Aux États-Unis aussi, les choses reviennent doucement à la normale d’avant la crise sanitaire. Alors que les Governors Awards, les prix honorifiques de l’Académie du cinéma américain, avaient subi des réductions de voilure ou des décalages plus ou moins importants ces deux dernières années, leur treizième cérémonie s’annonce pour l’instant en parfait accord avec la tradition instaurée en 2009. Ainsi, le conseil d’administration sortant de l’Académie a fait connaître la semaine dernière, mardi 21 juin, la liste des heureux élus qui recevront un Oscar d’honneur à Los Angeles à l’automne prochain, le samedi 19 novembre pour être précis.
Lors de cet événement qui sert de façon officieuse de coup d’envoi à la saison des prix de cinéma outre-Atlantique, deux femmes et un homme recevront un Oscar d’honneur pour l’ensemble de leur carrière, tandis que le prix humanitaire Jean Hersholt viendra célébrer l’engagement sans faille d’une vedette des années 1980 et ’90. Il s’agit de la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy, de l’auteure-compositrice américaine Diane Warren, du réalisateur australien Peter Weir, ainsi que de l’acteur canadien Michael J. Fox pour sa lutte exemplaire contre la maladie de Parkinson.
La 95ème cérémonie des Oscars, quant à elle, aura lieu le dimanche 12 mars 2023. Elle sera précédée de l’annonce des nominations deux mois plus tôt, le 24 janvier 2023.
Euzhan Palcy (* 1953)
Trois films, c’est tout ce qu’il aura fallu à la réalisatrice française Euzhan Palcy pour se faire une petite place dans l’Histoire du cinéma. Trois films dont elle continue de récolter les fruits en tant que réalisatrice pionnière, trente ans après qu’elle a quitté les plateaux de cinéma. Un statut qu’elle sait habilement faire perdurer jusqu’à présent, comme le montre donc le trophée suprême du cinéma hollywoodien.
Parmi ces trois films, c’est surtout le premier, Rue Cases Nègres, qui avait marqué les esprits. Lion d’argent du Meilleur Premier film et Coupe Volpi de la Meilleure actrice pour Darling Légitimus au Festival de Venise en 1983, ce film d’époque avait de même gagné le César de la Meilleure Première œuvre l’année suivante. Changement d’échelle pour Euzhan Palcy dès son deuxième long-métrage, le drame d’Apartheid Une saison blanche et sèche avec Donald Sutherland et Susan Sarandon, pour lequel Marlon Brando avait reçu sa huitième et dernière nomination à l’Oscar, dans la catégorie du Meilleur acteur dans un second rôle en 1990. Puis vint le drame fantastique Siméon sorti en France pour les fêtes de fin d’année en 1992. Depuis, la réalisatrice a travaillé de manière sporadique pour la télévision, notamment sur le documentaire « Aimé Césaire Une voix pour l’histoire » en 1995.
Euzhan Palcy est la troisième réalisatrice lauréate d’un Oscar d’honneur, après Agnès Varda en 2017 et Lina Wertmüller en 2019. Elle est la troisième cinéaste noire honorée de la sorte, après ses confrères Spike Lee en 2015 et Charles Burnett en 2017.
Diane Warren (* 1956)
Toujours nommée, jamais gagnante : pour l’auteure-compositrice Diane Warren, son Oscar d’honneur fait plutôt office de lot de consolation. Car elle n’arrête pas d’être sélectionnée aux Oscars dans la catégorie de la Meilleure chanson, sans jamais s’imposer face à des concurrents plus prestigieux ou dans l’air du temps. Ses compositions inspirantes ont été nommées à treize reprises, une première fois en 1988 pour « Nothing’s gonna stop us now » de Mannequin de Michael Gottlieb, jusqu’à cette année-ci pour « Somehow You Do » de Four Good Days de Rodrigo Garcia. Entre-temps, elle a prêté sa plume à des films aussi populaires que Personnel et confidentiel de Jon Avnet, Les Ailes de l’enfer de Simon West, Armageddon et Pearl Harbor de Michael Bay, La Musique de mon cœur de Wes Craven, ainsi que plus récemment le documentaire RBG de Julie Cohen et Betsy West.
