Les chiffres de la fréquentation ont beau redescendre déjà après une brève embellie, le cinéma fait vaillamment de la résistance en cette dernière semaine complète du mois de novembre 2022. Il y procède à la fois en offrant un florilège de films venus de tous horizons et s’adressant à tous les publics et en poursuivant ce vieux combat toujours aussi utile de la dénonciation des maux de notre société. Divertissement ou engagement ? A vous de choisir, à moins de trouver dans les meilleurs films à l’affiche depuis hier la combinaison prodigieuse des deux. Ce qui devrait être le cas dans nos trois coups de cœur de la semaine. Tous les trois, ils interrogent des formes variables d’injustice. Et tous les trois, ils ont été ou ils devraient être récompensés pour la qualité filmique de leur indignation.
Admettons-le, cette affirmation ne devrait hélas pas s’appliquer à She said de Maria Schrader, dont l’échec au box-office américain a scellé quelque ambition de prix de fin d’année que ce soit. Pourtant, on vous conseille fortement cette reconstitution de la chasse médiatique à l’ogre Weinstein. Un autre film au féminin est Saint Omer de Alice Diop, moyennement apprécié par notre critique maison Jean-Jacques, quoique porté aux nues un peu partout ailleurs. Enfin, surtout, n’oublions pas le valeureux combat des femmes iraniennes. Le dernier film de Jafar Panahi, Aucun ours, n’en tient certes pas directement compte. Il participe néanmoins au même élan de mise en question d’un régime à la légitimité plus que discutable.
Sont également au programme de cette belle semaine de cinéma d’autres films d’auteur à la portée peut-être moins universelle. A commencer par le nouveau film de Luca Guadagnino, quatre ans après le coup double de Call Me By Your Name et de Suspiria. Le conte sanguinaire Bones and all avait fait sensation ou plutôt scandale au dernier Festival de Venise. Déjà plus doux dans son propos, le sixième long-métrage en tant que réalisateur de Roschdy Zem nous emmène au cœur d’une famille temporairement dysfonctionnelle. Le documentaire de la semaine nous paraît être La Générale de Valentine Varela ou le valeureux combat d’enseignants, ici dans un lycée du 14ème arrondissement de Paris.
Permettez-nous d’être un peu plus dubitatifs face aux autres sorties, notamment les retours en demi-teinte des maîtres du cinéma européen que sont Carlos Saura pour l’Espagne et Ulrich Seidl pour l’Autriche. Moins ambitieux mais plus jouissif, Le Menu de Mark Mylod vous a concocté un repas filmique assez savoureux, tandis que Inu-Oh de Masaaki Yuasa est le dernier représentant de l’animation japonaise, en pleine expansion internationale ces derniers mois.
S’il vous reste encore du temps après avoir découvert la dizaine de nouveaux films plus ou moins dignes d’intérêt cette semaine ou si, plus probablement, ce sont avant tout les trésors du cinéma de patrimoine qui vous enchantent, à ce niveau-là ce 23 novembre tient aussi toutes ses promesses. Libre à vous donc de terminer en beauté l’année Pier Paolo Pasolini, grâce à la dixième et dernière ressortie de l’un de ses films, le sublimement poisseux Théorème avec le jeune Terence Stamp au centre de toutes les convoitises.
Dans Driver de Walter Hill, le cinéma américain se montre davantage séduit par la vitesse des bolides que par les corps de Ryan O’Neal et de Isabelle Adjani. Enfin, le corps de la femme est l’enjeu principal du film espagnol Cambio de sexo Je veux être une femme de Vicente Aranda, l’un des premiers films majeurs sur la transidentité.
Aucun ours de Jafar Panahi (Iran, Drame, 1h47) avec Jafar Panahi, Mina Kavani et Vahid Mobasheri
Bones and all de Luca Guadagnino (États-Unis, Drame, 2h10, distribué sur 201 copies) avec Taylor Russell, Timothée Chalamet et Mark Rylance
Ce ne sera pas notre dernier Noël de Juan Manuel Cotelo (Espagne, Comédie, 1h41, distribué sur 80 copies) avec Teresa Ferrer, Carlos Aguillo et Mamen Garcia
La Générale de Valentine Varela (France, Documentaire, 1h31, distribué sur 10 copies)
Inu-Oh de Masaaki Yuasa (Japon, Animation, 1h38)
Mauvaises filles de Emérance Dubas (France, Documentaire, 1h10)
Le Menu de Mark Mylod (États-Unis, Thriller, 1h47) avec Ralph Fiennes, Anya Taylor-Joy et Nicholas Hoult
Les Miens de Roschdy Zem (France, Drame familial, 1h25) avec Sami Bouajila, Roschdy Zem et Maïwenn (critique)
Opération Père Noël de Marc Robinet (France, Animation, 0h43)
Rimini de Ulrich Seidl (Allemagne, Drame, 1h54) avec Michael Thomas, Tessa Göttlicher et Hans-Michael Rehberg
Le Roi du monde de Carlos Saura (Espagne, Drame, 1h35) avec Ana De La Reguera, Manuel Garcia Rulfo et Damian Alcazar
Saint Omer de Alice Diop (France, Drame judiciaire, 2h02) avec Kayije Kagame, Guslagie Malanda et Valérie Dreville (critique)
Service public de Salhia Brakhlia et Mouloud Achour (France, Documentaire, 1h16, distribué sur 18 copies)
She said de Maria Schrader (États-Unis, Thriller médiatique, 2h10) avec Carey Mulligan, Zoe Kazan et Patricia Clarkson
Ubeur de Driss El Haddaoui (France, Drame, 1h15) avec Driss El Haddaoui, Lydie Misiek et Jacky Berroyer
Reprises
Cambio de sexo Je veux être une femme (1976) de Vicente Aranda (Espagne, Drame, 1h48) avec Victoria Abril, Bibi Andersen et Lou Castel
Driver (1977) de Walter Hill (États-Unis, Policier, 1h25) avec Ryan O’Neal, Bruce Dern et Isabelle Adjani
Théorème (1968) de Pier Paolo Pasolini (Italie, Drame, 1h45) avec Silvana Mangano, Terence Stamp et Massimo Girotti