Le marché français
Le box-office français demeure dans un état de torpeur pas vraiment catastrophique en cette semaine 3, allant du 12 au 18 janvier. Semaine après semaine, peu importe les films à l’affiche on dirait, le public cinéphile tente de garder ses salles obscures chéries à flot, grâce à un cumul hebdomadaire n’évoluant que peu, entre deux millions et deux millions et demi de tickets vendus. Est-ce suffisant pour garder au moins en vie la branche de l’exploitation cinématographique, si durement touchée par la pandémie du coronavirus depuis près de deux ans ? Les calculs financiers devraient en effet être hardis ces prochaines semaines pour les patrons des salles, toujours privés jusqu’à la mi-février au moins de la vente si lucrative de friandises. Avec chaque nouvelle annonce gouvernementale, l’activité sous perfusion des cinémas en France se prolonge donc, sans que l’on ne voie pour l’instant le bout du tunnel.
Tiens, et si l’on faisait preuve d’un peu d’optimisme en ce début d’année 2022, d’ores et déjà éprouvée par la vague du variant Omicron ? Au lieu de se morfondre en de drôles de jérémiades financières, il conviendrait plutôt de se souvenir qu’il y a un an, les portes des salles de cinéma étaient fermement barricadées, pour ne rouvrir que quatre longs mois plus tard. Estimons-nous donc heureux qu’on a au moins la possibilité de se faire une toile, peut-être pas en toute liberté, quoique de façon richement fournie, grâce à la persévérance des vaillants distributeurs français ! Ces derniers ne s’occupent certes pas exclusivement de productions françaises. Mais les films nationaux tirent une fois de plus leur épingle du jeu de l’exode de la concurrence américaine vers les plateformes en ligne, avec une belle part de marché de 45 %.
Les nouveautés
Ce ne serait nullement exagéré d’écrire que les nouveautés de la deuxième semaine cinéma de ce mois de janvier assez terne n’ont point enthousiasmé le public français. Il y en a trois qui ont trouvé leur place dans le classement, soit. Mais dans l’ensemble, la léthargie des chiffres ne risque pas trop d’être perturbée par ces titres-là. Au moins, c’est un film français qui s’impose, après avoir joué au cache-cache avec la concurrence américaine à chaque nouvelle étape de pointage. De là à prédire au drame historique sur l’Occupation Adieu Monsieur Haffmann le même avenir radieux qu’au deux films précédents de Fred Cavayé, Radin ! avec Dany Boon et Le Jeu, tous les deux millionnaires, c’est un pas que nous ne franchirons certainement pas.
L’écart entre l’affrontement en huis-clos entre Daniel Auteuil et Gilles Lellouche et le redémarrage de l’univers Scream, six ans et demi après la disparition de son créateur Wes Craven, s’était donc creusé au fil des jours. Ce qui ne laisse augurer rien de bien folichon pour cet hommage détourné, imaginé par Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, les réalisateurs de Wedding Nightmare. Malgré la participation de la bande éprouvée au cours des épisodes précédents, David Arquette, Neve Campbell et Courteney Cox, il sera difficile pour cette opération mercantile d’atteindre le million de spectateurs terrorisés, contrairement à ses quatre prédécesseurs.
En termes de cinéma national engagé, le conte sur la misère sociale vécue de première main par Juliette Binoche, Ouistreham de Emmanuel Carrère, s’en sort sensiblement mieux que Placés de Nessim Chikhaoui, qui a fait son démarrage en dehors du Top 10. En comparaison, la comédie édifiante de jeunes sauve pourtant les apparences, contrairement à Cher Evan Hansen de Stephen Chbosky, aussi peu populaire vers chez nous que lors de son démarrage américain en septembre dernier.
Les films en continuation
Cinq semaines de règne sans partage : comment ne pas rester hautement admiratif face à l’exploit de Spider-man No Way Home de Jon Watts, malgré et surtout à cause du contexte sanitaire tendu ?! Combien de temps faudra-t-il attendre avant de croiser à nouveau dans nos salles un tel phénomène, qui nous paraît bien parti pour finir son parcours spectaculaire au dessus des sept millions d’entrées en France ? Pas des mois, voire des années, on l’espère. La longévité des troisièmes aventures de Tom Holland dans la peau de Spider-man en tête du classement résulte au moins en partie de la faiblesse de la concurrence. Et puisque de futurs prétendants au trône se font plutôt rares dans les semaines à venir, il n’est pas hors de question que l’épopée de super-héros y reste encore pour un petit moment.
Un film que nous ne retrouverons plus, en toute probabilité, la semaine prochaine dans cette chronique, c’est le Disney de Noël Encanto La Fantastique famille Madrigal de Jared Bush et Byron Howard. Rien d’anormal à cela, puisque les décorations des fêtes ont désormais disparu des derniers foyers retardataires et que le film d’animation a plus que raisonnablement rempli son contrat, en cumulant bien plus de deux millions et demi de spectateurs familiaux. Un résultat des plus honorables … si l’on ne le compare pas au mastodonte aux pouvoirs d’araignée.
