La Famille Bélier
France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Eric Lartigau
Scénario : Stanislas Carre de Malberg, Victoria Bedos, Eric Lartigau, Thomas Bidegain, d’après l’oeuvre de Victoria Bedos
Acteurs : Louane Emera, Karin Viard, François Damiens
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h45
Genre : Comédie
Date de sortie : 17 décembre 2014
Note : 3/5
Comment se faire entendre dans une famille de sourds-muets lorsque l’on est soi-même entendant et que l’on veut se lancer dans la musique ? Réponse avec cette comédie légère portée par les chansons de Michel Sardou et l’une des révélations de The Voice, Louane Emera.
Synopsis : Paula, seize ans, entendante, vit au sein d’une famille dont les autres membres (le père, la mère, le frère) sont sourds et muets. Elle est l’interprète de ses parents qui gèrent une modeste exploitation agricole et les accompagne dans leurs démarches administratives, commerciales et même médicales, jusqu’à une visite embarrassante chez le gynécologue. Un professeur de musique tombe sous le charme de sa voix et veut lui faire passer le concours de Radio France. Il devient alors temps pour elle de penser à son avenir et de s’éloigner de ses proches.
The Voice chez les sourds-muets
Le réalisateur Eric Lartigau (Prête-moi ta main) a trouvé sa jeune héroïne en allumant son poste de télévision. Dès le lendemain de son élimination en demi-finale de la saison 2 de The Voice, il proposait à la jeune Louane Emera, 15 ans à peine, ce rôle d’adolescente contrainte d’assumer d’importantes responsabilités. Cet engagement n’est pas anodin car très présente à l’écran, elle porte le récit. Malgré ses maladresses de débutante qui vont bien au personnage, elle fait preuve au minimum d’un grand sens de la concentration car elle parle et pratique la langue des signes en même temps, allant jusque dans une scène d’audition à doubler son interprétation vocale en langue des signes pour être comprise de ses proches. Sa romance avec un garçon de la chorale est esquissée superficiellement et alourde inutilement le récit. L’apprenrie comédienne fait partie de la liste des préfinalistes pour le César du meilleur espoir féminin, verdict pour la nomination le vendredi 28 janvier 2015 (voir news) mais ses chances sont limitées, la concurrence étant particulièrement élevée.
Les Bélier père et mère ne sont pas interprétés par de vrais sourds mais par Karin Viard et François Damiens qui ont répété pendant des mois pour trouver le ton juste dans leur interprétation corporelle. Si leur interprétation est irréprochable pour un non-initié à la langue des signes et s’il est plus facile de monter un projet avec des acteurs connus du public, il est regrettable que des comédiens sourds n’aient pas pu profiter de tels rôles qui leur sont rarement proposés. Au moins, c’est un vrai sourd, Luca Gelberg, qui tient le rôle du petit frère, en retrait et dont on retiendra une scène embarrassante d’allergie au latex avec sa partenaire Roxane Duran, remarquée pour ses apparitions dans Le Ruban Blanc et 17 filles et s’essaie à un nouveau registre pour elle, celui de la comédie et dans lequel elle se révèle à l’aise.
Michel Sardou, à la variété française ce que Mozart est à la musique classique
Eric Elmosnino est le principal second rôle du film : il est le chef de chorale aigri et cynique dont le soutien sera indispensable pour permettre à la jeune fille de s’émanciper. Pour lui, ‘quand tout va mal et qu’il n’y a plus d’espoir, il reste Michel Sardou qui est à la variété française ce que Mozart est à la musique classique’. La bande-son est ainsi strictement composée de son répertoire utilisé de façon ironique mais aussi émouvante, comme dans la séquence où le père peut enfin entendre la voix de sa fille en posant la main sur son cœur.
Ce récit d’initiation, ou pour reprendre les paroles de chansons de Sardou, cet envol du nid ‘en chantant’ est aussi léger et attachant qu’une chanson de bal populaire et en possède les mêmes limites, avec une mise en scène pour le moins effacée. Le sentimentalisme est parfois trop appuyé malgré l’humour qui dédramatise une surdité qui n’est que rarement un sujet de cinéma et encore moins dans une comédie qui n’évite pas quelques pointes de cruauté, venant par exemple des parents sourds-muets, lorsque la mère n’hésite pas à dire qu’avoir un enfant entendant pour des parents sourds et muets peut être une grande source d’angoisse ou dans le rapport avec un sourd-muet interprète qui les met mal à l’aise car son handicap est plus visible.
Résumé
Si cette comédie de fin d’année ne bouleverse pas les codes du cinéma, loin de là, elle devrait séduire les spectateurs en quête d’émotions simples et toucher tous les Sardouphiles. La dimension sociale et politique du sujet (le père se présente à une élection) est hélas évacuée en faveur du registre sentimental et d’un humour parfois facile, relevés par des acteurs au service de ce scénario aussi léger qu’une agréable chanson de variété.
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