La Cinémathèque Française à l’été 2017

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Alors que le programme printanier est encore loin de s’être achevé à la Cinémathèque Française, nous trépidons déjà d’impatience face aux cycles qui rythmeront la saison d’été 2017 au 51 rue de Bercy, dont un aperçu est disponible depuis quelques jours sur le site de l’illustre institution et dont le programme détaillé sous format papier devrait atterrir prochainement dans les boîtes aux lettres des abonnés Libre pass et décorer le devant des comptoirs d’accueil à l’American Center. Notre anticipation s’explique à la fois par la qualité et la variété comme presque toujours irréprochables de la part des programmateurs et peut-être aussi un peu par l’appréhension de la rentrée et son exposition principale, connue depuis fin janvier, consacrée au dessinateur et père d’Astérix, Lucky Luke et cie René Goscinny, à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition. Nul doute que ce génie de la bande dessinée mérite tous les honneurs qu’on veut bien lui rendre, mais son lien direct avec le cinéma nous paraît néanmoins un peu trop ténu, voire mineur, pour justifier une telle célébration dans le temple parisien du Septième art …

En quelque sorte pour se faire pardonner en avance, la Cinémathèque Française entame très fort son programme des deux mois de l’été, avant la fermeture traditionnelle du mois d’août. Tout au long des mois de juin et juillet, chaque jour de programmation habituelle et donc hors le mardi, à 14h30 dans la salle somptueuse Henri Langlois seront projetés sous le titre fourre-tout « Révisons nos classiques » pas moins de 44 chefs-d’œuvre de l’Histoire du cinéma. Difficile d’opérer une quelconque sélection dans ce programme de luxe, où chaque œuvre correspond à un pilier incontournable de ce que le cinéma a de mieux à offrir ! On y trouve donc les maîtres incontestables de notre domaine de prédilection, par ordre alphabétique, car comment hiérarchiser la crème de la crème : Woody Allen (Manhattan), Michelangelo Antonioni (L’Eclipse), Ingmar Bergman (Persona), Luis Buñuel (Le Charme discret de la bourgeoisie), Robert Bresson (Un condamné à mort s’est échappé), Marcel Carné (Les Enfants du paradis), John Cassavetes (Une femme sous influence), Claude Chabrol (Les Cousins), Charles Chaplin (Les Lumières de la ville), Jean Cocteau (La Belle et la bête), Michael Curtiz (Casablanca), Vittorio De Sica (Voleur de bicyclette), Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg), Julien Duvivier (Pépé le Moko), Serguei M. Eisenstein (Le Cuirassé Potemkine), Rainer Werner Fassbinder (Le Mariage de Maria Braun), Federico Fellini (Huit et demi), Robert J. Flahery (Nanouk l’esquimau), Victor Fleming (Le Magicien d’Oz), John Ford (La Prisonnière du désert), Jean-Luc Godard (A bout de souffle), Jean Grémillon (Remorques), Howard Hawks (L’Impossible Monsieur Bébé), Alfred Hitchcock (Les 39 marches), Fritz Lang (M le maudit), Stanley Kubrick (Barry Lyndon), Joseph L. Mankiewicz (Eve), Jean-Pierre Melville (L’Armée des ombres), Vincente Minnelli (Un Américain à Paris), F.W. Murnau (Nosferatu le vampire et L’Aurore), Marcel Ophüls (Le Chagrin et la pitié), Georg Wilhelm Pabst (Loulou), Pier Paolo Pasolini (Théorème), Otto Preminger (Laura), Jean Renoir (La Règle du jeu), Roberto Rossellini (Rome ville ouverte), Martin Scorsese (Casino), Douglas Sirk (Ecrit sur du vent), Josef von Sternberg (L’Ange bleu), François Truffaut (Les 400 coups), Dziga Vertov (L’Homme à la caméra), Orson Welles (La Splendeur des Amberson) et Billy Wilder (La Garçonnière) ! De quoi se (re)faire aisément une culture de cinéma, tout en profitant de quelques heures de fraîcheur pendant la saison chaude !

Tout juste revenu de Cannes, où il aura concouru en compétition avec Rodin de Jacques Doillon, l’acteur français Vincent Lindon (*1959) aura droit à sept jours d’hommage intense à partir du mercredi 31 mai. Cette rétrospective express sera en effet soutenue de près par l’acteur, qui présentera chacun des quatorze films retenus et participera à des rencontres avec trois de ses réalisateurs attitrés : Alain Cavalier lors de l’ouverture du cycle, Stéphane Brizé le vendredi 2 juin et Benoît Jacquot le dimanche 4 juin. Seront projetés de ces trois cinéastes-là Pater de Cavalier, Mademoiselle Chambon, Quelques heures de printemps et La Loi du marché de Brizé et Le Septième ciel de Jacquot. Même si l’acteur avait fait ses premiers pas devant la caméra dès le début des années 1980, le coup de projecteur de la Cinémathèque Française ne commence qu’avec La Crise de Coline Serreau en 1992, suivi par Fred et Ma petite entreprise de Pierre Jolivet, La Moustache de Emmanuel Carrère, Pour elle de Fred Cavayé, Welcome de Philippe Lioret, La Permission de minuit de Delphine Gleize, Augustine de Alice Winocour, jusqu’à Les Salauds de Claire Denis. Dans sa carte blanche, Vincent Lindon a mis l’accent sur les prestations d’acteurs de légende tels que Michel Simon (Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir), Gary Cooper (Le Rebelle de King Vidor), Cary Grant (On murmure dans la ville de Joseph L. Mankiewicz), Jean Gabin (Voici le temps des assassins de Julien Duvivier), Dustin Hoffman et Meryl Streep (Kramer contre Kramer de Robert Benton) et Michel Piccoli (Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre).