Seuls deux rescapés sont à signaler parmi les sorties de la semaine précédente. Ni En attendant Bojangles de Régis Roinsard et son histoire d’amour tortueuse entre Virginie Efira et Romain Duris, ni Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, un maître de cinéma dont les chefs-d’œuvre restent réservés aux cinéphiles avisés, n’ont réellement trouvé leur public. Par conséquent, parions que nous ne les retrouverons pas non plus ici la semaine prochaine.
Le classement français
Voici les principaux chiffres du Top 10 du box-office français entre le mercredi 12 et le mardi 18 janvier 2022 :
- Spider-man No Way Home – distribué par Sony Pictures Releasing France – 5ème semaine / – 40 % – 310 286 entrées / 6 444 355 cumul – 14 % part de marché
- Adieu Monsieur Haffmann – distribué par Pathé – Nouveauté – 261 930 entrées cumulées – 12 % part de marché
- Scream – distribué par Paramount Pictures France – Nouveauté – 212 555 entrées cumulées – 10 % part de marché
- Tous en scène 2 – distribué par Universal Pictures International France – 4ème semaine / – 33 % – 145 018 entrées / 2 147 464 cumul – 7 % part de marché
- The King’s Man Première mission – distribué par The Walt Disney Company France – 3ème semaine / – 35 % – 131 293 entrées / 670 114 cumul – 6 % part de marché
6. Ouistreham – distribué par Memento Distribution – Nouveauté – 126 975 entrées cumulées – 6 % part de marché
7. En attendant Bojangles – distribué par Studiocanal – 2ème semaine / – 45 % – 125 509 entrées / 353 985 cumul – 6 % part de marché
8. Licorice Pizza – distribué par Universal Pictures International France – 2ème semaine / – 36 % – 75 170 entrées / 192 041 cumul – 3 % part de marché
9. Encanto La Fantastique famille Madrigal – distribué par The Walt Disney Company France – 8ème semaine / – 24 % – 71 194 entrées / 2 601 773 cumul – 3 % part de marché
10. Matrix Resurrections – distribué par Warner Bros. France – 4ème semaine / – 49 % – 61 990 entrées / 919 226 cumul – 3 % part de marché
Le marché américain
Aux États-Unis, la situation épidémique n’est guère plus rassurante qu’en Europe et en France. Les Américains avaient alors beau célébrer le jour férié Martin Luther King le week-end dernier, les chiffres de fréquentation des multiplexes sont restés, eux aussi, en demi-teinte. Là-bas, ce sont les frayeurs de la bande de Scream qui ont remporté la mise, à une période de l’année pas nécessairement propice aux films de genre. D’ailleurs, il n’y a rien de foncièrement anormal à ce que le public américain déserte les salles aux mois de janvier et de février, traditionnellement considérés comme une décharge de films invendables, entre les fêtes de fin d’année et la saison estivale des blockbusters. Même si cette dernière commence de plus en plus tôt, la pandémie n’a pas encore complètement changé la donne commerciale outre-Atlantique.
Le cinquième film de l’univers Scream arrive donc en tête. Son démarrage n’est évidemment sans commune mesure avec le premier à Noël 1996, alors à six millions de dollars pour finir tout juste au-dessus de cent millions de dollars. Il serait plus équitable de le comparer à celui du quatrième épisode en avril 2011, à dix-huit millions de dollars juste avant Pâques avant de s’écrouler misérablement au fil des semaines et terminer sa course meurtrière à moins de quarante millions de dollars. Bref, la résurrection de l’un des masques les plus célèbres de l’Histoire du cinéma a d’ores et déjà fait l’affaire de ses producteurs. Jusqu’où ces jeux machiavéliques devant et derrière la caméra iront-ils ? Sans doute pas très loin.
Bientôt sept millions de spectateurs sur le marché français, c’est une excellente performance. Ce que Spider-man No Way Home a réussi dans les salles américaines est par contre encore plus impressionnant. Avec ses plus de 700 millions de dollars cumulés au moment où nous écrivons ces lignes, il se classe désormais à la quatrième place des plus gros succès commerciaux de l’Histoire du cinéma ! Ainsi, il vient de dépasser les 700 millions de dollars rapportés par son confrère super-héros Black Panther de Ryan Coogler en 2018. Et il a les 760 millions de dollars de Avatar de James Cameron, générés en trois dimensions entre 2009 et 2010, en ligne de mire. Sa course triomphale devrait toutefois s’arrêter là, à une troisième place hautement honorable.
Du côté du classement en prix de tickets ajustés, il a déjà atteint la 32ème place, entre le James Bond Opération Tonnerre de Terence Young sorti en 1965 et Black Panther.
Le classement américain
Voici les principaux chiffres du Top 5 du box-office américain pour le week-end se terminant le dimanche 16 janvier 2022 :
- Scream – distribué par Paramount Pictures – Nouveauté – 30 018 805 $ cumulés
- Spider-man No Way Home – distribué par Sony Pictures Entertainment – 5ème semaine / – 38 % – 20 094 245 $ / 698 018 319 $ cumul
- Tous en scène 2 – distribué par Universal Pictures – 4ème semaine / – 31 % – 7 984 795 $ / 119 073 650 $ cumul
- 355 – distribué par Universal Pictures – 2ème semaine / – 50 % – 2 275 820 $ / 8 353 325 $ cumul
- The King’s Man Première mission – distribué par 20th Century Studios – 4ème semaine / – 31 % – 2 216 035 $ / 28 580 649 $ cumul