Critique : Le Grand bleu

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Le Grand bleu

France, 1988
Titre original : –
Réalisateur : Luc Besson
Scénario : Luc Besson, Robert Garland, Marilyn Goldin, Jacques Mayol et Marc Perrier
Acteurs : Rosanna Arquette, Jean-Marc Barr, Jean Reno, Paul Shenar
Distribution : Gaumont
Durée : 2h18
Genre : Aventure
Date de sortie : 11 mai 1988

Note : 3/5

Les films programmés en ce moment aux Fauvettes dans un cycle intitulé « Les grands succès du cinéma français » sont étrangement complémentaires. Après La Chèvre et son scénario pétillant plombé par une mise en scène quelconque, voici le cas exactement inverse d’un film dont la réalisation a marqué toute une époque alors que son histoire nous laisse toujours aussi perplexes, peu importe la version, longue ou courte, française ou anglaise, dans laquelle nous regardons Le Grand bleu. Si Luc Besson dispose d’un certain talent pour orchestrer ses images, surtout à une époque comme les années 1980 où l’esthétique clinquante faisait sa loi, il est par contre communément admis qu’il est un piètre scénariste. Le manichéisme à l’état primaire est son objet de prédilection, comme dans le cas présent avec une compétition sportive qui frôle parfois le ridicule, si elle ne s’aventure pas dans les eaux troubles d’une philosophie de vie particulièrement nébuleuse. Au moins, la présence du sublime Jean-Marc Barr nous permet de nous rincer abondamment l’œil, même si son personnage s’avère aussi opaque que ce champion du box-office ’88 dans son ensemble.

Synopsis : Jacques Mayol et Enzo Molinari se connaissent depuis que, enfants, ils pêchaient des pièces d’or dans les eaux peu profondes devant la côte grecque. Vingt-trois ans plus tard, Enzo est champion du monde de plongée en apnée. Il convie Jacques, qui préfère s’occuper de dauphins sur la Côte d’Azur, au prochain tournoi qui se tiendra en Sicile. Son adversaire de longue date accepte le défi, bien qu’il pratique son sport avec un état d’esprit moins compétitif qu’Enzo. Hors de l’eau, Jacques a pourtant encore beaucoup de choses à apprendre. Par exemple comment réagir aux avances de l’agent d’assurance Johana Baker, qui a fait exprès le déplacement pour le revoir, après leur première rencontre sur les hauteurs glaciales du Pérou.

Besson déjà égal à lui-même

Le succès phénoménal du Grand bleu a sans doute plusieurs raisons. C’est d’abord un film qui exprime un état d’âme en parfaite symbiose avec son époque, par le biais de la quête insensée d’une existence dans les profondeurs des océans, au détriment d’un projet de vie plus conventionnel. Et puis, le troisième long-métrage de Luc Besson y parvient sans froisser personne, tout simplement en agençant si vaguement son intrigue que les angles d’attaque potentiels y disparaissent comme par miracle. Il s’agit en quelque sorte d’une œuvre aussi furtive qu’un dauphin, quoique de loin pas aussi mignonne et a priori moins intelligente. Le réalisateur y cultive l’art de la digression jusqu’à noyer le bébé cinématographique. Rien que le prologue, long d’un quart d’heure, ne sert en fin de compte qu’à camper maladroitement le décor de la rivalité entre Enzo et Jacques. Le trait y est si forcé que l’on préfère tout de suite s’évader dans la photographie enivrante du regretté Carlo Varini – ici en noir et blanc, plus tard en couleur – plutôt que de subir sans broncher la gestion misérablement hasardeuse du premier revirement tragique de l’histoire. Le traitement des motivations psychologiques des personnages ne deviendra hélas pas plus probant par la suite, une lacune majeure qui est pour beaucoup dans la frustration latente que nous inspire ce film.

Nage avec les dauphins

L’interprétation de Jean-Marc Barr nous met face au même genre de dilemme. Tandis que ses partenaires à l’écran Jean Reno et Rosanna Arquette remplissent leurs rôles avec une évidence énergique qui ne sied peut-être pas tout à fait aux différents degrés d’abstraction du fond idéologique du film, Barr se démène du mieux qu’il le peut avec un homme-enfant qui ne se sent bien que sous l’eau. Son Jacques Mayol apparaît trop souvent comme un simple d’esprit, un innocent à l’espièglerie enfantine qui jouit pourtant d’un physique adulte de rêve. C’est principalement le charme démesuré de l’acteur qui fait passer la pilule de tant de détachement ésotérique, pendant que le scénario l’enferme dans une passivité préjudiciable pour la vigueur du récit. En toute logique, l’aspect du film qui tient le plus à cœur à cet idéaliste maladivement timide, son lien quasiment intime avec les dauphins, doit se disputer la vedette avec des banalités infiniment moins saisissantes. Dans le doute, Le Grand bleu aurait été un film plus cohérent et passionnant, s’il avait opté pour ce volet pragmatique de l’intrigue, au lieu de s’éparpiller dans des fils narratifs trop disparates pour bien fonctionner ensemble.

Conclusion

Le pouvoir de fascination du Grand bleu reste à peu près intact, presque trente ans après sa première au festival de Cannes 1988. Le souffle grandiose avec lequel Luc Besson mène ce film au sujet personnel, de concert avec la bande originale emblématique de Eric Serra, lui confère une sorte de grandeur épique en parfaite contradiction avec les éléments plus intimistes de l’intrigue. Cette ambiguïté pas sans intérêt se focalise à merveille dans le personnage du mordu de plongée que Jean-Marc Barr interprète avec un naturel désarmant.

https://youtu.be/HnKT0H1qI7o

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