Le box-office français monte tout doucement en puissance. En cette semaine 29, allant du 15 au 21 juillet, on est encore loin, très, très loin même d’un inversement de tendance. Ponctuée de la fermeture temporaire en cascade de salles n’atteignant pas un semblant d’équilibre financier depuis le déconfinement, la morosité ambiante n’est ainsi pas prête à céder la place à une normalité plus rassurante. De surcroît, les chiffres de la fréquentation de cette semaine risquent d’opérer en trompe-l’œil, en raison de la sortie anticipée le mardi 14 juillet de la plupart des films faisant leur entrée dans le Top 10. Or, cette première journée d’exploitation sous le signe du jour férié national nous a tout l’air d’avoir été comptabilisée en tant qu’avant-première dans le cumul de la première semaine à l’affiche. Quoiqu’il en soit, grâce à ses près de 1 170 000 entrées cumulées, cette semaine est la première depuis la réouverture des salles au mois de juin à se hisser au dessus du million de tickets vendus. Un « exploit » à la mesure de cette époque, qui n’invite guère à l’optimisme pour l’instant.
Si votre cœur masochiste vous en dit de regarder le comparatif entre cette semaine de juillet et la même période en 2019, vous constaterez que les indicateurs s’enfoncent de plus en plus irrémédiablement dans le rouge. Avec ses moins de 77 % en moyenne entre les salles parisiennes et celles dans toute la France, notre cher pays est en bonne voie de dégringoler au même niveau préoccupant que ses voisins européens. Dans ce contexte tétanisé, le seul fil rouge d’un espoir extrêmement mince reste la part de marché des productions françaises, désormais à 64 % ! Sauf que cette hégémonie des films nationaux est, elle aussi, cruellement faussée. Car chaque jour ou presque, les grands studios américains repoussent la date de sortie initialement pressentie de leurs blockbusters, qui auraient dû tirer la saison de l’été 2020 vers le haut.
Avec cinq nouveaux films dans le Top 10, on pourrait croire à un vent de renouveau, attendu depuis si longtemps. En effet, les films avec une vingtaine de semaines d’exploitation à leur compteur virtuel vont tôt ou tard disparaître du classement. Cependant, le fait que chaque nouveau champion, issu du genre globalement populaire de la comédie, plafonne à environ un quart de million de spectateurs pour sa première semaine en dit long sur l’état exsangue du marché. Après Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi et John Wax la semaine dernière, c’est donc Divorce club de Michaël Youn qui enthousiasme passablement les foules. Il est suivi un peu plus loin par le coup de cœur des cinémas art & essai Été 85 de François Ozon – à titre de comparaison, le film précédent du réalisateur Grâce à dieu avait démarré à deux fois plus d’entrées en février 2019 – et la comédie fantastique L’Aventure des Marguerite de Pierre Coré.
Le film d’animation danois Mon ninja et moi de Anders Matthesen et Thorbjörn Christoffersen montre que les films ciblés jeune public sont peut-être les seuls à tirer leur épingle de ce jeu de sorties truqué par l’épidémie mondiale. A ce sujet, il est tout à fait possible que Scooby ! de Tony Cervone se place en tête à partir de la semaine prochaine, sa baisse très mesurée et l’absence de nouveautés vigoureuses lui devant porter chance. La Voix du succès de Nisha Ganatra ne devrait point connaître pareille remontée spectaculaire. Sa dixième place prédestine davantage cette rare sortie américaine – merci Universal, qui persiste cette semaine-ci avec The King of Staten Island de Judd Apatow, aux abonnés absents dans le Top 10 du week-end – à une disparition pure et simple de l’affiche au bout des deux semaines de séances obligatoires.
Parmi les films en continuation, en dehors des aventures canines citées plus haut, aucun ne résiste raisonnablement à la petite vague de nouveautés. Avec des baisses de 40 % ou plus, les trois anciens porteurs d’espoir du cinéma français, Tout simplement noir, Les Parfums de Grégory Magne et La Bonne épouse de Martin Provost, montrent tristement à quel point la fréquentation cinématographique reste plus que jamais fragile.
Voici les principaux chiffres du Top 10 du box-office français entre le mercredi 15 et le mardi 21 juillet 2020 :
- Divorce club – distribué par SND – Nouveauté – 242 669 entrées cumulées – 21 % part de marché
- Scooby ! – distribué par Warner Bros. France – 2ème semaine / – 20 % – 152 384 entrées / 343 607 cumul – 13 % part de marché
- Tout simplement noir – distribué par Gaumont – 2ème semaine / – 40 % – 152 152 entrées / 407 689 cumul – 13 % part de marché
- Été 85 – distribué par Diaphana Distribution – Nouveauté – 137 684 entrées cumulées – 12 % part de marché
- L’Aventure des Marguerite – distribué par Pathé – Nouveauté – 85 675 entrées cumulées – 7 % part de marché
6. Mon ninja et moi – distribué par Alba Films – Nouveauté – 58 314 entrées cumulées – 5 % part de marché
7. Les Parfums – distribué par Pyramide Distribution – 3ème semaine / – 40 % – 36 482 entrées / 217 929 cumul – 3 % part de marché
8. En avant – distribué par The Walt Disney Company France – 20ème semaine / – 37 % – 33 728 entrées / 856 467 cumul – 3 % part de marché
9. La Bonne épouse – distribué par Memento Films – 19ème semaine / – 47 % – 32 186 entrées / 600 658 cumul – 3 % part de marché
10. La Voix du succès – distribué par Universal Pictures France – Nouveauté – 22 418 entrées cumulées – 2 % part de marché