Derrière ce jeu de mots douteux se cache une volonté d’évoquer le cinéma de genre français, en se basant sur un florilège de films. Le terme cinéma de genre est vaste puisqu’il s’agit de tous les genres sauf le drame et la comédie en fait. On vous l’accorde, ça n’a pas beaucoup de sens! Et encore, il peut y avoir des drames et des comédies qui rentrent dans le cadre de cette appellation, vous voyez donc un peu le bordel que c’est! Par conséquent, si on décidait de se lancer dans un décryptage de la totalité de ces oeuvres, on y serait encore à Noël. Nous allons donc uniquement présenter dix neuf films d’horreur-épouvante français déclinés en sous-genres (survival, slasher, films de zombies/mutants et fantastique horrifique) sortis durant ces dix dernières années. Pourquoi sont-ils boycottés? Ont-ils une image trop négative? Pourquoi les budgets et le nombre de copies ne sont-ils pas toujours en adéquation? Les autres pays bénéficient-ils d’une aura spéciale? Maisoùestdoncornicar? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre tout en présentant nos avis sur de ces longs métrages. Attention, chérie, ça va trancher chérie!!
*Pas cher et le sang
Le cinéma horrifique français a eu plusieurs représentants depuis les débuts du cinéma (Georges Franju, Jean Rollin, Alain Robak, Julien Duvivier ou encore Francis Leroi) et a commencé à former un échantillon important de longs-métrages, à partir du début des années 2000. Le fantastique a plutôt inspiré la comédie nanardesque entre les années 1980 et 1990 (L’âme soeur de Jean-Marie Bigard et Les Charlots contre Dracula de Jean-Pierre Desagnat, quand la nullité devient un plaisir coupable jouissif). Elle se targuait de mêler deux genres différents pour, finalement, massacrer les deux sans vergogne mais avec une telle envie sincère, que ça nous toucherait presque.
Donc, c’est en 2000 que le genre est réellement relancé avec Promenons-nous dans les bois de Lionel Delplanque qui est, à l’heure d’aujourd’hui, le plus gros succès dans le domaine (800 000 entrées). Avec un budget de 3 millions d’euros et un casting de têtes connues (Clément Sibony, Clotilde Courau, François Berléand, Michel Muller, Marie Trintignant et Denis Lavant), le public a voulu donner sa chance à ce film qui a même remporté le prix du meilleur film fantastique au festival de Sitgès. Or, force est de constater que le film convainc moins que Sixième sens de M.Night Shyamalan ou Le Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez qui sont devenus, a contrario, des films cultes. Mais le succès en salles permet aux producteurs Marc Missonnier et Olivier Delbosc de multiplier les projets similaires. Un jeu d’enfants de Laurent Tuel sort en 2001 et passe inaperçu en salles (232 000 entrées), malgré un budget plutôt égal au précédent. Bloody Mallory, quant à lui, se vautre littéralement avec 30 000 billets vendus.
Enfin, Maléfique d’Eric Valette sort en 2003 et marque la dernière incursion dans le genre orchestrée par le duo de producteurs. Or, depuis Promenons-nous dans les bois, le budget a largement diminué (1 million d’euros pour le métrage de Valette) comme si le public et les distributeurs avaient déjà abdiqué au bout de trois films. Comme si la médiocrité des trois premiers avait eu raison du quatrième, sans vraiment lui donner sa chance avec un budget et un groupement de salles ridicules. Mais, le film est fort d’un petit succès d’estime (100 000 entrées), boosté par une critique globalement enthousiaste et un prix du jury au festival fantastique de Gérardmer.
D’ailleurs, heureusement que ce genre de manifestation cinématographique existe afin que ces films aient une visibilité et que certains fassent la différence, par leur réussite indiscutable. Certains de ces films ont été projetés à Cannes (A l’intérieur de Julien Maury et Alexandre Bustillo, La Meute de Franck Richard; par exemple) mais les programmateurs ont la superbe idée de les présenter en séance spéciale qui, par son appellation et sa diffusion nocturne, proscrit ce cinéma. Depuis, le cinéma d’horreur français ne dépasse pas les 4 millions d’euros de budget à part à de rares occasions. Celles-ci sont d’ailleurs des hybrides de comédie et d’horreur : Atomik Circus-Le retour de James Bataille de Thierry et Didier Poiraud (16 millions d’euros), Les Dents de la nuit de Vincent Lobelle et Stephen Cafiero (6,2 millions d’euros) ou Hellphone (7,4 millions d’euros) de James Huth.
