Critique : La Femme en ciment

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La Femme en ciment

Etats-Unis, 1968
Titre original : Lady in cement
Réalisateur : Gordon Douglas
Scénario : Marvin H. Albert et Jack Guss
Acteurs : Frank Sinatra, Raquel Welch, Richard Conte, Dan Blocker
Distribution : 20th Century Fox
Durée : 1h34
Genre : Policier
Date de sortie : 28 février 1969

Note : 3/5

Frank Sinatra, l’icône du divertissement à l’américaine du 20ème siècle, n’a jamais vraiment su égaler au cinéma le succès qu’il a remporté dans le domaine musical. Après les années 1940 avec ses films en arrière-plan des chansons de variété à l’origine de son statut de vedette incontestable et la décennie suivante sous le signe d’une ambition dramatique plus marquée, quoique plus mitigée en termes de consécration sans équivoque, les années ’60 marquaient le début de la fin de l’ère du nom de Sinatra en haut de l’affiche. Alors que sa bande du Rat Pack était plus ou moins dissoute à ce moment-là, le chanteur tentait de se réinventer en tant que privé très cool, au style de vie douteux, mais au cœur en or. Ce personnage nullement iconoclaste était au cœur de plusieurs histoires, dont La Femme en ciment, un film de genre taillé sur mesure pour son acteur principal. Ce qui indique à la fois les qualités et les limitations d’un récit qui se veut moderne, mais qui – près de cinquante ans plus tard – laisse surtout apparaître les dissonances entre la fiction et la réalité sociale : d’un côté, la vieille école à laquelle appartenait Sinatra, de l’autre, un état d’esprit en révolte contre la philosophie réactionnaire, qui s’y exprime encore sur le ton d’un humour pas particulièrement subtil.

Synopsis : Le détective privé Tony Rome est parti sur son yacht au large des côtes de Miami, afin d’explorer en compagnie d’un ami policier une flottille de bateaux espagnols qui y aurait péri au 16ème siècle. Mais au lieu du trésor escompté, il n’y trouve que quelques requins peu accueillants, ainsi que le cadavre d’une femme blonde, les pieds scellés dans du ciment. Afin de résoudre le crime, l’inspecteur de la criminelle Santini compte sur son ami Rome. Ce dernier développe pourtant un intérêt plus personnel dans l’affaire, quand il est engagé par le mystérieux Waldo Gronsky pour rechercher une certaine Sandra, une danseuse de boîte de nuit disparue depuis quelques jours. Son enquête le mène jusqu’à la belle héritière Kit Forrest et à son voisin intimidant, l’ancien caïd Al Mungar.

Les vices et les vertus des années 1960

Le monde dans lequel se déroulent les aventures assez sages de Tony Rome colporte une répartition presque archaïque des rôles. Tandis que les hommes détiennent le pouvoir et mènent l’action, les femmes ne leur servent qu’à se rincer l’œil, voire à effectuer docilement les tâches les plus ingrates, comme dans le cas de l’épouse du gardien de bateau. Comme si cette attitude globale marquée par un machisme primaire ne suffisait pas, quelques personnages homosexuels font également leur apparition. Leur statut de folle efféminée et peureuse constitue davantage un testament tristounet de la représentation des minorités dans le cinéma hollywoodien que le reflet des mouvements contestataires et fiers qui n’allaient pas tarder à mettre en question le statu quo répressif en la matière. De même, l’inclusion d’un personnage travesti, qui n’est en fait que l’ami policier de Rome en train de mener son enquête dans le milieu des cinémas pornos, ne sert ici que de prétexte rance pour quelques blagues graveleuses. Heureusement, les apparitions savamment dosées de Raquel Welch sauvent à peu près la mise. Son personnage d’une héritière alcoolique n’est pas tout à fait une femme fatale classique, mais pas non plus un simple faire-valoir de la gente masculine vieillissante.

Welch pétille, Sinatra grésille

Le jeu de séduction auquel Kit Forrest se livre avec le héros peut d’ailleurs dénoter moins, si l’on sait que Sinatra venait de divorcer à l’époque de Mia Farrow, de cinq ans plus jeune que sa partenaire dans le film. De toute façon, leurs ébats approximatifs servent principalement à épicer une intrigue aussi détendue que le flegme imperturbable de Tony Rome. Perdu quelque part au beau milieu entre la classe de James Bond, l’ironie de Derek Flint et le cynisme de Harry Callahan, ce détective débonnaire et constamment fauché n’avait sans doute pas la carrure nécessaire pour assurer à Frank Sinatra une fin de carrière confortable. Il n’empêche que, grâce à la mise en scène serviable de Gordon Douglas, cette intrigue aux nombreux revirements un peu mous se laisse regarder avec un certain plaisir, sans que l’on regrette outre mesure que sa vedette ait entamé à sa suite un cycle interminable de départs à la retraite. Maintes fois révoqués sur scène, ils ont été assez fermement respectés du côté des films, qui étaient alors au mieux des répliques anémiques de celui-ci.

Conclusion

A l’instar de la drôle de disposition spatiale sur laquelle s’ouvre et se termine le film, où l’on voit le personnage principal jouer aux cartes avec un invité à l’endroit le moins confortable de son bateau, coincé derrière une échelle qui sert aussi de support pour se relever, La Femme en ciment ne brille ni par sa vivacité, ni par son adresse. C’est néanmoins un film marqué par son temps, qui reste divertissant tant d’années plus tard, aussi grâce aux charmes complémentaires de ses deux têtes d’affiche : Frank Sinatra en bon vivant aguerri et Raquel Welch dans un emploi qui justifie amplement sa réputation de sex-symbol de la fin des années ’60 !

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