Puisqu’il vaut mieux voir le verre à moitié plein par ces temps incertains, prenons les chiffres de la fréquentation des films français à l’étranger au mois d’octobre, communiqués la semaine dernière par Unifrance, comme un signe d’encouragement que les affaires pourraient un jour reprendre. Car comme ce fut le cas pour les salles nationales avant leur deuxième fermeture brutale cette année, la tendance est indubitablement à l’embellissement à l’international. Plus de deux millions de spectateurs sont ainsi allés voir un film français en dehors de la France sur la période, avant que le deuxième confinement plus ou moins mondial ne mette un nouveau coup d’arrêt à ce retour trompeur à la normalité. Espérons donc que les mois blancs de novembre et probablement de décembre ne seront qu’une parenthèse malheureuse, aussi grâce, indirectement, aux chiffres français que l’on souhaite exceptionnels dès le 15 décembre prochain !
Toutefois, évitons de nous emballer trop tôt et restons sur ces recettes automnales globalement positives. Une importante progression du cumul mensuel est ainsi à noter, pas seulement par rapport au mois de septembre, qui avait vu moitié moins de spectateurs plébisciter un film tourné dans la langue de Voltaire, mais même en comparaison avec le mois d’octobre 2019 auquel il est largement supérieur, de 66 % pour être précis. Sur l’année maudite 2020, il s’agit enfin du troisième meilleur résultat, pas si loin derrière février et janvier, qui avaient affiché respectivement 2,8 et 2,4 millions de spectateurs francophiles. Reste à indiquer qu’une bonne partie de ces entrées a été générée par ce que l’on appelle dans le jargon professionnel des productions minoritaires, c’est-à-dire des films, comme Pinocchio de Matteo Garrone et Bigfoot Family de Ben Stassen et Jérémie Degruson – il marche très fort en Russie, celui-là ! – , qui ont été financés en partie plus ou moins négligeable par des capitaux français.
La nouvelle championne du box-office français à l’international s’appelle Isabelle Huppert. Grâce à sa performance exceptionnelle sur le marché allemand, La Daronne de Jean-Paul Salomé se classe en tête. D’une façon plutôt solitaire, puisque c’est le seul film principalement français à dépasser la barre autrefois anecdotique des 100 000 tickets vendus. Et même si les salles obscures d’outre-Rhin ont également dû fermer leurs portes début novembre pour cause de crise sanitaire, la comédie policière a quand même réussi à s’y imposer comme le plus gros succès français de l’année, de surcroît projetée sur la plus large combinaison d’écrans. Ceci explique peut-être cela, au moins en partie.
Ce qu’est l’Allemagne pour Isabelle Huppert est l’Italie pour Golshifteh Farahani. Alors que Un divan à Tunis avait vu sa carrière en France abrégée au bout d’un mois à l’affiche par le premier confinement, le film de Manele Labidi risque de connaître le même sort chez nos voisins transalpins. Pratiquement un an après sa présentation au Festival de Venise 2019, il y avait pourtant fort bien démarré, en y enregistrant ses meilleurs résultats à l’étranger, voire l’un des meilleurs pour un film français dans les salles italiennes cette année.
Si l’on aime tant les statistiques de la fréquentation des films français en dehors de nos frontières, c’est aussi parce que, régulièrement, elles nous surprennent par la présence d’un film venu de nulle part ! En ce mois d’octobre, c’est au thriller d’anticipation Dans la brume de Daniel Roby de jouer ce rôle de la curiosité. Passé sans faire trop de bruit sur les écrans des multiplexes français en avril 2018, il a débarqué avec le même succès mitigé dans les salles chinoises. Sauf que, même en faisant soi-disant un bide sur ce marché immense, qui a en plus tourné la page des fermetures administratives, il reste toujours assez de spectateurs pour être bien placé dans un classement en tout et pour tout pas dépourvu de morosité. Et même de faire mieux que les deux autres productions françaises sorties en Chine en 2020 : Cold Blood Legacy La Mémoire du sang de Frédéric Petitjean et Mia et le lion blanc de Gilles De Maistre. Comme quoi, la distribution française et celle de Chine demeurent toujours aussi mutuellement imperméables.
Trois films français ont fait leur premier tour de chauffe sur le circuit des salles internationales au mois d’octobre. Tandis qu’on peut entrevoir à peu près sereinement l’avenir commercial de 30 jours max de Tarek Boudali et de Adieu les cons de Albert Dupontel, pour l’instant à la huitième et à la dixième place, celui de Mon cousin de Jan Kounen est déjà plus une source d’inquiétude. Et encore, avec cinq écrans en moins sur autant de territoires, il attire à peine trois mille spectateurs de moins que le champion sortant du box-office français. Ce qui devra suffire pour une modeste seizième place. Néanmoins, pour un film aux têtes d’affiche aussi prioritairement reconnaissables dans les pays francophones que Vincent Lindon et François Damiens – des marchés tels que la Belgique et la Suisse romande où il était sorti le même jour qu’en France – , son potentiel dans d’autres parties du monde nous paraît effectivement limité.
Le Top 10 des productions françaises à l’étranger en octobre 2020
- La Daronne 144 043 entrées / 153 199 cumul – distribué dans 7 pays sur 422 écrans
- Un divan à Tunis 84 070 entrées / 230 600 cumul – distribué dans 9 pays sur 283 écrans
- Dans la brume 75 000 entrées / 715 491 cumul – distribué dans 1 pays, nombre de copies pas communiqué
- Été 85 40 278 entrées / 75 343 cumul – distribué dans 7 pays sur 308 écrans
- Terra Willy 40 117 entrées / 899 426 cumul – distribué dans 2 pays sur 219 écrans
6. The Room 39 954 entrées / 501 197 cumul – distribué dans 2 pays sur 161 écrans
7. Antoinette dans les Cévennes 37 169 entrées / 46 055 cumul – distribué dans 5 pays sur 341 écrans
8. 30 jours max 20 874 entrées cumulées – distribué dans 2 pays sur 48 écrans
9. Yakari La Grande aventure 17 915 entrées / 55 351 cumul – distribué dans 5 pays sur 176 écrans
10. Adieu les cons 14 506 entrées cumulées – distribué dans 2 pays sur 55 écrans