Dans moins de deux semaines, les salles de cinéma rouvriront leurs portes en France. On le sait, c’est une étape du déconfinement avec laquelle on a peut-être trop tendance à vous importuner, chers visiteurs de notre site. Mais de chaque nouveau sevrage de séances de cinéma naît chez nous une anticipation encore plus grande des films à venir. Les premières programmations se mettent d’ores et déjà en place, alors que l’agenda des sorties n’a pas encore fini de bouger dans tous les sens. Parmi les premiers à fixer leurs doses de cinéphilie pour les spectateurs les plus impatients figure la Cinémathèque Française. Alors que la vénérable institution du côté de Bercy avait déjà dû adapter son calendrier au moment du couvre-feu, elle avance plutôt sagement avec les quatre cycles qu’elle proposera à partir du mardi 15 décembre jusqu’à début février 2021.
En effet, les réservations ouvriront dès demain sur le site de la Cinémathèque Française pour les séances jusqu’au 3 janvier. Puis, dans un deuxième temps dès le lundi 14 décembre, la vente sera accessible pour la billetterie jusqu’au 20 janvier. Ce mode opératoire progressif se retrouve également du côté des horaires des séances, donnés sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire à partir du 21 janvier.
Afin d’accompagner d’une manière toujours aussi ludique et pédagogique la projection des films de patrimoine dans ses trois salles, la Cinémathèque Française poursuit son activité en termes d’expositions. Déjà empêchée au printemps par le premier confinement, celle dédiée au génie de la comédie à la française Louis De Funès reprendra de même dès le 15 décembre pour se terminer, espérons-le cette fois-ci définitivement, fin mai de l’année prochaine. Elle sera a priori accessible tous les jours de la semaine, à l’exception du vendredi 25 décembre.
La grande nouveauté de la saison est l’ouverture du Musée Méliès à partir du mercredi 13 janvier 2021. Ce lieu dédié à l’un des premiers génies du cinéma devrait être ouvert au moins pendant près d’un an, jusqu’à fin décembre ’21. Associant les collections exceptionnelles de la Cinémathèque Française et du CNC, il retracera le parcours hors pair de ce magicien des effets spéciaux, depuis ses débuts à Montreuil près de Paris jusqu’à Hollywood. Pour rappel, la carrière impressionnante de Georges Méliès (1861-1938) avait fait indirectement l’objet du film de Martin Scorsese Hugo Cabret, sorti en salles il y a neuf ans. Un programme de courts-métrages du maître viendra accompagner cette ouverture prestigieuse.
Pas de pitié pour la pauvre Elizabeth Taylor, dont la rétrospective prévue en rattrapage au mois de novembre sera tombée en quelque sorte une deuxième fois victime du coronavirus. Quant au coup de projecteur sur l’œuvre du réalisateur japonais Hiroshi Shimizu, il avait été reporté dès le mois d’octobre au printemps de l’année prochaine. Les programmateurs de la Cinémathèque Française ont donc dû partir de zéro avec quatre nouveaux cycles, consacrés respectivement aux réalisateurs Dino Risi, Alain Resnais et Richard Brooks, ainsi qu’au spectacle cinématographique sous sa forme la plus pure, projeté sur le grand écran de la salle Henri Langlois, en 70 mm si possible.
Dino Risi (1916-2008)
Le meilleur remède contre les temps moroses qu’on traverse, en plus en ce début d’hiver conforme à sa médiocrité météorologique, c’est le rire. Tant mieux alors que c’est l’un des plus grands réalisateurs de la comédie à l’italienne qui sera mis à l’honneur rue de Bercy dès la mi-décembre. Or, comme Risi le disait lui-même, il serait injuste de réduire son ample filmographie à ce seul genre. Vous aurez donc l’occasion de vous faire votre propre opinion à partir d’une cinquantaine de longs-métrages et une douzaine de courts, à l’affiche jusqu’au 24 janvier ’21, pour la plupart même en double séance. L’éminent Bernard Benoliel donnera une conférence sur le travail du réalisateur le jeudi 17 décembre à 19h00 sous le titre « Monstres & cie. ».
Ces cinq dernières années, il n’y a sans doute pas eu de réalisateur italien mieux représenté parmi les ressorties restaurées en salles que Dino Risi. Ce sont pas moins de douze de ses films qui ont eu droit à une nouvelle vie au cinéma, depuis Pauvres mais beau en 2015 jusqu’à Le Sexe fou en août dernier. Ils seront bien entendu tous inclus dans la rétrospective de la Cinémathèque, dont les classiques Le Fanfaron et Les Monstres, tous deux avec l’acteur attitré de Risi, l’inimitable Vittorio Gassman. On pourra également y découvrir des films aussi variés que Pain amour ainsi soit-il avec Sophia Loren, L’Homme aux cent visages avec Gassman, Une poule un train et quelques monstres avec Nino Manfredi et Le Bon roi Dagobert avec Coluche.
