La surabondance des sorties perdure en ce tout dernier mercredi du mois de janvier 2024. Si l’on compte l’ensemble des films à l’affiche ou de retour en salles à partir de ce jour, on arrivera au nombre insensé de près d’une trentaine de titres. Qui a le temps, l’énergie, l’argent, voire l’envie d’aller voir tout cela ?! Or, à quelques exceptions près qui restent au demeurant plutôt faciles à identifier, les distributeurs jouent une fois de plus la carte de la complémentarité et de la qualité afin de séduire un public le plus large possible. Sauf que ce dernier a malheureusement tendance à bouder les salles de cinéma ces dernières semaines. Ce qui n’augure rien de trop bon, d’un point de vue commercial, pour ces films somme toute pas dépourvus d’intérêt.
S’il ne fallait en choisir que trois, notre sélection hebdomadaire se porterait sur un film d’animation, un documentaire et un film de fiction à l’ambiance lourdement pesante. Le premier est la quête d’un musicien de jazz brésilien doublement disparu des écrans radar, puisque enlevé pendant la dictature militaire en Argentine et largement tombé dans l’oubli de nos jours. Les réalisateurs Fernando Trueba et Javier Mariscal s’y collent avec leur bravoure animée habituelle, douze ans après Chico et Rita. Ce n’est pas (seulement) parce que les agriculteurs en colère effectuent depuis quelques semaines un blocage partiel du pays que le documentaire de Gilles Perret La Ferme des Bertrand s’avère brûlant d’actualité. Enfin, toute l’horreur de l’extrémisme et du cynisme s’affiche de la façon la plus glaçante imaginable dans La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer, Grand Prix au dernier Festival de Cannes.
Les deuxièmes choix de la semaine sont également fort honorables. Il y aurait le thriller japonais A Man de Kei Ishikawa, la nouvelle drôlerie absurde imaginée par Dominique Abel et Fiona Gordon qui s’appelle L’Étoile filante, un drame social qui nous parvient d’un pays dont on n’entend parler qu’en termes de déroute guerrière à savoir le Yémen et Les Lueurs d’Aden de Amr Gamal que notre critique maison Jean-Jacques a particulièrement apprécié, ainsi que le diptyque mi-documentaire, mi-fiction de la réalisatrice d’origine camerounaise Rosine Mbakam composé des Prières de Delphine et de Mambar Pierrette et le tout frais prix du jury au dernier festival de Gérardmer Amelia’s Children de Gabriel Abrantes.
Enfin, puisque nous avions honteusement omis de l’évoquer dans notre chronique des ressorties au début du mois, permettez-nous de vous faire part d’une rétrospective conséquente et peut-être même intégrale des films courts et longs du très singulier Luc Moullet (* 1937). Alors qu’il aurait sans doute mieux fait de s’abstenir de donner des cours universitaires parfaitement barbants sur Cecil B. DeMille au milieu des années 1990 – on y était, hélas ! –, ce drôle de personnage du cinéma français mérite parfaitement qu’on redécouvre sa filmographie restée confidentielle. A la manière d’un Jean-Pierre Mocky, Moullet s’était évertué à rester en marge d’une industrie qui ne savait jamais trop quoi faire de ce trublion iconoclaste.
A Man de Kei Ishikawa (Japon, Drame, 2h01) avec Satoshi Tsumabuki, Sakura Ando et Masataka Kubota
Les Affaires sont les affaires de Christian Chauvaud (France, Comédie dramatique, 1h32) avec Christian Chauvaud, Joëlle Haddad Champeyroux et Florence Gaussen
Amelia’s Children de Gabriel Abrantes (Portugal, Horreur, 1h32) avec Brigette Lundy-Paine, Carloto Cotta et Anabela Moreira
Argylle de Matthew Vaughn (États-Unis, Espionnage, 2h17) avec Henry Cavill, Bryce Dallas Howard et Sam Rockwell
Le Bonheur est pour demain de Brigitte Sy (France, Drame, 1h37, distribué sur 122 copies) avec Laetitia Casta, Damien Bonnard et Béatrice Dalle
L’Étoile filante de Dominique Abel et Fiona Gordon (Belgique, Comédie, 1h38) avec Dominique Abel, Fiona Gordon et Kaori Ito
La Ferme des Bertrand de Gilles Perret (France, Documentaire, 1h22, distribué sur 185 copies) (critique)
La Forêt c’est la classe de Daniel Schlosser (France, Documentaire, 1h19)
Léo La Fabuleuse histoire de Leonard De Vinci de Jim Capobianco (Irlande, Animation, 1h37, distribué sur 375 copies)
Les Lueurs d’Aden de Amr Gamal (Yémen, Drame, 1h31, distribué sur 37 copies) avec Khaled Hamdan, Abeer Mohammed et Samah Alamrani (critique)
M. et Mme Toutlemonde de Jean-Michel Noirey (France, Comédie, 1h16) avec Blandine Mouret, Erika Regimbeau et Pascale Maupin (critique)
Ma part de Gaulois de Malik Chibane (France, Comédie, 1h29) avec Adila Bendimerad, Abdallah Charki et Lyes Salem
Mambar Pierrette de Rosine Mbakam (Cameroun, Drame, 1h33) avec Pierrette Aboheu Njeuthat, Marguerite Mbakop et Duval Franklin Nwodu Chinedu
Les Prières de Delphine de Rosine Mbakam (Cameroun, Documentaire, 1h30)
Sous le vent des marquises de Pierre Godeau (France, Comédie dramatique, 1h31) avec François Damiens, Salomé Dewaels et Roman Kolinka
They Shot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal (Espagne, Animation, 1h43)
La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer (Royaume-Uni, Drame historique, 1h45, distribué sur 180 copies) avec Christian Friedel, Sandra Hüller et Ralph Herforth (critique)
Reprises
Bellissima (1951) de Luchino Visconti (Italie, Comédie dramatique, 1h53) avec Anna Magnani, Walter Chiari et Tina Apicella
Moullet, jeunesse ! Rétrospective Luc Moullet en dix films (1966-2009) de Luc Moullet (France) : Brigitte et Brigitte, Les Contrebandiers, Une aventure de Billy le Kid, Anatomie d’un rapport, Genèse d’un repas, La Comédie du travail, Parpaillon, Les Naufragés de la D17, Le Prestige de la mort et La Terre de la folie
Underground (1995) de Emir Kusturica (Yougoslavie, Comédie historique, 2h44) avec Miko Manojlovic, Lazar Ristovski et Mirjana Jokovic