Le marché français
Avant que la Fête du cinéma ne vienne remplir les caisses des exploitants, le box-office français de cette dernière semaine complète du mois de juin, le numéro 26 allant du 22 au 28 juin, reste pour le moins en demi-teinte. On est certes loin des profondeurs abyssales dans lesquelles les chiffres de la fréquentation s’étaient engouffrés au cours des mois précédents. Mais avec un cumul hebdomadaire sensiblement en dessous des deux millions et demi de spectateurs, l’embellie post-crise sanitaire se fait encore et toujours attendre. D’un point de vue statistique, ces dernières semaines les chiffres gravitent donc sans gloire autour de la fréquentation moyenne, à distance infranchissable des sommets que le cinéma a su atteindre dans les années 2000 et 2010.
Seul signe d’un retour à la normale : la prédominance des sorties américaines, peu nombreuses, quoique quasiment toutes plébiscitées par le public français en ce début d’été. Par conséquent, la part de marché des productions nationales se voit considérablement réduite, à seulement 14 %, contre une moyenne de 40 % depuis le début de l’année. Malgré la présence de trois films français dans le Top 10, ceux-ci peinent visiblement à mobiliser les foules. Espérons qu’il en sera autrement au cours de la semaine à venir, menée tant bien que mal par la nouvelle comédie de Jérôme Commandeur, Irréductible.
Les nouveautés
Avec cinq nouveautés et cinq films à l’affiche depuis un moment, on ne peut guère dire que le classement manque de sang neuf. Sauf qu’aucune de ces nouvelles sorties n’a réussi à s’imposer réellement. A l’image du champion entrant aux pieds de plastique, qui ne ravit la place suprême à la nouvelle épopée des dinosaures que grâce à la prise en compte de ses avant-premières. Sinon, ce pauvre Buzz l’éclair des studios Pixar aurait accompli un démarrage aussi décevant que celui du côté du marché américain la semaine précédente, où il n’était arrivé que deuxième, près de dix millions de dollars en dessous de … Jurassic World Le Monde d’après de Colin Trevorrow. Les vacances scolaires à portée de main lui permettront sans doute d’engranger entre deux et trois millions d’entrées en fin de course. Ce qui reste malgré tout modeste pour cette jeune pousse de l’écurie Toy Story !
Le départ en fanfare rock’n’roll du nouveau spectacle signé Baz Luhrmann nous inspire déjà un peu plus confiance. Au vu de son sujet assez typiquement américain, la biographie filmique de Elvis Presley a l’air de globalement trouver son public dans l’Hexagone. A voir si elle saura se maintenir sur la durée, comme avait pu le faire le film précédent du réalisateur, Gatsby le magnifique, dont le prestige de l’ouverture du Festival de Cannes en 2013 l’avait vu démarrer avec plus du double de spectateurs par rapport à cet Elvis encore légèrement plus long. Enfin, la troisième grosse sortie américaine de la semaine reste à distance, les moins de 150 000 entrées en début de course de Black Phone de Scott Derrickson ne devant certainement pas lui permettre de flirter avec le million, comme les productions Blumhouse les plus populaires.
En fin de compte, le bon patron espagnol a fait mieux que l’homme parfait français. Cela ne s’est joué qu’à moins de deux mille tickets vendus, soit. Mais dans l’ensemble, et El buen patron de Fernando Leon De Aranoa, et L’Homme parfait de Xavier Durringer peuvent s’estimer heureux de figurer dans le classement des meilleures entrées de la semaine. Ce qui n’était finalement le cas ni de la nouvelle comédie sociale de Michel Leclerc Les Goûts et les couleurs, ni de la version allemande de l’homme robot I’m your Man de Maria Schrader. Après, aucun des réalisateurs des deux films les mieux classés n’est habitué à des succès commerciaux inespérés. Une donne qui ne devrait nullement changer avec leurs derniers films.
Les films en continuation
Impossible pour nous de rattraper toutes les histoires plus ou moins belles qui se sont passées du côté de la fréquentation de nos chères salles obscures au cours de notre parenthèse de près de cinq mois sans chronique du box-office ! Toujours est-il que le marché de l’exploitation continue de souffrir des changements de pratique causés par la crise sanitaire.
La preuve flagrante cette semaine, avec trois grosses productions hollywoodiennes qui se portent comme un charme, la quasi-stabilité de Top Gun Maverick de Joseph Kosinski en cinquième semaine relevant de l’exploit ! De même, Jurassic World Le Monde d’après fait sereinement le boulot, en route pour probablement quatre millions de spectateurs en fin de course. Sans oublier le doyen du classement, Doctor Strange In the Multiverse of Madness de Sam Raimi, qui n’ira peut-être pas aussi loin, mais qui a su rester assez longtemps à l’affiche pour profiter pleinement de la Fête du cinéma.
