Critique : La Chèvre

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La Chèvre

France, Mexique, 1981
Titre original : –
Réalisateur : Francis Veber
Scénario : Francis Veber
Acteurs : Pierre Richard, Gérard Depardieu, Pedro Armendariz Jr.
Distribution : Gaumont
Durée : 1h34
Genre : Comédie
Date de sortie : 9 décembre 1981

Note : 3/5

La meilleure trouvaille des comédies françaises des années 1980, c’était peut-être d’associer les deux talents complémentaires de Pierre Richard et de Gérard Depardieu. Trois films peuvent en témoigner, dont La Chèvre était le premier et par ailleurs un tel succès commercial qu’il avait fini en tête du box-office annuel. L’humour de cette comédie d’aventure se nourrit essentiellement des chamailleries verbales et physiques entre les deux personnages principaux, tandis que la mise en scène de Francis Veber n’égale jamais totalement l’exubérance du scénario, clairement plus inspiré. Le réalisateur y exploite certes en long et en large le mythe du souffre-douleur, sur lequel il allait construire toute sa réputation, mais en même temps sa narration n’a pas grand-chose à offrir, si ce n’est de laisser libre cours à l’alternance jubilatoire des joutes entre deux comédiens au meilleur de leur forme.

Synopsis : Marie, la fille très malchanceuse du PDG Bens, a été enlevée pendant ses vacances au Mexique. Son père avait immédiatement dépêché le détective privé Campana sur place, qui revient bredouille au bout de six semaines. Le psychologue de l’entreprise a alors une idée farfelue : et si l’on envoyait une personne aussi maladroite que Marie en Amérique latine, qui retrouverait presque malgré elle la trace de la disparue. Son choix tombe sur le comptable François Perrin, un malchanceux invétéré, qui accepte avec enthousiasme la mission. Son supérieur lui fait croire qu’il soit en charge de l’enquête et que Campana fasse simplement office d’assistant. Avant même que les deux hommes n’aient embarqué dans l’avion pour leur destination exotique, les emmerdes commencent.

François Perrin – François Pignon, même combat

Pendant les trente ans de sa carrière de réalisateur, qui l’ont vu tituber de plébiscite en plébiscite, Francis Veber n’a au fond créé que des variations d’une seule et unique histoire. Celle-ci consiste en la rencontre improbable entre deux stéréotypes de personnages comiques, avec d’un côté un homme qui pense tout maîtriser, et de l’autre son opposé absolu, une catastrophe ambulante en la personne d’un gaffeur incorrigible, qui – comble de l’ironie – se rend à peine compte du chaos qu’il sème dans son sillage. Ce dispositif, Veber l’étudiait avant même de devenir réalisateur, quand il écrivait encore des scénarios brillants comme celui de L’Emmerdeur pour des cinéastes plus accomplis que lui, tel Edouard Molinaro. Il suffit d’ailleurs de comparer l’original de 1973, un divertissement de haut vol comme le cinéma français en a rarement vu, à son remake navrant entrepris par Veber lui-même trente-cinq ans plus tard pour se rendre compte à quel point son style filmique est pesant. Le plus grand défaut de La Chèvre nous paraît par conséquent sa narration un brin trop engourdie pour se montrer à la hauteur de la vivacité du canevas comique.

Une chance sur deux

Heureusement que l’interprétation rattrape amplement le cas de cette comédie, qui aurait sinon sérieusement couru le risque de mal vieillir. Dès que les deux compères apparaissent ensemble à l’écran, il s’installe ainsi une sorte de connivence épicée qui ne cesse de produire des étincelles. Le génie de ce duel des caractères antagonistes réside alors dans la finesse du trait avec laquelle et Pierre Richard, et Gérard Depardieu campent respectivement leur personnage. Les revirements tendancieux qui ponctuent l’intrigue auraient pu leur donner une licence excessive au cabotinage. Il n’en est rien, grâce à l’inconscience angélique de François Perrin et à l’énervement mi-viril, mi-sensible de son acolyte. Ces personnages sont en fait les deux faces d’une même médaille de l’imperfection masculine, ce que le scénario ne manque pas de sous-entendre par le transfert progressif de la malchance, qui s’abat aussi temporairement sur Campana. Ce qui ne veut pas dire que les deux acteurs opèrent sur la même fréquence de la comédie loufoque. Leur complémentarité fait leur force au sein d’un film, qui s’appuie presque abusivement sur cette camaraderie des contraires, faute d’autres points d’attrait notables.

Conclusion

Nous avons retrouvé avec un certain plaisir cette comédie, qui va tourner en boucle à la Cinémathèque Française l’année prochaine puisque ses deux vedettes y feront l’objet de rétrospectives. En plus de confirmer l’immense talent de ses têtes d’affiche, La Chèvre démontre cependant aussi à quel point Francis Veber est un meilleur scénariste que réalisateur. Sa narration assez empotée n’y a heureusement pas raison d’une histoire plutôt légère, dont la valeur caricaturale est largement relativisée par la sincérité des interprétations.

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