L’Ecume des jours
France : 2013
Titre original : –
Réalisateur : Michel Gondry
Scénario : Michel Gondry, Luc Bossi d’après Boris Vian
Acteurs : Romain Duris, Audrey Tautou, Gad Elmaleh, Omar Sy, Aïssa Maïga, Charlotte Le Bon
Distribution : StudioCanal
Durée : 2h05
Genre : Comédie dramatique, fantastique
Date de sortie : 24 avril 2013
Globale : [rating:3.5][five-star-rating]
Après le pertinent et réussi The We and the I, Michel Gondry décide de s’attaquer à un gros morceau qui risque de peser sur la suite de sa carrière. Adapter le roman de Boris Vian au cinéma est un pari culotté tant l’univers dépeint par l’écrivain est abstrait, sujet à de multiples interprétations, et bénéficie d’une aura tellement culte qu’il est a priori difficile d’y toucher sans provoquer l’exaspération. Pourtant, on sait que le réalisateur a un univers assez déluré et à part, inoculant une sorte de poésie mystique dont il a le secret dans chacun de ses films. Dans ce cas, associer Gondry et Vian, finalement pourquoi pas !
Synopsis : L’histoire surréelle et poétique d’un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.
Gondry l’inventeur
Richesse et inventivité seraient probablement les deux adjectifs qui qualifieraient le mieux L’écume des jours. Pour qui connaît bien Michel Gondry, vous serez en terrain connu même si vous risquez d’être étonnés par le nombre de trouvailles qu’ont eu le réalisateur et son équipe sur ce projet ! Le film est un véritable terrain d’expérimentations, plus encore que la Science des Rêves même si sûrement moins bien canalisé car un peu fourre-tout. On ressent une vraie boulimie du réalisateur pour un univers qu’il représente goulûment. Une course de voiture dans une église, une maison qui change au gré de la psychologie des personnages, des véhicules improbables, une souris facétieuse représentée par un acteur en costume… Très riche et sûrement trop riche : il n’est pas une scène, pas un plan où le professeur Gondry n’essaye des choses, si bien que parfois on arrive à saturation. L’écume des jours ou quand le trop plein d’inventivité peut nuire aux idées ! Les 45 premières minutes sont un vrai bonheur pour les sens : de très bons numéros d’acteurs, l’univers parfait mêlant fantasque et fantastique. C’est par la suite que cela se complique un peu.
N’est pas poète qui veut
Pourtant, si l’univers que Gondry développe pourrait se comparer à un véritable microcosme, personnifiant chaque objet du quotidien et le transformant en être capable de raison, il le fait au détriment de ses personnages. Déjà parce que la comédie est plus présente que le drame : toute la première partie du film enchaîne les sketches, mais quand il vire au tragique le ton reste ironique et second degré. Ensuite parce que les personnages ne sont pas aussi étoffés que les idées : ils paraissent tels des pantins qui subissent l’action, et fanent au fur et à mesure comme la santé de Chloé. L’écume des jours film fataliste ? Pourtant ce n’est pas faute d’avoir un grand directeur d’acteurs et un bon casting : Duris et Tautou impeccables, même si cette dernière minaude toujours autant. Les belles surprises sont à chercher dans les nombreux seconds rôles : Omar Sy est vraiment brillant en Nicolas, souvent drôle mais bouleversant aussi, il compose un personnage fort même si l’on ne comprend pas très bien sa place dans l’histoire. Gad Elmaleh et Aïssa Maïga, en couple confronté à l’obsession de Chick pour l’écrivain Jean-Sol Partre, apportent le vrai penchant dramatique qui manque parfois au film pour être un chef d’oeuvre. L’écume des jours de Gondry se révèle comme l’une des multiples interprétations de l’écume des jours de Vian. On ne peut pas dire que le réalisateur soit dépassé par le roman – qu’il connaît à l’évidence par coeur – bien au contraire ! Il livre un film exigeant et généreux dans ses idées, qui n’exploite peut-être pas totalement le matériau de base, mais reste une adaptation très satisfaisante pour les aficionados du roman.