C’est déjà le printemps à la Cinémathèque Française et c’est surtout la fête, puisque la 5ème édition de Toute la mémoire du monde, le festival international du film restauré, s’y déroule depuis hier et hors les murs, à la Fondation Jérôme Seydoux, à l’Action Christine, à la Filmothèque du Quartier latin et au Méliès de Montreuil. Jusqu’au 5 mars, les Gremlins seront donc lâchés (cf. la bande-annonce du festival en fin d’article), puisque le réalisateur américain Joe Dante (*1946) sera présent en tant que parrain du festival, pour présenter entre autres une nuit Joe Dante samedi 4 mars à partir de 23h00. Plus tôt le même jour, il donnera une masterclass animée par le directeur de la programmation de la Cinémathèque Jean-François Rauger à l’issue de la projection de The Second Civil War à 14h00. L’invité d’honneur du festival est cette année le réalisateur américain Wes Anderson (*1969), qui donnera lui aussi une masterclass, le 3 mars à 18h00, animée par le directeur général de la Cinémathèque Frédéric Bonnaud et le critique Nicolas Saada, et qui aura droit à une carte blanche comprenant entre autres David Golder de Julien Duvivier et Le Souffle au cœur de Louis Malle et dont quatre films seront montrés : Rushmore, A bord du Darjeeling Limited, Fantastic Mr. Fox et The Grand Budapest Hotel. Des mini-rétrospectives thématiques seront dédiées au format Cinémascope, au studio éphémère des années 1910 de la Triangle fondée par David Wark Griffith, Thomas Ince et Mack Sennett, à l’acteur finlandais des années 1930 et ’40 Valentin Vaala, aux mélodrames soviétiques issus du Gosfilmofond et aux films noirs britanniques. Enfin, le morceau de résistance du festival constitue bien sûr un large choix de vingt-cinq restaurations et incunables, dont La Dame du vendredi de Howard Hawks, Le Grand silence de Sergio Corbucci, Le Lion en hiver de Anthony Harvey, Retour à Howards End de James Ivory et Zombie de George A. Romero dans sa version européenne, initialement montée par Dario Argento et dont la restauration a été supervisée par Nicolas Winding Refn.
Une fois que la tempête de boulimie cinématographique du festival sera passée, les films de Joe Dante restent encore à l’affiche à la Cinémathèque Française pendant tout le mois de mars. Ce sera donc l’occasion rêvée pour les fans de films de genre enjoués de se replonger dans ses films les plus connus, comme Gremlins et sa suite avec Zach Galligan et L’Aventure intérieure avec Dennis Quaid, ses débuts derrière la caméra avec Piranhas, Hurlements et La Quatrième dimension ou bien ses films cultes et autres curiosités tels que Explorers, Les Banlieusards, Panique sur Florida Beach et Small soldiers. Seront également proposés quatre programmes regroupant ses nombreuses réalisations pour la télévision.
Le chef opérateur iranien Darius Khondji (*1955) sera à l’honneur pendant trois semaines à la Cinémathèque, du 15 mars au 7 avril pour être précis. Alors que le champion de la pellicule argentique sera présent respectivement le 18 et le 23 mars pour un dialogue avec les réalisateurs Philippe Parreno et F.J. Ossang autour de leurs films Zidane Un portrait du XXème siècle et Le Trésor des îles Chiennes, la rétrospective permettra également de redécouvrir les trésors visuels de ses collaborations avec des réalisateurs célèbres comme Jean-Pierre Jeunet (Délicatessen, La Cité des enfants perdus et Alien La résurrection), Bernardo Bertolucci (Beauté volée), David Fincher (Seven), Roman Polanski (La Neuvième porte), Danny Boyle (La Plage), Michael Haneke (Funny Games U.S. et Amour), Wong Kar-wai (My Blueberry Nights), Woody Allen (Minuit à Paris et L’Homme irrationnel) et James Gray (The Immigrant).
Un peu moins de temps sera consacré une semaine plus tard à la filmographie de la réalisatrice américaine Dorothy Arzner (1897-1979). Organisée en partenariat avec le Festival International de Films de Femmes de Créteil, cette rétrospective permettra de repérer à travers treize longs-métrages le regard subtilement féministe de cette femme qui œuvrait alors quasiment seule dans un système des studios aux mains des hommes. Parmi les vedettes féminines qu’elle a mises en scène, on compte Clara Bow (Il faut que tu m’épouses et Les Endiablés), Claudette Colbert (Honor among lovers), Katharine Hepburn (Le Phalène d’argent), Joan Crawford (L’Inconnue du palace) et Maureen O’Hara (Chantez dansez mes belles).
Après l’instauration l’année dernière de sa carte de fidélité dédiée aux familles, la Cinémathèque Française s’ouvre encore un peu plus au public familial avec sa grande exposition du printemps, Mômes et Cie, qui se déroulera au cinquième étage de l’American Center de Bercy de fin mars jusqu’à fin juillet. Accompagnée de nombreuses manifestations annexes, comme un cahier d’activités pour les enfants à partir de six ans, des ateliers de création et des stages pendant les vacances, l’exposition ne déclenche pas pour l’instant une réplique cinématographique accrue, à l’exception de l’habituelle programmation jeune public et d’une intégrale des films du réalisateur Michel Ocelot (*1943) dont Kirikou et la sorcière et le récent Ivan Tsarévitch et la Princesse changeante. Une collection inspirée de l’œuvre de Michel Ocelot, comportant des mugs, des badges, des yoyos lumineux, etc. sera d’ailleurs en vente à la librairie de la Cinémathèque.
