Alors que les frontières courent le risque sérieux de refermer à la rentrée, le cinéma nous invite plus que jamais au voyage. Et ce serait idiot de ne pas l’y accompagner, tant la sélection des sorties se démarque encore par sa richesse et sa variété cette semaine ! En effet, l’aspect peut-être le plus tragique dans la crise profonde que le secteur de l’exploitation cinématographique traverse en ce moment à cause de la pandémie du coronavirus, c’est que de nombreux films dignes d’intérêt sortent chaque mercredi en France, sans que le grand public ne se laisse réellement séduire par cette offre foisonnante …
Les trois films qui nous tiennent particulièrement à cœur en cette mi-août vous emmènent donc au loin, en guise de souvenir précieux des vacances qui viennent de se terminer pour la plupart d’entre nous. Encore que … , la Mongolie n’est pas forcément connue pour son tourisme de masse. A bien y regarder, elle n’est même pas connue du tout auprès du public occidental. Raison de plus de vous conseiller chaudement La Femme des steppes le flic et l’œuf de Wang Quan’an, notre coup de cœur du Festival de Berlin en 2019 qui sort enfin sur les écrans français.
Nous suivons également l’avis positif de notre cher confrère Jean-Jacques sur le nouveau film de Werner Herzog, sélectionné au Festival de Cannes qui n’a pas eu lieu. En plus de son regard sans complaisance sur la société nippone, prise au piège de sentiments de plus en plus factices, Family Romance LLC nous rassure surtout sur le fait que la période Netflix de l’éminent réalisateur allemand appartient désormais au passé. Cela fait près de quatre ans qu’aucun de ses films n’est sorti au cinéma en France, depuis Salt and Fire fin 2016, alors que Herzog, qui fêtera ses 78 ans dans deux semaines, travaille sans relâche ces derniers temps !
Enfin, le documentaire de la semaine nous provient aussi d’un cinéaste de renom, l’Autrichien Hubert Sauper, connu avant tout pour Le Cauchemar de Darwin, nommé à l’Oscar du Meilleur Documentaire et César du Meilleur Premier film en 2006. Dans le poignant et beau Epicentro, il s’intéresse à l’Histoire tourmentée de Cuba, vue à travers les yeux de jeunes élèves de La Havane.
Sinon, ce ne sont pas vraiment les excès de testostérone qui nous intriguent cette semaine. La mauvaise humeur très violente de Russell Crowe dans Enragé de Derrick Borte ne nous paraît guère plus recommandable que la terreur semée dans une maison de location au bord de l’océan dans The Rental de Dave Franco. Seul le drame social mexicain Mano de obra de David Zonana sauve tant soit peu l’honneur filmique de la virilité cette semaine.
Car de l’autre côté, de belles histoires au féminin abondent ! Et on ne pense même pas dans ce contexte à A Perfect Family de Malou Reymann, une histoire de famille bien dans l’air du temps des transitions de genre. Ce sont plutôt trois films à la thématique féminine et réalisés par des femmes, mais ne surtout pas à réserver aux seules spectatrices : l’émancipation à l’âge de l’adolescence dans Mignonnes, le premier long-métrage de Maimouna Doucouré, César du Meilleur court en 2017 pour Maman(s), celle à l’âge où une grossesse involontaire peut poser problème dans Never Rarely Sometimes Always de Eliza Hittman et enfin une plongée dans le monde féodal au Vietnam du XIXème siècle dans La Troisième femme de Ash Mayfair.
Ce n’est pas moins qu’une dizaine de films qui font leur retour sur grand écran à partir d’aujourd’hui ! Pour la plupart, il s’agit de chefs-d’œuvre du cinéma asiatique, venus principalement du Japon, avec la rétrospective des six films que l’immense Yasujiro Ozu avait tournés en couleur à la fin des années 1950, ainsi que, dans un changement de registre total, le film phare de l’anime Akira de Katsuhiro Otomo. Une preuve supplémentaire des qualités complémentaires du cinéma oriental est fournie par le wu-xia-pian Raining in the Mountain du maître du genre King Hu.
Notre tour d’horizon de ce programme hebdomadaire particulièrement éclectique s’achève dans un bain de sang et de cervelle grâce au jouissif Scanners de David Cronenberg et d’une façon infiniment plus dérisoire à travers la farce médicale Il medico della mutua de Luigi Zampa avec l’irremplaçable Alberto Sordi.
A Perfect Family de Malou Reymann (Danemark, Drame, 1h33, distribué sur 60 copies) avec Mikkel Boe Folsgaard, Jessica Dinnage et Hadewych Minis
Belle fille de Méliane Marcaggi (France, Comédie, 1h36) avec Alexandra Lamy, Miou-Miou et Jonathan Zaccaï
Enragé de Derrick Borte (États-Unis, Thriller, 1h30, distribué sur 269 copies) avec Russell Crowe, Jimmi Simpson et Gabriel Bateman
Epicentro de Hubert Sauper (France, Documentaire, 1h48)
Family Romance LLC de Werner Herzog (Japon, Drame, 1h29) avec Ishii Yuichi et Mahiro Tanimoto (critique)
La Femme des steppes le flic et l’œuf de Wang Quan’an (Mongolie, Drame, 1h37, distribué sur 57 copies) avec Dulamjav Enkhtaivan, Aorigeletu et Norovsambuu (critique)
Mano de obra de David Zonana (Mexique, Drame, 1h22) avec Luis Alberti, Horacio Celestino et Hugo Mendoza
Mignonnes de Maimouna Doucouré (France, Drame, 1h36, distribué sur 165 copies) avec Fathia Youssouf, Médina El-Aidi-Azouni et Esther Gohourou
Never Rarely Sometimes Always de Eliza Hittman (États-Unis, Drame, 1h42) avec Eliazar Jimenez, David Buneta et Christian Clements
The Rental de Dave Franco (États-Unis, Horreur, 1h29, distribué sur 274 copies) avec Dan Stevens, Alison Brie et Sheila Vand
La Troisième femme de Ash Mayfair (Vietnam, Drame, 1h36) avec Tran Nu Yen Khe, Mai Thu Huong et Nguyen Phuong Tra My
Reprises
Akira (1988) de Katsuhiro Otomo (Japon, Animation, 2h04, distribué sur 206 copies)
Il medico della mutua (1968) de Luigi Zampa (Italie, Comédie, 1h38) avec Alberto Sordi, Sandro Merli et Leopoldo Trieste
Rétrospective Ozu en couleurs (1958-1962) de Yasujiro Ozu (Japon, distribué sur 10 copies) : Fleurs d’équinoxe, Bonjour, Herbes flottantes, Fin d’automne, Dernier caprice et Le Goût du saké
Raining in the Mountain (1979) de King Hu (Taïwan, Action, 2h00) avec Feng Hsu, Sun Yueh et Chun Shih
Scanners (1979) de David Cronenberg (Canada, Horreur, 1h43, distribué sur 14 copies) avec Jennifer O’Neill, Stephen Lack et Patrick McGoohan