Le Festival de Cannes 2012 c’est fini

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Anais Berno envoyée spéciale de Critique Film au Festival de Cannesq 2012

Anais Berno envoyée spéciale de Critique Film au Festival de Cannesq 2012

Dimanche 27 mai 2012 : clap de fin pour le 65ème festival de cannes…sous la pluie de nouveau. Si la météo maussade ressemble à l’humeur des festivaliers face au palmarès contestable de Moretti, ce dimanche marque également la fin de la bulle cannoise et le début d’une dépression sévère pour les festivaliers. Retour sur la folie de la croisette vue de l’intérieur, et sur les raisons pour lesquelles on y retournera quand même l’année prochaine :

Si vous pouvez un jour vivre cette expérience unique, soyez certains de partir avec des gens qui connaissent les petits secrets du Festival pour être sur de ne rien louper. Car le don d’ubiquité étant toujours aussi peu répandu, vous serez rapidement frustré face aux choix cornéliens que vous devrez faire. Faut-il aller voir ce film au titre douteux et risquer de manquer la montée des marches de Brad Pitt, sans pour autant être certain de pouvoir assister à l’un ou l’autre?

Car le Festival de Cannes, loin du glamour que l’on voit à la télé, c’est aussi un peu le Vietnam. Une vraie guerre. Mieux vaut être prêt physiquement et mentalement pour vivre près de deux semaines sans sommeil et sans nourriture ou presque. Mais la croisette, en plus d’être un champ de bataille qui ne désemplie pas de la journée, c’est aussi l’île de la Tentation revisitée. De beaux garçons, de belles filles riches et bronzés, des belles voiture, des cocktails et du champagne en open bar le plus souvent, et des soirées à thèmes qui font rêver. Il est alors très facile de perdre de vue la raison pour laquelle vous êtes là : voir des films.

Loin de tout ce qu’on peut s’imaginer, une montée des marches n’est pourtant pas ce qu’il y a de plus plaisant à faire. Une fois enfilé la robe où le costume dans lequel vous n’êtes pas du tout à l’aise, on vous fait patienter comme des sardines sur les côtés du palais. Puis quand vous avez enfin l’autorisation de fouler le tapis rouge, on vous arrête tous les 50cm pour ne pas que vous soyez dans le champ de Mr X qui est devant vous ou de Mlle Y qui minaude juste derrière. Malheureusement vous êtes là et vous aimeriez bien rentrer dans le palais…C’est en général à ce moment que le paparazzi déchaîné s’en prend à vous à base de « dégaaaaaage » pour vous montrer son mécontentement et flatter votre égo. Au final, vous montez les marches 4 à 4 et vous êtes bien content d’aller vous asseoir vous et votre anonymat latent.

Le Festival de Cannes 2012 c'est fini

Mais une fois dans ce grand théâtre, la magie cannoise opère. Tout le monde se tait, applaudit les équipes des films et respecte le travail montré à l’écran. A l’issue de la projection, certains pleurent, d’autres huent alors que les derniers se réveillent. Dans tous les cas, les sensations et les émotions sont décuplées et les standing ovation s’enchaînent. Une atmosphère unique et inimitable qui fait de Cannes ce qu’elle est: la capitale française du cinéma.

A la sortie des projections, il vous reste le choix de prendre le bus (aussi blindé que la ligne 13 du métro à Paris en heure de pointe) et rentrer chez vous, ou bien de prolonger la nuit dans l’une des nombreuses soirées organisées sur les plages privées des hôtels et des marques. Si vous optez pour la deuxième option, la meilleure, vous risquez de voir le soleil se lever sur la ville alors que vous pensez déjà que vous devez être dans la file d’attente à 7h30 pour le prochain film. Tant pis, votre corps survivra, et vous ne vous nourrirez que de l’amour du 7ème art. Car oui, pendant la journée, vous n’aurez pas vraiment le temps d’avaler quoi que ce soit. L’une des phrases qu’on entend le plus durant le festival est en effet « J’ai faim », certainement à égalité avec « Oh my god j’ai plus de batterie! »

En fait, le festival c’est un peu votre Koh Lanta, et vous terminerez ces 11 jours épuisé, amaigri, mais avec des images plein la tête et des souvenirs inoubliables. Vous aurez vu des films qui vous aurons irrité, fait rire ou pleurer, qui vous aurons retourné ou laissé complètement de glace. Vous aurez croisé la route de votre réalisateur ou acteur préféré et bu plus de champagne que dans toute une année. Surtout, vous ne serez pas sorti de Cannes, et vous ne serez au courant de rien d’autre dans le monde que les horaires des projections du prochain film. Alors vous risquerez de passer à côté de l’annonce d’une 3ème guerre mondiale, mais vous serez content, après être passé par des stades de frustration (punaise c’est dur de rentrer au VIP Room !) ou d’excitation (c’est la classe d’être assis à côté de Robert de Niro en projection) extrêmes.

Que dire encore des personnages que vous rencontrerez? De l’habitué cinéphile qui enchaîne 6 films par jour et râle contre la foule à la jet-setteuse venue à Cannes pour se faire bronzer et voir des stars, ou encore aux chasseurs d’autographes qui accrochent leur escabeau aux rambardes de sécurité en attendant les stars toute la journée, il y a de tout. Le must étant le pseudo journaliste (voire l’étudiant en cinéma) qui tentera de vous prouver par A + B que vous n’avez rien compris au film (et donc à la vie) et qu’il a forcément raison de penser que c’est un chef d’oeuvre et pas vous. De préférence, il le fera en utilisant un vocabulaire soutenu pour vous rappeler qu’il a une culture plus grosse que la votre. Car Cannes a bel et bien ce petit côté élitiste tant décrié. Durant le festival, la règle voudra que vous ne parlerez que de cinéma. Oubliez la politique ou tout autre sujet qui pourrait concerner la France (d’en bas sous-entendu). Vous suivez le mouvement et critiquez tout ce qui est diffusé comme si vous aviez tourné le film vous-même. Mais en fin de compte, cela vous permet aussi de faire des rencontres intéressantes et vous vous ferez des amis qui vous accompagnerons aux projections ou aux soirées.

Au final, vous aurez le coeur gros en quittant Cannes et vous aurez immédiatement envie d’y retourner, de revoir ce monde de fou complètement éphémère et irréel, mais grisant. Dur dur de revenir au bureau après cela, de reprendre une vie normale sans cinéma ou presque, et sans paillettes. Alors pour vous sentir mieux, vous vous repasserez en boucle « La Cité de la peur » pour prendre la mesure de l’exactitude de ses propos. Car maintenant, vous aussi vous pourrez dire « Laissez moi passer j’ai une invit’ ! » puisque vous aurez vu la sous-préfète comme il se doit…alors à l’année prochaine Emile !

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