Le directeur général de la Cinémathèque Française Frédéric Bonnaud aime visiblement beaucoup les films du réalisateur français Jacques Becker (1906-1960), à qui il consacre la moitié de son édito en début du programme trimestriel. L’intégrale des treize films de Becker, père, pourra donc être découverte pendant le mois d’avril, pour la plupart en version numérique restaurée. Ce cycle, qui comprend des œuvres aussi emblématiques que Goupi mains rouges avec Fernand Ledoux, Antoine et Antoinette avec Roger Pigaut, Rendez-vous de juillet avec Daniel Gélin, Casque d’or avec Simone Signoret, Touchez pas au grisbi avec Jean Gabin et Le Trou avec Jean Kéraudy, sera ponctué de trois conférences par Valérie Vignaux de l’université François-Rabelais de Tours et spécialiste de Jacques Becker, les lundis 10 et 24 avril, ainsi que le mercredi 19 avril.
Les films du réalisateur français Alain Jessua (*1932) sont sensiblement plus confidentiels. On cherchera donc en vain une quelconque restauration numérique parmi ses dix long-métrages, qui forment l’œuvre parcimonieuse d’une vie. Ce qui ne signifie pas que Jessua aurait travaillé en marge du cinéma français, puisqu’il a tout de même fait tourner des vedettes comme Charles Denner (La Vie à l’envers), Jean-Pierre Cassel (Jeu de massacre), Alain Delon (Traitement de choc et Armaguedon), Gérard Depardieu (Les Chiens), Patrick Dewaere (Paradis pour tous), Jean Rochefort (Frankenstein 90) et Michel Serrault (En toute innocence). Depuis le début du siècle, il s’exerce surtout en tant qu’écrivain de romans d’anticipation, d’où une séance de signatures à la librairie de la Cinémathèque, le samedi 22 avril. Alain Jessua participera également à un dialogue avec le critique Bernard Payen le mercredi 19 avril lors de l’ouverture de la rétrospective.
A l’approche de la 70ème édition du Festival de Cannes, qui s’ouvrira le mercredi 17 mai prochain sous la présidence du réalisateur espagnol Pedro Almodovar, la Cinémathèque Française reviendra pendant un mois et en vingt-six films sur les scandales et controverses qui caractérisent au moins autant cet événement majeur du cinéma mondial que la montée des marches du palais. Au cœur de ces indignations aussi passagères que violentes furent soit le sexe (La Petite de Louis Malle, Sexe mensonges et vidéo de Steven Soderbergh, Crash de David Cronenberg et The Brown bunny de Vincent Gallo), soit la violence (Funny games de Michael Haneke et Irréversible de Gaspar Noé), à moins que le public cannois n’ait pas été réceptif au style (L’Avventura de Michelangelo Antonioni, Sous le soleil de satan de Maurice Pialat et Rosetta des frères Dardenne) ou au propos (La Grande bouffe de Marco Ferreri et Antichrist de Lars von Trier) des films sélectionnés et parfois primés. Seront également mis à l’honneur quelques films au parcours héroïque, comme L’Homme de marbre de Andrzej Wajda et Le Goût de la cerise de Abbas Kiarostami.
En plus de ce tour d’horizon cannois, comme le veut la tradition complété après les festivités sur la Croisette par la reprise de la Semaine de la critique en juin, le mois de mai sera placé à la Cinémathèque Française sous le signe du réalisateur français Jean Eustache (1938-1981). En dehors de son œuvre phare La Maman et la putain avec Jean-Pierre Léaud, le cycle comprendra les autres longs-métrages d’Eustache comme Mes petites amoureuses et Une sale histoire, ses courts-métrages et autres formats plus expérimentaux. L’édition de deux ouvrages sur Jean Eustache servira de prétexte aux deux conférences de cette rétrospective indispensable : un essai par Philippe Azoury qui paraîtra d’ici le mois d’avril chez Capricci, ainsi que le livre de Luc Béraud, édité conjointement par l’Institut Lumière de Lyon et Actes Sud, « Au travail avec Eustache ».
Le réalisateur géorgien Marlen Khoutsiev (*1925) a été un acteur privilégié du cinéma soviétique. Pendant trois semaines au mois de mai, la Cinémathèque Française explorera son œuvre épique et engagée, dont les films les plus connus sont J’ai vingt ans, Pluie de juillet, C’était le mois de mai et Infinitas. Le réalisateur nonagénaire devrait se rendre à Bercy le jeudi 11 mai pour une table ronde animée par l’historien du cinéma Bernard Eisenschitz, à laquelle participeront également le journaliste Boris Nelepo et le cinéaste Pierre Léon.
Enfin, parmi les cycles réguliers ou au contraire ponctuels, comme la poursuite de la rétrospective du producteur Pierre Chevalier ou du programme thématique sur l’année 1917, nous sommes particulièrement ravis de signaler la reprise de « L’Ecran japonais », à l’occasion de l’exposition annuelle des plus belles pièces japonaises de la collection du Musée du cinéma. Plus de soixante films seront ainsi projetés pendant les trois mois du programme printanier, dont ceux des maîtres anciens comme Akira Kurosawa (Les Sept samouraïs, Les Salauds dorment en paix et Rêves), Kenji Mizoguchi (Les Contes de la lune vague après la pluie et L’Impératrice Yang Kwei Fei), Yasujiro Ozu (Bonjour et Le Goût du saké), Mikio Naruse (Une femme dans la tourmente), Shohei Imamura (Profond désir des dieux et La Ballade de Narayama), Nagisa Oshima (Contes cruels de la jeunesse et L’Empire des sens) et le récemment disparu Seijun Suzuki (La Jeunesse de la bête et La Vie d’un tatoué), ainsi que de cinéastes plus contemporains tels que Kiyoshi Kurosawa (Charisma, Kaïro et Jellyfish) et Naomi Kawase (Suzaku, Shara et La Forêt de Mogari).