En parallèle du cycle à la Cinémathèque, trois films de Dino Risi et avec Vittorio Gassman – forcément – ressortiront en salles en version restaurée le 16 décembre chez Les Acacias : L’Homme à la Ferrari, Au nom du peuple italien et Parfum de femme.
Plein les yeux ! Saison 4
Regarder un film chez soi en Blu-ray / SVOD ou bien le découvrir sur un immense écran de cinéma, cela n’a rien à voir ! Pour convaincre les esprits dubitatifs, la Cinémathèque Française organise pour la quatrième fois son cycle « Plein les yeux ! ». Ce qui est en fait un formidable prétexte pour montrer des films qui ont été conçus sans l’ombre d’un doute pour être projetés au cinéma, rien qu’au cinéma. Alors que les formats varient, heureusement, entre de bonnes vieilles copies argentiques et des restaurations numériques, le morceau de choix de cette programmation récurrente est le (très) long week-end des films en 70 mm, du mercredi 30 décembre au lundi 4 janvier.
On pourrait croire que ce format large de luxe soit tombé en désuétude. Il n’en est rien, comme le démontrent les huit films projetés. Surtout à la mode au début des années 1960, avec des films comme Spartacus de Stanley Kubrick, Le Jour le plus long de Ken Annakin, Andrew Marton et Bernhard Wicki et Lawrence d’Arabie de David Lean, il a fait des apparitions sporadiques dans les années ’80 dans le genre fantastique chez Ridley Scott (Legend), John Carpenter (Starman) et James Cameron (Aliens Le retour), voire légèrement plus tard chez Joel Schumacher (L’Expérience interdite). Enfin, il fallait un fanatique du cinéma comme Quentin Tarantino pour l’utiliser jusqu’à ce jour, à travers son Once Upon a Time in Hollywood, sorti l’année dernière.
Alain Resnais (1922-2014)
On aime beaucoup les films de Alain Resnais. En tout cas, la plupart de ceux qu’on a vus, qui ne sont finalement pas si nombreux que ça. Ou bien peut-être que si. Bref, on a grandement besoin d’une piqûre de rappel, à prendre dans le 12ème arrondissement de Paris pendant un mois, à partir du jeudi 7 janvier. A nous donc les Hiroshima mon amour, L’Année dernière à Marienbad, Muriel ou le temps d’un retour, Providence, Mon oncle d’Amérique, I want to go home et ainsi de suite. Cela pourrait aussi être l’occasion de réévaluer ses derniers films, de Smoking / No smoking jusqu’à Aimer boire et chanter, dont l’aspect théâtral nous avait toujours un peu déconcerté. Ainsi que de faire la découverte de ses nombreux courts-métrages, d’abord amateurs au milieu des années ’40, puis plus professionnels.
Le maître n’est plus de ce monde depuis près de sept ans. Sa bande pour ainsi dire est par contre encore particulièrement active. Ses acteurs attitrés sont prévus de venir à la Cinémathèque, toujours sous réserve de la dégradation du contexte sanitaire. Fanny Ardant devrait présenter La Vie est un roman à la séance du samedi 9 janvier à 14h00. Et Sabine Azéma, Pierre Arditi et André Dussollier se prêteront au dialogue autour de la projection de Mélo le lendemain à 17h00.
Richard Brooks (1912-1992)
Ce réalisateur américain n’est hélas pas vénéré par la communauté des cinéphiles nostalgiques au même niveau que certains de ses contemporains. Il est pourtant responsable de quelques films majeurs du cinéma hollywoodien des années 1950 et ’60. A condition d’habiter en région parisienne, vous aurez la possibilité de vous en assurer par le biais des 24 longs-métrages qu’il a réalisés entre Cas de conscience avec Cary Grant en 1950 et La Fièvre du jeu avec Ryan O’Neal en 1985. Entre-temps, il avait donné des rôles en or entre autres à Glenn Ford et Sidney Poitier (Graine de violence), Elizabeth Taylor et Paul Newman (La Chatte sur un toit brûlant), Burt Lancaster (Elmer Gantry Le charlatan et Les Professionnels) et Geraldine Page (Doux oiseau de jeunesse). Le tout sera à voir, toujours en deux séances par film, du 14 janvier au 17 février 2021.
Avant de devenir un réalisateur à la fois redouté et redoutable, Richard Brooks était scénariste. Deux de ses films en cette capacité complètent la rétrospective, les classiques Feux croisés de Edward Dmytryk et Les Démons de la liberté de Jules Dassin. Puis, deux conversations avec Patrick Brion viendront enrichir encore un peu plus le cycle, lors des séances de La Dernière chasse le samedi 30 janvier à 14h30 et une semaine plus tard de Bas les masques.