Et puis, il y a deux productions françaises qui bataillent courageusement pour le maintien. Le cinéma de Quentin Dupieux a depuis toujours été une question de goût. Toutefois, le fait que son neuvième long-métrage Incroyable mais vrai enregistre la plus forte baisse du classement ne laisse rien augurer de bon. De même pour Champagne ! de Nicolas Vanier, un réalisateur qui accuse de plein fouet le contre-coup de la crise sanitaire, puisque ses cinq films du monde d’avant, entre Le Dernier trappeur en 2004 et Donne-moi des ailes en 2019, avaient tous franchi la barre du million d’entrées. Quant au week-end arrosé entre potes, il aura du mal à se trainer jusqu’aux trois-cents mille spectateurs, une fois que toutes les bouteilles seront débouchées.
Le classement français
Voici les principaux chiffres du Top 10 du box-office français entre le mercredi 22 et le mardi 28 juin 2022 :
- Buzz l’éclair – distribué par The Walt Disney Company France – Nouveauté – 482 715 entrées cumulées – 20 % part de marché
- Jurassic World Le Monde d’après – distribué par Universal Pictures International France – 3ème semaine / – 28 % – 454 672 entrées / 2 381 705 cumul – 19 % part de marché
- Top Gun Maverick – distribué par Paramount Pictures France – 5ème semaine / – 5 % – 448 946 entrées / 4 255 825 cumul – 18 % part de marché
- Elvis – distribué par Warner Bros. France – Nouveauté – 343 596 entrées cumulées – 14 % part de marché
- Black Phone – distribué par Universal Pictures International France – Nouveauté – 136 339 entrées cumulées – 6 % part de marché
6. Incroyable mais vrai – distribué par Diaphana Distribution – 2ème semaine / – 41 % – 78 854 entrées / 212 184 cumul – 3 % part de marché
7. El buen patron – distribué par Paname Distribution – Nouveauté – 57 333 entrées cumulées – 2 % part de marché
8. L’Homme parfait – distribué par UGC – Nouveauté – 55 577 entrées cumulées – 2 % part de marché
9. Doctor Strange In the Multiverse of Madness – distribué par The Walt Disney Company France – 8ème semaine / – 23 % – 49 885 entrées / 3 166 981 cumul – 2 % part de marché
10. Champagne ! – distribué par SND – 3ème semaine / – 31 % – 47 335 entrées / 236 017 cumul – 2 % part de marché
Le marché américain
Autre continent, mêmes constat et combat. Aux États-Unis, la machine ronronnante des dollars est, elle aussi, passablement grippée. Car là aussi, la lutte pour la première place s’est faite dans un mouchoir de poche. C’est finalement Elvis qui l’emporte. Logique, si l’on considère le statut d’icône intemporelle que le chanteur et acteur a su préserver outre-Atlantique. Pourtant, le film précédent de Luhrmann s’était également imposé avec plus de panache au mois de mai 2013, grâce à ses plus de cinquante millions de dollars, devenus près de 145 millions à la fin de l’été. Le sort de ce film-ci ne sera sans doute pas aussi brillant. En tout cas, preuve supplémentaire de la mainmise du cinéma hollywoodien sur certains marchés étrangers, ce sont exactement les mêmes cinq films qui occupent – en ordre dispersé – le Top 5 à la fois aux États-Unis et chez nous.
Parmi les films qui continuent de faire du bénéfice pur après quelques semaines à l’affiche, signalons les bonnes performances de Top Gun Maverick, encore lui, désormais au-dessus du demi-milliard de dollars, de Jurassic World Le Monde d’après au-delà des trois-cents millions, ainsi que légèrement plus bas dans le classement, à la sixième place, Doctor Strange In the Multiverse of Madness. Que de la redondance par rapport aux observations françaises, en somme !
Enfin, c’est assez rare pour le signaler, l’agenda des ressorties est presque identique puisque Le Charme discret de la bourgeoise de Luis Buñuel, à l’affiche en France depuis hier, vient de revoir de même la lumière des projecteurs dans une seule salle outre-Atlantique. De quoi se classer à la 31ème place avec, surtout, une moyenne par copie de plus de six mille dollars, pas si loin de celle de Jurassic World Le Monde d’après qui reste, lui, dans une exposition saturée sur plus de quatre mille écrans.
Le classement américain
Voici les principaux chiffres du Top 5 du box-office américain pour le week-end se terminant le dimanche 26 juin 2022 :
- Elvis – distribué par Warner Bros. – Nouveauté – 31 211 579 $ cumulés
- Top Gun Maverick – distribué par Paramount Pictures – 5ème semaine / – 33 % – 29 614 139 $ / 520 836 963 $ cumul
- Jurassic World Le Monde d’après – distribué par Universal Pictures – 3ème semaine / – 54 % – 26 729 510 $ / 303 065 330 $ cumul
- Black Phone – distribué par Universal Pictures – Nouveauté – 23 633 220 $ cumulés
- Buzz l’éclair – distribué par Walt Disney Studios – 2ème semaine / – 64 % – 18 158 565 $ / 89 259 822 $ cumul