps en regardant le drame social britannique Un endroit comme un autre de Uberto Pasolini. Le cercle familial n’est pas moins en crise dans le film finlandais Any Day Now de Hamy Ramezan sur le difficile processus d’intégration de réfugiés iraniens en Europe.
Revisiter le mythe d’Anne Frank sous forme de film d’animation, qui fait de surcroît le grand écart entre le passé et le présent, il fallait l’oser. Treize ans après son premier film magistral Valse avec Bachir, le réalisateur Ari Folman réussit tant bien que mal ce pari. Sans vouloir la mettre au même niveau d’admiration que la petite martyre juive, Françoise Fabian est tout de même une légende vivante du cinéma français. Hélas, si l’on peut croire l’avis peu flatteur de Jean-Jacques, Rose de Aurélie Saada n’est pas le genre de film qui la remettra durablement sur le devant de la scène cinématographique, près de quatre ans après Brillantissime de Michèle Laroque.
A peine plus présent dans l’actualité du cinéma français, Jean-Pierre Léaud, un autre monstre sacré, a tout de même connu quelques beaux rôles de vieillesse, notamment dans La Mort de Louis XIV de Albert Serra, sorti il y a cinq ans. En guise de piqûre de rappel du génie de cet acteur atypique, courez revoir la biographie filmique en quelque sorte de son personnage phare Antoine Doinel. Imaginées en quatre longs-métrages et un court par François Truffaut, ces aventures se laissent encore mieux déguster dans toute leur frivolité mélancolique en les regardant les unes après les autres !
Un film que l’on meurt également d’envie de revoir, pour peut-être finir par percer son mystère, c’est le chef-d’œuvre incontestable de David Lynch Mulholland Drive. A moins que la curiosité de la semaine ne réussisse à se glisser plus aisément dans notre emploi du temps, par le biais de Louise … l’insoumise de Charlotte Silvera, une drôle d’histoire d’adolescence des années 1980.
Les Amants sacrifiés de Kiyoshi Kurosawa (Japon, Drame, 1h55) avec Yu Aoi, Issey Takahashi et Masahiro Higashide
Any Day Now de Hamy Ramezan (Finlande, Drame de réfugiés, 1h22, distribué sur 25 copies) avec Niilo Airas, Toni Airas et Lumi Barrois (critique)
Au cœur du bois de Claus Drexel (France, Documentaire, 1h30)
La Beauté du monde de Cheyenne-Marie Carron (France, Drame, 1h59) avec François Pouron, Fanny Ami et Maël Castro Di Gregorio (critique)
Les Elfkins Opération pâtisserie de Ute von Münchow-Pohl (Allemagne, Animation, 1h16, distribué sur 480 copies)
Ham on Rye de Tyler Taormina (États-Unis, Comédie dramatique, 1h26, distribué sur 15 copies) avec Haley Bodell, Audrey Boos et Gabriella Herrera
L’Homme qui penche de Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury (France, Documentaire, 1h35)
Lingui Les Liens sacrés de Mahamat-Saleh Haroun (France, Drame, 1h27) avec Achouackh Abakar Souleymane, Rihane Khalil Alio et Youssouf Djaoro (critique)
Nudo mixteco de Angeles Cruz (Mexique, Drame, 1h32) avec Sonia Couoh, Noe Hernandez et Myriam Bravo
Où est Anne Frank ! de Ari Folman (Belgique, Animation, 1h39, distribué sur 242 copies)
Rose de Aurélie Saada (France, Drame, 1h43, distribué sur 185 copies) avec Françoise Fabian, Aure Atika et Grégory Montel (critique)
Si demain de Fabienne Godet (France, Drame, 1h26, distribué sur 10 copies) avec Julie Moulier, Lucie Debay et Arnaud Valois (critique)
Les Tuche 4 de Olivier Baroux (France, Comédie, 1h41, distribué sur 918 copies) avec Jean-Paul Rouve, Isabelle Nanty et Michel Blanc
Un endroit comme un autre de Uberto Pasolini (Royaume-Uni, Drame familial, 1h36) avec James Norton, Daniel Lamont et Eileen O’Higgins
Une femme du monde de Cécile Ducrocq (France, Drame, 1h30, distribué sur 150 copies) avec Laure Calamy, Nissim Renard et Béatrice Facquer (critique)
West Side Story de Steven Spielberg (États-Unis, Comédie musicale, 2h36) avec Ansel Elgort, Rachel Zegler et Ariana DeBose
Reprises
Les Aventures d’Antoine Doinel (1959-79) de François Truffaut : Les 400 coups, Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal et L’Amour en fuite (France) avec Jean-Pierre Léaud
Louise … l’insoumise (1984) de Charlotte Silvera (France, Drame, 1h35) avec Catherine Rouvel, Roland Bertin et Marie-Christine Barrault
Mulholland Drive (2001) de David Lynch (États-Unis, Thriller, 2h26) avec Naomi Watts, Laura Elena Harring et Justin Theroux