France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Rose Philippon, Alice Philippon
Scénario : Rose Philippon et Alice Philippon
Acteurs : Jérémie Elkaïm, Sara Giraudeau, Jonathan Lambert, Anne Alvaro
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h18
Genre : Comédie
Date de sortie : 22 juillet 2015
Note : 3/5
Yasmine Belmadi, Grégoire Colin, Salim Kechiouche, Stéphane Rideau, Cyrille Thouvenin : le sort du cinéma n’a guère été tendre avec ces objets de fantasme dans les films gays français du tournant du siècle, qui font de nos jours à peine plus que de la figuration sur les plateaux de cinéma, la plupart du temps dans des rôles nostalgiques de leur force de séduction érotique d’antan, à moins que le sort tout court ne se soit acharné sur eux, comme dans le cas de la disparition accidentelle de Belmadi il y a six ans. Le seul à sortir du lot est Jérémie Elkaïm, qui a même bâti un joli parcours du rescapé de sa renommée de niche, pas seulement grâce à sa collaboration régulière avec Valérie Donzelli. Tout en restant en marge du cinéma commercial, Elkaïm sait se placer là où on ne l’attend pas forcément, comme dans cette jolie petite comédie loufoque, qui cultive de grandes ambitions qu’elle n’atteint pas nécessairement. Il n’empêche que le premier film des sœurs Philippon s’avère assez inventif et léger pour constituer un enchantement estival des plus plaisants.
Synopsis : Trente-cinq ans après avoir été adopté, François Louis voudrait faire la connaissance de sa mère biologique. Or, cette dernière ne souhaite pas que le fonctionnaire en charge du dossier communique son nom à sa progéniture illégitime. Aussi maladroit et lunaire soit-il, François réussit quand même à se procurer ses coordonnées. Il se rend à la campagne, dans la demeure de la famille Burdini où la fête du soixantième anniversaire du père André vient de commencer. François s’y fait passer pour l’extra Thierry, responsable du service auprès des convives, un emploi qui ne correspond nullement à son tempérament. De toute façon, il n’a des yeux que pour sa mère supposée Elise, qui prétend ne pas comprendre sa démarche.
Une vague ressemblance avec Blake Edwards
Au début des Bêtises, la maladresse inhérente au protagoniste de ce premier film est joliment passée en revue. Comme s’il était le digne héritier de Monsieur Hulot, tout va en effet de travers pour François, qui ne manque pas une occasion pour tomber victime des failles d’objets aussi divers qu’un escalator, un mur fraîchement peint ou la porte d’un bus qui se ferme trop vite. Par la suite, cette gaucherie maladive s’estompe progressivement, au fur et à mesure que ce trentenaire introverti s’approche du but de sa quête. Avant ce changement de cap pas obligatoirement heureux, l’intrigue de cette comédie au rythme soutenu s’apparente cependant à celle d’un classique du genre : La Party de Blake Edwards. A l’image du personnage interprété à l’époque par Peter Sellers, François n’est décidément pas à sa place dans le cadre huppé de la fête, où sa présence dénote plutôt en mal. Chacune de ses actions y déclenche un nouveau cataclysme, jusqu’à ce que – dans le film de 1968 – le pavillon dans son ensemble plonge dans un énorme nuage de mousse. Un délire si ouvertement psychédélique ne figure de toute évidence pas dans le cahier de charges de Rose et Alice Philippon. Tant que le spectacle dure, les réalisatrices font néanmoins de leur mieux pour garder le chaos intact.
Jérémie Elkaïm pour toujours
Et puis, une fois que les choses sérieuses prennent le dessus, à savoir l’obstination de la part de François de mener à bien sa mission peu importe les conséquences, il s’opère un changement des plus salutaires de notre perception à l’égard de Jérémie Elkaïm. D’abord très crédible dans l’interprétation d’un homme vraiment pas sûr de lui-même, l’acteur se laisse en effet porter par les variations de ton du scénario pour aboutir en fin de compte à un numéro de séduction en règle. Initialement un pauvre type à qui rien ne réussit, son personnage gagne simultanément en confiance et en charme, au point de nous rappeler avec aisance pourquoi nous apprécions tant l’acteur qui l’interprète. Cette transformation quasiment miraculeuse se cristallise notamment dans la succession de deux séquences musicales majeures : dans un premier temps, la sérénade pitoyable du fils à son père lors de laquelle François / Thierry officie dans une position inférieure, suivie un peu plus tard, devant la foule en liesse, d’une berceuse en hommage à sa mère biologique, entonnée par Elkaïm avec un investissement corporel particulièrement euphorisant. Dès lors, tout n’est plus qu’allégresse et admiration face au charme considérable de l’acteur, ce qui n’est certes pas le critère d’appréciation le plus réfléchi. Tant pis alors que la gentillesse ambiante ne soit plus perturbée que par une dernière révélation à la résonance un brin trop théâtrale. Tant que notre chouchou Jérémie Elkaïm a le beau rôle, nous ne sommes point en position de nous plaindre.
Conclusion
Alors que les tandems de frères réalisateurs deviennent doucement monnaie courante, ceux composés de sœurs étaient jusqu’à présent inexistants. La première tentative plutôt réussie des sœurs Philippon ne devrait en tout cas pas dissuader d’autres regroupements familiaux au féminin de tenter à leur tour l’aventure. Si cela se solde par des films aussi souverainement divertissants que Les Bêtises, nous serons plus que prêt à accompagner cette nouvelle évolution. Et puis, tant que le beau Jérémie Elkaïm est de la partie, nous excuserons sans hésitation les très rares maladresses narratives qu’une histoire aussi propice aux revirements peut engendrer.