Le marché français
Placé sous le signe de la 37ème Fête du cinéma, le box-office français de la semaine 27, allant du 29 juin au 5 juillet, a-t-il tenu toutes ses promesses ? Si l’on veut à tout prix voir le verre et les salles de cinéma à moitié pleins, on pourra l’affirmer. Sinon, malgré les chiffres en hausse par rapport à la semaine précédente et l’engouement du public pour cet événement promotionnel organisé par la Fédération Nationale des Cinémas Français depuis le milieu des années 1980, on pourrait tout aussi légitimement être un peu déçu.
Trois jours à tarif préférentiel et la fréquentation augmente de moins d’un million d’entrées en comparaison avec la dernière semaine de juin, assez calamiteuse ? De bons chiffres sur ces trois mêmes jours, du dimanche 3 au mardi 5 juillet donc, alors que la meilleure journée de cette Fête-ci était finalement le mercredi avec ses plus d’un million de fans de nouveautés ?
En fin de compte, il y a de quoi se réjouir que le public ait retrouvé le chemin des salles obscures en masse pendant ce rendez-vous habituel du début de l’été. Une hausse de 4 % par rapport aux éditions d’avant la crise sanitaire, cela ne se refuse pas. Mais en même temps, c’est quand même un piètre lot de consolation au vu de la fréquentation globale qui traîne des pieds depuis le début de l’année 2022.
Qu’à cela ne tienne, le dispositif de la Fête du cinéma continue de faire des émules au-delà de nos frontières. Par exemple en Allemagne, où le premier « Kinofest » aura lieu le deuxième week-end du mois de septembre au prix de cinq euros la place ou bien aux États-Unis, où l’offre promotionnelle du circuit de salles AMC est de retour jusqu’en octobre avec ses « Discount Tuesdays », c’est-à-dire un tarif unique de cinq dollars plus taxes le mardi dans les plus de 600 salles américaines du réseau.
Depuis toujours, la semaine de la Fête du cinéma était un peu la chasse gardée des productions hollywoodiennes. Cela n’a guère changé cette année, avec trois blockbusters qui se disputent le podium de tête du classement. Néanmoins, la part de marché des films français retrouve un niveau plus respectable que celui de la semaine dernière, puisqu’un spectateur sur trois est allé voir une production nationale.
Les films en continuation
Dans un contexte où tous les indicateurs sont temporairement au vert, perdre des spectateurs relève presque du crime de lèse-majesté économique. Il y en a eu quand même quelques-uns cette semaine, comme Elvis de Baz Luhrmann qui perd près de 10 % de fans du King ou bien le film d’animation Pixar Buzz l’éclair, le champion très éphémère de la semaine dernière, qui ne profite pas du tout de l’approche des vacances scolaires. Sans même parler des cinq films qui figuraient encore en bas du classement la semaine dernière, mais que l’on y cherche en vain à présent …
Et puis, il y a bien sûr la belle histoire de réussite tous azimuts de ce début d’été : le survol en altitude confortable du box-office, semaine après semaine, en France et ailleurs, par Top Gun Maverick de Joseph Kosinski. Désormais sexagénaire, Tom Cruise prouve ainsi qu’il demeure le roi incontesté du cinéma d’action, aussi grâce au démontage malheureux de sa concurrence directe. En face, seules les épopées de super-héros et autres aventures préhistoriques persistent, même si le parcours de Jurassic World Le Monde d’après de Colin Trevorrow relève moins du phénomène du box-office que du remplissage raisonnable de son contrat et de l’amortissement de son budget conséquent.
Les nouveautés
On lui aurait souhaité des débuts un peu plus souverains. Dans l’état, le démarrage d’Irréductible de Jérôme Commandeur sauve tant soit peu l’honneur du cinéma français en cette semaine de fête. Après, ce n’est pas non plus comme si l’acteur et parfois réalisateur, maître de cérémonie des César en 2017, était un habitué des gros succès populaires, son dernier film millionnaire remontant à Retour chez ma mère de Eric Lavaine à l’été 2016. Le sort de son deuxième film en tant que réalisateur, après Ma fille t’adore déjà ! également de 2016, devrait par conséquent se situer bien en dessous de ce palier symbolique.
Pas grand-chose n’est à écrire sur les deux films français suivants. L’un – La Traversée de Varante Soudjian – confirme l’attractivité toute relative de la formule mixte jeunes de banlieue / vacances, tandis que l’autre – Arthur Malédiction de Barthélémy Grossmann – constitue surtout un drôle de chapitre final de la part de Luc Besson à l’univers qui lui avait plutôt porté chance depuis son propre Arthur et les Minimoys fin 2006.
Non, les deux cas particuliers tout à fait passionnants se trouvent tout en bas de ce Top 10 vaguement festif. En effet, le cinéma sud-coréen se porte toujours aussi bien en France, comme le démontre le démarrage très respectable du Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, Decision to Leave de Park Chan-wook. Puis, en guise d’anomalie suprême à la fois comme documentaire et en tant que sortie ponctuelle, Salam de Mélanie Diam’s, Houda Benyamina et Anne Cissé crée l’exploit avec près de cent mille spectateurs curieux de savoir ce qu’est devenue la rappeuse convertie. Un résultat d’autant plus impressionnant que le documentaire n’a bénéficié que de deux jours d’exploitation, vendredi 1er et samedi 2 juillet, avant que la Fête du cinéma n’ait réellement commencé !
