Le Hobbit : la Désolation de Smaug
Nouvelle-Zélande, États-Unis : 2013
Titre original : The Hobbit : The Desolation of Smaug
Réalisateur : Peter Jackson
Scénario : Peter Jackson, Philippa Boyens, Frances Walsh, Guillermo del Toro d’après J.R.R. Tolkien
Acteurs : Martin Freeman, Richard Armitage, Ian McKellen, Orlando Bloom, Evangeline Lilly, Luke Evans, Stephen Fry, Benedict Cumberbatch
Distribution : Warner Bros. France
Durée : 2h41
Genre : Aventure, Fantastique
Date de sortie : 11 décembre 2013
Globale : [rating:4][five-star-rating]
Retour en Terre du Milieu un an après la sortie d’Un Voyage Inattendu, qui avait vu Peter Jackson renouer avec l’œuvre de Tolkien en adaptant le début de son premier roman, Le Hobbit. La Désolation de Smaug occupe la place souvent difficile du deuxième volet d’une trilogie, courant le risque de n’être qu’une zone flottante de transition, et pourtant… quelle réussite !
Synopsis : Après avoir survécu à un périple inattendu, la petite bande s’enfonce vers l’Est, où elle croise Beorn, le Changeur de Peau, et une nuée d’araignées géantes au cœur de la Forêt Noire qui réserve bien des dangers. Alors qu’ils ont failli être capturés par les redoutables Elfes Sylvestres, les Nains arrivent à Esgaroth, puis au Mont Solitaire, où ils doivent affronter le danger le plus terrible – autrement dit, la créature la plus terrifiante de tous les temps qui mettra à l’épreuve le courage de nos héros, mais aussi leur amitié et le sens même de leur voyage : le Dragon Smaug.
Un souffle épique attisé par l’aventure
Première difficulté liée à l’adaptation, porter à l’écran un seul roman, qui plus est relativement court, en un format de trois – très – longs métrages ; puis nous introduire dans un univers à la fois familier et différent, ne pas décevoir les attentes des fans tout en s’assurant l’adhésion du grand public, et surtout éviter un sentiment de transition/remplissage entre les films d’exposition et de résolution. C’est avec brio que Peter Jackson déjoue tous ces écueils et propose une œuvre cohérente malgré quelques menus défauts. S’inspirant, en plus du roman, des pages d’annexes clôturant la trilogie du Seigneur des Anneaux – qui rappelons-le se déroule 80 ans plus tard – le cinéaste nous invite à une immersion à la fois totale et limpide dans l’univers de Tolkien. Les échos avec la trilogie de l’anneau sont donc nombreux mais s’immiscent par petites touches, les films se répondent mais ne se vampirisent pas. De plus, ce deuxième volet est épuré des défauts qui ont été imputés au premier, notamment concernant un comique farcesque et une légèreté parfois mal venus. Si le Hobbit est effectivement connu comme étant moins grave que la célèbre trilogie, les doses d’humour ne viennent ici jamais appesantir l’action. La noirceur est plus prégnante et la peur nous prend par surprise comme dans un cauchemar.
Contrairement à la précédente trilogie, le Hobbit tient plus de l’aventure humaine que de l’heroic fantasy, et se veut moins comme une lutte entre le Bien et le Mal qu’une reconquête par des apatrides d’un foyer usurpé. Bilbon, plus en retrait dans les scènes d’action mais qui a aussi droit à ses instants de gloire, substitue aux états d’âme du fragile Frodon un sens de la ruse stimulé par la peur. Les échelles sont réduites, pas de grande bataille épique et massive mais des affrontements de groupes plus resserrés qui n’en sont pas moins violents et visuellement fascinants. Le plus souvent les combats sont frontaux, incroyablement dynamiques et la caméra épouse parfaitement chaque mouvement des personnages.
Vertige et apesanteur
Peter Jackson nous invite une fois de plus avec délice dans les paysages grandioses et désormais emblématiques de la Nouvelle-Zélande. A mesure que la troupe s’enfonce vers l’Est, les décors s’obscurcissent en des souvenirs au goût de cendres dévastés par les brasiers de Smaug. Dangereux et parfois presque personnifiés, les éléments se libèrent : l’eau devient torrent, le feu une coulée de lave ou une fournaise venue des entrailles d’un dragon, la terre une montagne nue et colossale ou une forêt hostile et cauchemardesque. Le travail des effets spéciaux à cet égard est impressionnant, et les scènes finales se déroulant dans la Montagne Solitaire en sont les exemples les plus frappants. Chaque plan est un délicieux vertige. L’identité graphique n’est pas sans rappeler celle des jeux vidéo et nous fait plonger presque physiquement dans le film, grâce à une caméra qui semble obéir à sa propre volonté. Les détracteurs de la caméra volante du premier volet reprocheront encore cette incroyable mobilité du cadre, la caméra flottant dans le décor et survolant librement les scènes, pareille à une abeille. Le résultat est étourdissant. Le mouvement embrase l’écran – mouvement de la caméra, des personnages, de notre œil – et pourtant jamais on ne se perd. On voyage dans l’image de Jackson comme on voyage dans les pages de Tolkien.
Quant à la 3D, en dépit de quelques effets de relief et d’une profondeur de champ peut-être légèrement plus sensible, elle demeure anecdotique. Bien plus saisissante, la technologie Dolby Atmos procure une expérience incroyable d’immersion sonore, surtout lors de la rencontre avec Smaug : le sol vibre sous nos pieds et dans la salle résonne le même écho que sous la gigantesque voûte de pierre. Plus discrète, la bande originale est bien éloignée des grandes envolées lyriques du Seigneur des Anneaux ; si elle embrasse l’image sans accroc, on aurait aimé quitter la salle avec un thème puissant résonnant encore dans les oreilles.
Apparitions furtives et menaces en éveil
De nouveaux personnages font leur apparition, assurés par un casting international. L’acteur britannique Stephen Fry est brillant dans son rôle de petit maître risible, décadent et repoussant, le visage insondable de Lee Pace en seigneur elfe reclus nous glace le sang, et la liste est encore longue. On peut regretter un passage un peu rapide sur ces nouveaux visages, qui forcément suggèrent plus des personnalités qu’ils ne les creusent. Mais l’arrivée la plus remarquée est forcément celle d’Evangeline Lilly, en elfe sylvestre pourtant absente du roman, touche de féminité guerrière dans un univers transpirant la testostérone barbue. Espérons que dans le dernier volet l’exigence de mièvrerie attribuée aux femmes dans les films à grand spectacle lui collera moins à la peau…
L’aventure donne aussi lieu à des rencontres avec une myriade de créatures tour à tour répugnantes, effrayantes et étranges, inspirées par les dessins des brillants illustrateurs de Tolkien, John Howe et Alan Lee. Mais une autre menace rôde, plus dangereuse car indéterminée, et plus angoissante car encore dépourvue de nom. Le mal de la trilogie de l’anneau prend racine ici, et c’est par le biais du parcours de Gandalf que l’on découvre sa genèse. Dommage que cet aspect ne soit pas plus développé, tant il est le moteur de la peur qui habite le film, mais tout porte à croire que le plus sombre est gardé pour la fin…
Résumé
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