Quand elle n’écrit pas des chansons pour des films, Diane Warren compose sans cesse des tubes pour des artistes aussi reconnus internationalement que Beyoncé, Cher, Céline Dion, Jennifer Hudson, Lady Gaga et John Legend.
Diane Warren est la quatrième compositrice à recevoir un Oscar d’honneur. Auparavant, ce fut le cas de ses confrères Alex North en 1986, Ennio Morricone en 2007 et Lalo Schifrin en 2018. Grâce à ses treize échecs, elle se classe deuxième parmi les lauréats d’un Oscar d’honneur de consolation, derrière les quinze nominations infructueuses de Alex North (de Un tramway nommé désir de Elia Kazan en 1952 jusqu’à Au-dessous du volcan de John Huston en 1985), quoique juste devant l’immense Federico Fellini et ses douze nominations personnelles (du scénario de Rome ville ouverte de Roberto Rossellini en 1947 jusqu’à celui du Casanova de Fellini en 1977).
Peter Weir (* 1944)
Pemettez-nous de vous présenter notre lauréat préféré de cette année des Oscars 2022/23. Certes, le réalisateur australien Peter Weir n’a amassé que six nominations au cours d’une longue et illustre carrière. Mais on osera affirmer que ses films les plus marquants passeront plus facilement à la postérité que ceux honorés ailleurs au mois de novembre par l’Académie du cinéma américain … Peu importe que ce soit le début de sa filmographie dans son pays natal ou bien son parcours des plus respectables du côté d’Hollywood, Peter Weir a su cultiver un regard d’une grande intelligence sur le monde qui nous entoure.
Après quelques courts-métrages tournés dès la fin des années ’60, Peter Weir participe activement à l’émergence du cinéma australien dès 1974 et Les Voitures qui ont mangé Paris. Ce dernier fut suivi rapidement par des films aussi marquants que Pique-nique à Hangig Rock, La Dernière vague, Gallipoli et L’Année de tous les dangers. Ses huit films américains ont été globalement tout aussi impressionnants, puisque l’on y trouve Witness Témoin sous surveillance et Mosquito Coast avec Harrison Ford, Le Cercle des poètes disparus avec Robin Williams – César du Meilleur Film étranger en 1991 –, Green Card avec Gérard Depardieu, État second avec Jeff Bridges, The Truman Show avec Jim Carrey et Master and Commander De l’autre côté du monde avec Russell Crowe.
Peter Weir est le premier lauréat australien d’un Oscar d’honneur.
Michael J. Fox (* 1961)
Probablement l’artiste le plus connu du grand public parmi les quatre heureux élus de l’Académie du cinéma américain, l’acteur canadien Michael J. Fox a pourtant dû mettre sa carrière entre parenthèses depuis de nombreuses années. La cause : le diagnostic de la maladie de Parkinson, dont il souffre depuis le début des années ’90. Plutôt que de se laisser abattre par ce verdict médical sans appel, Fox a tout mis en œuvre afin de se battre contre sa maladie. Il a par exemple créé en l’an 2000 la fondation Michael J. Fox pour la recherche sur la maladie de Parkinson. C’est justement cet engagement courageux et déterminé qui lui vaut le prix humanitaire Jean Hersholt amplement mérité.
En tant qu’acteur, Michael J. Fox avait eu son premier succès à la télévision grâce à la série « Sacrée famille » au début des années ’80. En 1985, il avait tenu pour la première fois son rôle emblématique du voyageur dans le temps Marty McFly dans Retour vers le futur de Robert Zemeckis. Au cours des dix années suivantes, il était à l’affiche de films aussi populaires que Teen Wolf de Rod Daniel, Le Secret de mon succès de Herbert Ross, Outrages de Brian De Palma, La Manière forte de John Badham, Doc Hollywood de Michael Caton-Jones, Le Président et Miss Wade de Rob Reiner, Fantômes contre fantômes de Peter Jackson et Mars attacks de Tim Burton.