Les producteurs acceptent l’horreur lorsqu’il y a un casting plus prestigieux que la moyenne des autres films d’horreur français, qu’il y a un aspect comique qui peut rassurer le public, que le réalisateur est à l’origine d’un énorme succès (James Huth avec Brice de Nice en 2005) et donnent donc l’argent en conséquence. Or, ces films se sont plantés comme les autres (238 578 entrées pour le premier, 80 000 pour le second et à peine 300 000 pour le troisième), sûrement en raison de leurs mauvaises périodes de sorties et ce, malgré de bonnes combinaisons de salles qui les diffusaient. Mais, au final, surtout parce que le public ne va pas voir les films d’horreur français, avec ou sans ingrédients comiques Alors, lorsque les distributeurs sont frileux, les producteurs font ce qu’ils peuvent et que le public ne suit pas, que fait-on? Eh bien, on se bat contre vents et marées (Dès que le vent soufflera!) pour affirmer la légitimité de ce genre cinématographique dans notre pays malgré une production inégale.
*Résistance
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, Promenons-nous dans les bois est le seul véritable succès du cinéma horrifique hexagonal. Un chiffre quelque peu inexplicable au vu du résultat. En effet, on s’en fout de cette histoire, des personnages puisqu’on sait dès le départ qu’il y a quelque chose d’inquiétant. Une interprétation approximative des comédiens et un scénario beaucoup trop attendu pour intriguer, nous achève. Lionel Delplanque est un bon réalisateur technique et d’ailleurs, il adore le montrer, ce qui finit par lasser et nous n’avons donc plus rien à nous mettre sous la dent (de loup).
Il faut donc attendre 2003 pour voir un bon film d’horreur français. Il s’agit d’ailleurs d’horreur horrifique pour être plus précis, eh oui Jamy! En effet, Maléfique mêle habilement le fantastique pur (découverte d’un livre basé sur la magie noire) et des scènes sanglantes. Valette sait parfaitement instaurer une ambiance à la fois poisseuse, pesante et prenante. Choisissant de situer son action dans une cellule de prison, il exploite au maximum son langage cinématographique afin de rendre compte de l’enfermement. Ce n’est pas toujours d’une subtilité absolue (il fait très beau à l’extérieur mais c’est moche et sombre à l’intérieur, par exemple) mais c’est terriblement efficace, parfaitement interprété, sachant toujours être inventif et faisant preuve d’une réelle maitrise des effets spéciaux malgré un budget minime.
Un mois plus tard sort Haute tension d’Alexandre Aja qui, depuis, est le seul de nos réalisateurs locaux à avoir vraiment percé aux Etats-Unis. Son premier bébé est également une belle réussite, nerveuse, passionnée et a parfaitement digéré ses influences, en sachant se les approprier sans les dénaturer. De plus, il sait donner au public ce qu’il est venu chercher en foutant réellement les jetons (contrairement à Promenons-nous dans… la merde!!!!!!). Malheureusement, il a voulu mettre en place une véritable surprise scénaristique à la fin (ce qu’oublient trop souvent les réalisateurs d’horreur français) qui est trop visible dès le début avec les premiers plans et cette réplique: « J’ai rêvé que quelqu’un me poursuivait et j’avais l’impression que c’était moi-même ». Comme un gosse trop pressé d’ouvrir ses cadeaux de Noël, Aja se grille tout seul et enlève tout effet d’étonnement, ce qui est un peu dommage.
Enfin, en 2004, le réalisateur belge Fabrice du Welz réalise son premier long-métrage coproduit avec la France et le Luxembourg, Calvaire. Il s’agit, selon nous, du film d’horreur français (survival Jamy!) le plus réussi. Sublimes photographie, montage, cadrage qui témoignent d’un véritable amour au cinéma, toujours logiques et calculés. De plus, il possède des références totalement transcendées, une peinture noire de l’humanité qui colle au sujet, un formidable casting de gueules et surtout, un film qui ne fait jamais cheap (comme le film de tonton Valette) malgré un manque d’argent (1 700 000 euros). Ce film sait également faire accepter son univers aux spectateurs sans artifices, simplement en déployant une palette émotionnelle riche, en rapport avec le changement de comportement des personnages.
A partir de 2007 s’ensuivent des films soit totalement ratés, soit partiellement réussis. Frontière(s) de Xavier Gens n’est qu’un film ridicule, qui se prend au sérieux, avec un casting raté (Estelle Lefébure est déjà mauvaise dans la pub Mixa, alors là…), un humour involontaire et une ambiance qui n’est jamais inquiétante ou intéressante. Aligner des scènes gores en pensant que cela sera mis sur le compte des références et d’une passion pour le septième art ne suffit pas, surtout quand cela ne se voit pas.
Même constat pour Martyrs de Pascal Laugier qui, après Saint Ange (plastiquement très réussi, captivant et intriguant mais lourdingue scénaristiquement parlant) en 2004 réalise une oeuvre soignée visuellement et qui défouraille dans sa première demi-heure mais qui se prend trop vite au sérieux. Malgré de bons comédiens, une photographie papier glacé réussie, une atmosphère flippante au début, le long-métrage se vautre par la suite. Se regardant trop le nombril, le réalisateur essaye d’apporter trop de profondeur, qui se révèle vaine et prétentieuse. Tout cela pour justifier des scènes hardcore, pour se donner bonne conscience.