Le classement français
Voici les principaux chiffres du Top 10 du box-office français entre le mercredi 29 juin et le mardi 5 juillet 2022 :
- Top Gun Maverick – distribué par Paramount Pictures France – 6ème semaine / + 20 % – 537 878 entrées / 4 793 703 cumul – 16 % part de marché
- Jurassic World Le Monde d’après – distribué par Universal Pictures International France – 4ème semaine / + 5 % – 478 742 entrées / 2 860 447 cumul – 14 % part de marché
- Buzz l’éclair – distribué par The Walt Disney Company France – 2ème semaine / – 4 % – 464 409 entrées / 947 124 cumul – 14 % part de marché
- Irréductible – distribué par SND – Nouveauté – 425 981 entrées / 461 635 cumul – 13 % part de marché
- Elvis – distribué par Warner Bros. France – 2ème semaine / – 9 % – 311 924 entrées / 655 520 cumul – 9 % part de marché
6. La Traversée – distribué par Metropolitan Filmexport – Nouveauté – 189 578 entrées cumulées – 6 % part de marché
7. Black Phone – distribué par Universal Pictures International France – 2ème semaine / – 2 % – 133 668 entrées / 270 007 cumul – 4 % part de marché
8. Arthur Malédiction – distribué par Apollo Films – Nouveauté – 121 393 entrées cumulées – 4 % part de marché
9. Decision to leave – distribué par Bac Films – Nouveauté – 103 303 entrées cumulées – 3 % part de marché
10. Salam – distribué par Pan Distribution – Nouveauté – 90 096 entrées cumulées – 3 % part de marché
Le marché américain
Ce week-end outre-Atlantique, c’était aussi la fête. Le jour férié de la fête d’indépendance, qui, tombant un lundi, a permis aux multiplexes américains de faire le plein de spectateurs. De loin le plus grand profiteur de ce week-end à pont était le film d’animation Les Minions 2 Il était une fois Gru, distribué avec quelques jours d’avance sur sa sortie française hier. A tel point que les petits farceurs jaunes se classent en tête des meilleurs démarrages pour ces jours autour du 4 juillet !
Grâce à leurs 123 millions de dollars récoltés au lundi soir, ils dépassent allègrement les 115 millions de dollars respectifs de Spider-man 2 de Sam Raimi en 2004 et de Transformers 3 La Face cachée de la lune de Michael Bay en 2011. Tout cela sans prendre en compte l’inflation des prix du ticket de cinéma intervenue depuis. Dans le domaine de l’animation, cette suite des Minions de 2015 fait de même bien mieux que le troisième Moi moche et méchant et ses 99 millions de dollars en 2017.
Ailleurs dans le classement américain, les grandes tendances remarquées vers chez nous se confirment. A savoir que l’équipe de pilotes menée par Tom Cruise n’est pas prêt d’atterrir, que Elvis Presley se maintient tant bien que mal là où il a réellement marqué les esprits et la culture populaire et que Buzz l’éclair, en baisse de 64 % et désormais en dehors du Top 5 à la sixième place, ferait mieux de rejoindre sa bande de copains Toy Story.
En termes de moyenne par copie, c’est la comédie familiale Fourth of July de Louis C.K. qui s’impose, rapportant 218 000 $ sur seulement deux écrans. Plutôt un retour en grâce pour le comique, mis au ban de la communauté artistique américaine en 2017 suite à des accusations d’exhibitionnisme, avec ces chiffres prometteurs, comparables à ceux de films aussi respectés que Le Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee et Uncut Gems des frères Safdie, toutefois sortis sur deux fois plus d’écrans. En tout cas, c’est le genre de démarrage dont le thriller de John Michael McDonagh The Forgiven avec Ralph Fiennes et Jessica Chastain avec ses mille dollars en moyenne à la 17ème place ne peut que rêver. Sans même mentionner les près de six-cents misérables dollars en moyenne pour la comédie romantique d’époque Mr. Malcolm’s List de Emma Holly Jones avec Freida Pinto à la septième place.
Le classement américain
Voici les principaux chiffres du Top 5 du box-office américain pour le week-end se terminant le dimanche 3 juillet 2022 :
- Les Minions 2 Il était une fois Gru – distribué par Universal Pictures – Nouveauté – 107 010 140 $ cumulés
- Top Gun Maverick – distribué par Paramount Pictures – 6ème semaine / – 12 % – 25 887 192 $ / 564 362 559 $ cumul
- Elvis – distribué par Warner Bros. – 2ème semaine / – 40 % – 18 452 612 $ / 66 772 623 $ cumul
- Jurassic World Le Monde d’après – distribué par Universal Pictures – 4ème semaine / – 38 % – 16 368 380 $ / 332 533 315 $ cumul
- Black Phone – distribué par Universal Pictures – 2ème semaine / – 48 % – 12 245 265 $ / 47 409 590 $ cumul