Changement de registre et d’aisance dans le temps avec l’autre grande rétrospective du mois de juin, dédiée l’Anglais John Boorman (*1933) dont chaque film sera projeté deux fois. Le réalisateur octogénaire donnera une leçon de cinéma le samedi 3 juin. L’occasion rêvée de se replonger dans sa filmographie hétéroclite qui a su alterner entre un versant britannique et parfois irlandais (Sauve qui peut, Léo le dernier avec Marcello Mastroianni, Zardoz avec Sean Connery et Charlotte Rampling, Excalibur avec Nigel Terry et Helen Mirren, Hope and glory avec Sarah Miles, Le Général avec Brendan Gleeson, In my country avec Samuel L. Jackson et Juliette Binoche, The Tiger’s tail avec Gleeson et Kim Cattrall et Queen and country avec Callum Turner) et des films de genre très américains (Le Point de non-retour avec Lee Marvin qui ressortira en version restaurée le 7 juin, Duel dans le Pacifique avec Marvin et Toshiro Mifune, Délivrance avec Jon Voight et Burt Reynolds, L’Exorciste 2 L’Hérétique avec Linda Blair et Richard Burton, La Forêt d’émeraude avec Powers Boothe, Tout pour réussir avec Uma Thurman et Dabney Coleman, Rangoon avec Patricia Arquette et The Tailor of Panama avec Pierce Brosnan et Geoffrey Rush).

Le cinéma français de nos aînés est également mis à l’honneur pendant le mois de juin, même si les seize films du cycle « Cinéma français des années 1930 » sont exclusivement programmés dans la salle Jean Epstein, de taille modeste. Il ne s’agit pas ici de revisiter les classiques de cette période riche pour l’industrie du cinéma français, mais de faire un petit tour nullement exhaustif de quelques œuvres populaires. On a beau y croiser quelques noms qui allaient faire les beaux jours du cinéma commercial d’après-guerre comme Christian-Jaque et Richard Pottier, représentés respectivement par La Sonnette d’alarme et Ernest le rebelle avec Fernandel, ainsi que par Si j’étais le patron, voire de tomber sur des films mineurs de monstres sacrés comme Sacha Guitry (Pasteur), Jacques Feyder (Les Gens du voyage) et Marcel L’Herbier (Forfaiture avec Louis Jouvet), le but principal de la programmation consiste à plonger les spectateurs de la Cinémathèque Française dans une expérience cinématographique d’époque. Celle-ci est donc ponctuée de rencontres nostalgiques par écran interposé avec les vedettes d’antan, comme Arletty dans Enlevez-moi de Léonce Perret, Raimu dans Le Fauteuil 47 de Fernand Rivers ou encore Jean Gabin dans Paris-Béguin de Augusto Genina, de même que d’autres, qui n’attendent qu’à être (re)découvertes.

Comme le veut la tradition, une des répliques majeures de la sélection cannoise s’invite à la Cinémathèque Française du 7 au 14 juin. Pour le plus grand plaisir des cinéphiles parisiens, le programme de la 56ème Semaine de la Critique y sera intégralement repris. Cinq des onze longs-métrages sélectionnés sous l’œil attentif du délégué général Charles Tesson seront même projetés à deux reprises, ce qui vous prive par conséquent d’excuses pour ne pas partir à la découverte des premiers et deuxièmes films passionnants que sont Sicilian Ghost Story de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza, Téhéran Tabou de Ali Soozandeh, La Familia Gustavo de Rondon Cordova et Oh Lucy de Atsuko Hirayanagi. Sans oublier les films à passage unique, ainsi que trois programmes de courts-métrages, à l’affiche dans la salle Georges Franju samedi, dimanche et lundi en début de soirée.

Le réalisateur suédois Mauritz Stiller (1883-1928) était l’un des cinéastes les plus respectés de son pays, à l’origine de plus de quarante films et du mythe Greta Garbo. Hélas, le peu d’attention prêtée à l’époque à la préservation des films et la récupération de la plus mythique des actrices par la machine hollywoodienne aura au moins partiellement eu raison de l’héritage de l’un des fondateurs, aux côtés de Victor Sjöström, de l’école suédoise. Pendant la deuxième quinzaine du mois de juin, on pourra néanmoins admirer treize de ses films, parfois avec un accompagnement musical. Ses œuvres les plus connues, comme La Légende de Gösta Berling avec Greta Garbo, A travers les rapides et Le Trésor d’Arne, y côtoieront des films plus confidentiels, fraîchement restaurés en version numérique par le Svenska Filminstitutet comme Les Ailes et Le Chant de la fleur écarlate.

