Pour le premier mois de mai depuis son existence sous la forme d’un cinéma de répertoire de luxe, Les Fauvettes ont choisi de rendre hommage à un réalisateur dont la carrière est étroitement liée au Festival de Cannes. Pedro Almodovar se rendra d’ailleurs sur la Croisette afin d’y présenter pour la cinquième fois l’un de ses films en compétition. Julieta fera bien sûr partie de la rétrospective organisée du côté de la Place d’Italie du 4 au 31 mai sous le titre « Les Immanquables d’Almodovar » qui comprend onze autres films du réalisateur espagnol. Même si Pedro Almodovar a déjà fait l’objet d’une grande rétrospective et d’une exposition à la Cinémathèque Française en 2006 et de cycles réguliers au Champo, il convient de revenir sur son œuvre singulière, qui s’enrichit constamment malgré le seul faux pas d’une filmographie sinon parfaite avec son dernier film sorti à ce jour, le navrant Les Amants passagers. Enfin, notre seul regret face à cette programmation une fois de plus riche en retrouvailles plaisantes concerne l’absence de l’un de nos films préférés du réalisateur, Matador.
En effet, la première partie de la carrière de Pedro Almodovar (*1949) est quelque peu négligée par le cycle qui lui est consacré aux Fauvettes. On n’y trouve ainsi que trois films des années 1980, qui étaient pourtant la période la plus bénéfique à son ascension à une renommée internationale. Exit donc les comédies loufoques avec lesquelles il s’était fait un nom, d’abord chez lui et puis à l’étranger, comme Pepi Luci Bom et autres filles du quartier ou Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?, pour entrer dans le vif du sujet seulement avec La Loi du désir sorti en France au printemps 1988. Les ingrédients essentiels du cinéma d’Almodovar y sont pourtant déjà présents, tels un regard trouble sur l’identité des genres et une célébration plus qu’ambiguë de l’homosexualité, une ambiance suffocante et un hommage à peine voilé aux actrices, ici à Carmen Maura, la première des comédiennes fidèles au réalisateur. Sont également projetés Femmes au bord de la crise de nerfs, nommé à l’Oscar du Meilleur Film étranger en 1989, qui était ressorti en août dernier et a figuré dans la sélection du dernier festival Play it again, et le sulfureux Attache-moi avec Victoria Abril et Antonio Banderas.
Les années ’90 sont à peine mieux représentés dans ce cycle néanmoins chaudement conseillé, puisque et Kika, et En chair et en os manquent à l’appel. Ce qui reste nous permet par contre de (re)découvrir Pedro Almodovar au sommet de son art, notamment à travers son chef-d’œuvre Tout sur ma mère avec Cecilia Roth et Marisa Paredes, Oscar, BAFTA et César du Meilleur Film étranger en 2000 et prix de la mise en scène à Cannes l’année précédente. Talons aiguilles et La Fleur de mon secret ne font peut-être pas encore preuve de la même maturité, mais ils font partie intégrante de l’univers du réalisateur qui devient alors de plus en plus un tourbillon enivrant de couleurs, de sons et de pulsions inavouables.
Enfin, les films les plus récents de Pedro Almodovar forment le gros de cette rétrospective partielle, à l’exception appréciable du ratage précité. De Parle avec elle avec Javier Camara, Oscar du Meilleur scénario original et César du Meilleur Film de l’Union Européenne, jusqu’à La Piel que habito avec Antonio Banderas, en passant par La Mauvaise éducation avec Gael Garcia Bernal, Volver et Etreintes brisées avec Penélope Cruz, la richesse immense du cinéma selon le maître espagnol sera visible sur plusieurs écrans des Fauvettes. Et pour une fois, une sortie récente s’y immisce, puisque Julieta sera visible dès le 17 mai qui coïncide avec sa présentation en compétition au Festival de Cannes. On croise les doigts pour que le monstre sacré du cinéma européen y décroche enfin la récompense suprême !
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