La Roche-sur-Yon 2017 : L’Échappée belle (Paolo Virzi)

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L’Échappée belle

Italie, France, 2017
Titre original : The Leisure Seeker
Réalisateur : Paolo Virzi
Scénario : Stephen Amidon, Francesco Piccolo, Francesca Archibugi et Paolo Virzi, d’après le roman de Michael Zadoorian
Acteurs : Helen Mirren, Donald Sutherland, Christian McKay, Janel Moloney
Distribution : Bac Films
Durée : 1h52
Genre : Drame de vieillesse
Date de sortie : 3 janvier 2018

Note : 3/5

Bien que l’espérance de vie augmente continuellement, la mise en garde que la vieillesse n’est pas faite pour les lâches n’a rien perdu de sa véracité. Le Festival de La Roche-sur-Yon en tient compte de deux façons complémentaires cette année, puisque nous avons pu y découvrir, après l’optimiste et poétique Lucky de John Carroll Lynch, le sensiblement plus mélancolique et profane L’Échappée belle de Paolo Virzi. Il y est question de l’ultime virée d’un couple physiquement et mentalement diminué, à bord d’un camping-car qui n’est guère en meilleur état qu’eux. Leur voyage improvisé s’apparente en effet à une fuite devant la fin inéluctable d’abord de leur relation très proche, puis de leur vie individuelle, alors qu’ils souffrent respectivement d’un cancer et de sénilité. Tandis que le scénario ne manque pas une occasion pour tirer le ton du film sur le terrain risqué d’une farce aux accents humanistes, l’interprétation des deux vedettes Helen Mirren et Donald Sutherland permet au récit de préserver une certaine gravité touchante, quoique pas nécessairement désespérante.

Synopsis : Un beau matin à la fin de l’été, Will est inquiet de ne pas trouver ses parents chez eux, alors qu’il devait emmener sa mère Ella pour une énième séance de traitement contre son cancer généralisé. Il découvre avec horreur que leur vieux camping-car, appelé affectivement par la famille « The Leisure Seeker », a également disparu. Le couple âgé a pris très tôt la route vers le sud, où Ella voudrait montrer le lieu de naissance de Hemingway à son mari John, un ancien professeur de littérature souffrant de trous de mémoire quasiment ininterrompus. John a beau maîtriser encore tant soit peu la conduite du véhicule, il est complètement perdu, dès qu’il quitte son épouse ne serait-ce que pour quelques instants. Ella tente de maintenir les apparences, mais elle doit se rendre à l’évidence que leur vie commune touchera très prochainement à sa fin.

Qui est cette vieille femme dans mon lit ?

A partir d’un certain âge, mieux vaut faire avec le nombre de tracas de santé en constante augmentation, si l’on veut garder sa joie de vivre. Tel paraît être le raisonnement de L’Échappée belle et du couple, qui y procède à une grande tournée d’adieu sous forme de voyage aux forts accents nostalgiques. Puisque l’état mental de l’homme est déjà si précaire qu’il ne se repère même plus à partir des endroits qu’il a déjà dû traverser auparavant, sa femme organise chaque soir une séance de diaporama de rattrapage. Ces leçons du souvenir obtiennent pourtant un résultat tristement contraire aux attentes : la confirmation que la pensée de John est d’ores et déjà ailleurs, sans espoir de ne le récupérer que pour de brefs instants de lucidité. Néanmoins, le côté tragique du film ne provient pas exclusivement de cette régression mentale, prise un peu trop souvent comme prétexte pour des incidents incongrus, mais également de l’obstination chez Ella de ne rien lâcher de la maîtrise avec laquelle elle encadrait jusque là les errements de l’amour de sa vie. De cette interaction sans cesse frustrée, entre l’instinct maternel proche de l’épuisement physique et affectif chez elle et une insouciance infantile involontairement cruelle chez lui, naît un fil narratif plutôt solide. Celui-ci est en mesure de circonscrire les débordements plus maladroitement comiques, pour accentuer à intervalles réguliers la complicité profonde, qui unit les deux personnages principaux malgré les aléas d’une existence mise de plus en plus sous tutelle.

Sous le régime du slip

A l’encontre d’autres films sur le destin déprimant d’hommes ou de femmes âgés, qui ne reconnaissent plus rien, ni personne, tel Loin d’elle de Sarah Polley, qui ont su privilégier la voie de la subtilité, L’Échappée belle opte clairement pour une approche plus terre à terre. Ce choix peut s’avérer gagnant, par exemple lors de la description sans fard de la différence du niveau intellectuel entre Ella et John, la première faisant figure de représentante d’une Amérique rurale, chaleureuse mais plus intéressée par le bavardage que par les quêtes spirituelles, et le deuxième en tant que vestige de l’intelligentsia distinguée de New York. Mais dans l’ensemble, l’empressement narratif de faire un tour exhaustif de tout ce qui peut prêter au rire jaune lorsqu’on évoque les vieux – des incontinences de tout genre aux oublis burlesques, en passant par un regard presque méchant sur tout ce qui touche à l’univers du troisième âge – réduit considérablement la marge de manœuvre du récit. Ainsi, le seul et unique élément de surprise relève des rares retours à la normalité de John, des preuves irréfutables de son charme qui avait autrefois séduit sa femme, systématiquement anéanties par une rechute dans la divagation navrante. Que ces sautes d’humeur et de ton ne soient pas amenées avec plus de finesse relève à la fois de la responsabilité du scénario, à la structure trop conventionnelle pour nous étonner, et de celle de la mise en scène, certes serviable, notamment envers les deux acteurs principaux en état de grâce, mais jamais vraiment ingénieuse pour cultiver un point de vue étranger, en l’occurrence italien, sur les aspects plus spécifiquement américains de l’intrigue.

Conclusion

Dans le domaine en élargissement et enrichissement conjoncturels des films sur la vieillesse, L’Échappée belle se classe quelque part au milieu raisonnable d’un corpus d’œuvres, qui a tendance à chercher une source soit de comédie, soit de tragédie dans les corps et les esprits usés de ses personnages. Le fait que Paolo Virzi tente d’agir en alternance sur ces deux tableaux n’est pas réellement un choix probant pour ce film toutefois touchant, qui vit plus de l’investissement sincère de Helen Mirren et de Donald Sutherland que de quelque message éclairé qu’il aurait à nous transmettre sur la fin de vie.

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