La pièce de résistance de ce programme estival est sans doute la rétrospective consacrée au réalisateur russe Andreï Tarkovski (1932-86). Non pas que ce dernier dispose d’une filmographie suffisamment abondante pour remplir plus que deux semaines de programmation, du 28 juin au 12 juillet. C’est plutôt que les manifestations en son honneur se bousculent en cette année, depuis l’édition de son journal tenu entre 1970 et ’86 ainsi que de ses récits de jeunesse aux éditions Philippe Rey au mois de février jusqu’à la ressortie en copie restaurée de cinq de ses films majeurs le 5 juillet et d’un coffret DVD par Potemkine, en passant par une intégrale au Festival de La Rochelle en parallèle de la rétrospective à la Cinémathèque Française. Cette dernière passe donc ses dix longs-métrages, des plus connus – L’Enfance d’Ivan, Andreï Roublev, Solaris, Le Miroir, Stalker, Nostalgia et Le Sacrifice – aux plus discrets – Il n’y aura pas de départ aujourd’hui et Le Rouleau compresseur et le violon. Le docteur en philosophie Michel Eltchaninoff tiendra le jeudi 6 juillet une conférence sous le titre « Andreï Tarkovski La Russie et le monde ».

Enfin, les trois cycles du mois de juillet renouent avec une conception plus viscérale du cinéma. A commencer par celui, thématique, qui revient sous le titre « Good cop, bad cop » sur les figures du policier dans le cinéma américain des années 1960 et ’70. En 31 films, vous pourrez alors observer la transformation du personnage emblématique du flic, devenu plus ambigu, tragique, voire maléfique au fil d’une évolution de la morale même du cinéma hollywoodien. Les agents de ce héroïsme en berne se nomment James Caan (Les Anges gardiens de Richard Rush), Louis Gossett Jr. (Bande de flics de Robert Aldrich), Steve McQueen (Bullitt de Peter Yates), Elliott Gould (Les Casseurs de gangs de Peter Hyams), Charles Bronson (Le Cercle noir de Michael Winner), Burt Reynolds (La Cité des dangers de Robert Aldrich), Frank Sinatra (Le Détective de Gordon Douglas), Walter Matthau (Le Flic ricanant de Stuart Rosenberg), George C. Scott (Les Flics ne dorment pas la nuit de Richard Fleischer), Gene Hackman (French connection de William Friedkin), Clint Eastwood (L’Inspecteur Harry de Don Siegel), Sidney Poitier (L’Organisation de Don Medford), Roy Scheider (Police Puissance 7 de Philip D’Antoni), Richard Widmark (Police sur la ville de Don Siegel), Paul Newman (Le Policeman de Daniel Petrie), Treat Williams (Le Prince de New York de Sidney Lumet), Al Pacino (Serpico de Sidney Lumet), John Wayne (Un silencieux au bout du canon de John Sturges) et Charlton Heston (Un tueur dans la foule de Larry Peerce). La chaîne arte s’associe au cycle en programmant une soirée autour de l’inspecteur Harry le lundi 3 juillet.

Pendant que les chefs-d’œuvre, les vrais, trustent encore l’écran gigantesque de la Salle Henri Langlois lors des premières séances, les soirées des vingt derniers jours de la saison 2016/17 y seront consacrées au cinéma plus grand que nature. Le directeur de la programmation Jean-François Rauger promet en effet de nous en mettre « Plein les yeux ! » avec sa sélection de seize films à grand spectacle. Y seront aussi bien représentés les péplums (Ben-Hur de William Wyler) que les films de guerre (La Canonnière du Yang-Tsé de Robert Wise, Apocalypse now de Francis Ford Coppola et La Chute du Faucon noir de Ridley Scott), les épopées historiques (Exodus de Otto Preminger, Lawrence d’Arabie de David Lean et Titanic de James Cameron) que les films fantastiques (Metropolis de Fritz Lang, Predator de John McTiernan, Matrix et Matrix reloaded des frères Wachowski), sans oublier bien sûr les comédies musicales (West Side Story de Jerome Robbins et Robert Wise et My Fair Lady de George Cukor).

Le réalisateur italien Vittorio Cottafavi (1914-1998) a au moins autant travaillé pour la télévision que pour le cinéma. La Cinémathèque Française a su dénicher pratiquement l’intégrale de ses longs-métrages, qui seront projetés pendant les trois dernières semaines du mois de juillet, le plus souvent en salle Jean Epstein. Un metteur en scène spécialisé dans le péplum, comme le démontrent Hercule à la conquête de l’Atlantide, Les Légions de Cléopâtre, Les Cent cavaliers, Messaline, La Révolte des gladiateurs, La Vengeance d’Hercule et Les Vierges de Rome, il s’était également intéressé au mélodrame : Une femme a tué, Femmes libres, Fille d’amour et Maria Zef. Le penchant prononcé pour la série B oblige, bon nombre de ses films ne pourront être montrés qu’en version française.

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