« Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre. » Grâce au programme cinéma somme toute solide de cette semaine de début des vacances de Pâques pour les derniers chanceux, vous en apprendrez quelques leçons utiles sur le passé par grand écran interposé. Car le rôle du cinéma a depuis toujours été de refléter la vie – passée, présente et future – et de nous permettre d’affiner notre regard sur elle. Bien évidemment, pareille vocation noble ne s’applique pas à chaque film. Même si dans la grosse machine commerciale de ce mercredi, le septième long-métrage de Dany Boon La Vie pour de vrai, dans lequel le réalisateur retrouve pour la troisième fois Kad Merad, quinze ans après Bienvenue chez les Ch’tis et neuf ans après Supercondriaque, il est au sens très large question de la découverte et de l’apprentissage des dures réalités de la vie, en dehors de la bulle préservée des Clubs Med.
Nos trois coups de cœur de la semaine dressent un tableau généralement plus sombre de l’humanité. A commencer par le récit historique de la réunion d’un cynisme suprême que les dirigeants nazis avaient tenue en janvier 1942 pour régler l’extermination des juifs, à revivre dans toute sa froideur humaine dans La Conférence de Matti Geschonneck. La persécution des homosexuels dans le Royaume-Uni des années 1980 n’était certes pas aussi ouvertement meurtrière. Elle a néanmoins causé d’énormes dégâts affectifs et sociaux, comme le montre avec force Blue Jean de Georgia Oakley. Enfin, l’avenir peu accueillant des étés caniculaires constitue l’arrière-plan de la comédie de paternité loufoque Avant l’effondrement de Alice Zeniter et Benoît Volnais avec un Niels Schneider sensiblement plus sage que dans son film précédent, Apaches de Romain Quirot, sorti il y a trois semaines seulement.
L’esprit de la découverte de l’autre est de même à l’œuvre dans Sur l’Adamant de Nicolas Philibert, le grand gagnant du dernier Festival de Berlin dont il est reparti avec l’Ours d’or. Cette incursion dans un hôpital psychiatrique à Paris fait en quelque sorte en petit ce que les films fleuves de Frederick Wiseman font en grand, c’est-à-dire d’observer des microcosmes décalés sans le moindre jugement. Il s’agit indubitablement du documentaire de la semaine, d’autant plus que notre critique maison Jean-Jacques n’a guère été emballé par l’autre, La Mine du diable de Matteo Tortone.
Parmi les autres films de fiction à l’affiche dès aujourd’hui, il convient de signaler Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand dans lequel Anthony Bajon poursuit son beau parcours de jeune espoir du cinéma français, entamé il y a cinq ans dans La Prière de Cédric Kahn, l’épopée algérienne La Dernière reine de Damien Ounouri et Adila Bendimerad, ainsi qu’un énième hommage détourné à Catherine la grande, Catherine Deneuve bien sûr, dans la comédie d’acteurs belge Habib La Grande aventure de Benoît Mariage.
La sélection hebdomadaire des ressorties est tout aussi riche et variée. Avec notamment l’un de nos animes préférés, l’incroyablement imaginatif Pompoko de Isao Takahata. Ou bien, l’un des films phares du réalisme austère avec Jeanne Dielman 23 Quai du commerce 1080 Bruxelles de Chantal Akerman. Ou bien deux films plus commerciaux qui ont marqué leurs époques respectives, grâce au couple mythique Jean Gabin et Michèle Morgan pour Remorques de Jean Grémillon et aux effets spéciaux oscarisés en 1967 du Voyage fantastique de Richard Fleischer.
Avant l’effondrement de Alice Zeniter et Benoît Volnais (France, Drame, 1h40, distribué sur 69 copies) avec Niels Schneider, Ariane Labed et Souheila Yacoub
Blue Jean de Georgia Oakley (Royaume-Uni, Drame, 1h37, distribué sur 40 copies) avec Kerrie Hayes, Rosy McEwen et Stacy Abalogun
Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand (France, Drame, 1h30, distribué sur 80 copies) avec Anthony Bajon, Raphaël Quenard et Galatea Bellugi
La Conférence de Matti Geschonneck (Allemagne, Drame historique, 1h48, distribué sur 114 copies) avec Philipp Hochmair, Johannes Allmayer et Maximilian Brückner
La Dernière reine de Damien Ounouri et Adila Bendimerad (Algérie, Drame historique, 1h50) avec Adila Bendimerad, Dali Benssalah et Nadia Tereszkiewicz
Evil Dead Rise de Lee Cronin (Nouvelle-Zélande, Horreur, 1h36, distribué sur 266 copies) avec Alyssa Sutherland, Lily Sullivan et Morgan Davies
Habib La Grande aventure de Benoît Mariage (Belgique, Comédie, 1h28, distribué sur 38 copies) avec Bastien Ughetto, Ahmed Benaïssa et Sofia Lesaffre
Jours sauvages de David Lanzmann (France, Drame, 1h20) avec Alain-Fabien Delon, Redouanne Harjane et Lola Aubrière
La Mine du diable de Matteo Tortone (France, Documentaire, 1h26) (critique)
La Plus belle pour aller danser de Victoria Bedos (France, Comédie, 1h31) avec Brune Moulin, Philippe Katerine et Pierre Richard
Sur l’Adamant de Nicolas Philibert (France, Documentaire, 1h49)
La Vie pour de vrai de Dany Boon (France, Comédie, 1h49, distribué sur 702 copies) avec Dany Boon, Charlotte Gainsbourg et Kad Merad
Reprises
Jeanne Dielman 23 Quai du commerce 1080 Bruxelles (1975) de Chantal Akerman (Belgique, Drame, 3h20) avec Delphine Seyrig, Jan Decorte et Henri Storck
Pompoko (1994) de Isao Takahata (Japon, Animation, 1h59, distribué sur 70 copies)
Remorques (1939) de Jean Grémillon (France, Drame, 1h24, distribué sur 10 copies) avec Jean Gabin, Michèle Morgan et Madeleine Renaud
Le Voyage fantastique (1966) de Richard Fleischer (États-Unis, Science-fiction, 1h40, distribué sur 1 copie) avec Stephen Boyd, Raquel Welch et Edmond O’Brien