Tout le contraire d’A l’intérieur de Julien Maury et Alexandre Bustillo qui a le mérite d’aller au bout des choses, sans se prendre la tête, avec un scénario minimaliste. Avec ses défauts, le film va proposer un spectacle sanglant jusqu’au-boutiste au public, avec rage et une conviction totale. Leur deuxième projet, Livide, est beaucoup plus mal interprété, avec des dialogues involontairement drôles et des références à la culture bretonne incompréhensibles si on ne connait pas (on pourra toujours contacter Nolwenn Leroy pour lui demander). Mais, comme dans leur précédent film, ils distillent un véritable suspense et se permettent même un travail visuel bluffant, mêlé à un vrai sens de la peur primale qui leur réussit plutôt bien depuis A l’intérieur (mêmes qualités mais défauts beaucoup plus visibles pour leur dernier en date, Aux yeux des vivants).
Vertige d’Abel Ferry, même si il commence comme une sitcom française (Hélène, les garçons et les montagnes) se redresse rapidement. Il sait parfaitement utiliser ses décors pour des scènes de tension alpines purement impressionnantes, gérer son budget afin de proposer des effets spéciaux peu nombreux mais réussis, en sachant transcender le scénario de commande qu’il avait entre les mains, jusqu’à un final nerveux et tendu.
La Meute de Franck Richard est un ovni, entre cinéma belge déjanté et film de créatures à la Carpenter. C’est foutraque, Benjamin Biolay représente le degré zéro de l’interprétation et ce mélange ne provoque jamais la peur ou l’interrogation mais plutôt la passivité. Il reste cependant des répliques qui valent le détour, des maquillages soignés et une envie sincère de proposer une autre alternative.
La Horde de Yannick Dahan et Benjamin Rocher souffre de défauts critiqués parfois par le taulier Dahan dans ses émissions. En effet, certains acteurs sont mauvais, les références geek sont trop visibles, la postproduction est parfois discutable (faible budget oblige!). Néanmoins, il s’agit d’un pur plaisir jouissif qui ne prend jamais le public pour un con et qui, avec trois francs six sous, fait oublier ses défauts. Un film qui ne veut jamais péter plus haut que son cul et réunit tout ce que l’on attend d’un film de zombies. Rien que pour la scène du flic qui tue 300 zombies sur un capot de bagnole, ça vaut le détour. Quand on voit ce qu’ont fait les américains avec la purge et le foutage de gueule qu’est World War Z, on est bien contents qu’un de nos films les coiffe au poteau par tant de rage, de sincérité et de compréhension du genre.
Comme vous avez pu le remarquer et si vous savez compter, il reste quatre films. Nous ne sommes pas des fainéants mais nous ne voulons pas faire trop long non plus (nous avons pitié du lecteur). On en profitera juste pour dire que Captifs et La Traque valent le coup d’oeil. Mutants, un battement de cils. Et, que Humains est tellement drôle sans le vouloir, totalement à côté de la plaque et raté en tous points, qu’il deviendra sans doute un nanar culte qu’on regardera en fin de soirée (oui, parce qu’il ne faut pas déconner non plus!). Enfin, Sheitan est un délire de potes , un pot pourri d’idées, une comédie vaguement trash, mal filmée, mal jouée et qui reflète une envie de cinéma trop collective pour être maitrisée. Heureusement, il y a Vincent Cassel et quelques bonnes idées surgissent de temps en temps mais c’est mince.
*Et après…
Face à ce désintéressement pour le genre en France, plusieurs réalisateurs ont migré aux Etats-Unis. Malheureusement, ils n’ont pas tous eu la même chance qu’Alexandre Aja car ils ont été privés de leur liberté. Le fils d’Alexandre Arcady est l’exception qui confirme la règle puisqu’il a toujours pu imposer ses choix en réalisant des films personnels, qui n’étaient pas dictés par les lois des producteurs américains (à part peut-être pour Mirrors). Laugier a réalisé The secret en 2011 et c’était plutôt réussi même si les retournements de situations étaient un trop mécaniques et répétitifs. Mais, la liberté est moins importante car on sent que les producteurs avaient la main mise sur le projet, plus que le réalisateur lui-même. Kim Chapiron est également un cas isolé puisqu’en réalisant Dog Pound en 2010 (très belle réussite au demeurant, quatre ans après Sheitan), il a pu faire un film brut de décoffrage, qui prend aux tripes, avec des acteurs inconnus et un budget de 5 millions d’euros. En revanche, le duo Xavier Palud et David Moreau ont réalisé un remake de The eye (après Ils en 2006 que nous n’avons pas vu non plus; quand on vous disait que nous n’étions pas parfaits) et Eric Valette avec Hybrid en 2008, n’ont eu aucune liberté sur leurs oeuvres qui ressemblent plutôt à des films de producteurs.
Donc, soit tu vends ton âme au diable, soit tu te bats pour rester dans un système qui te permets de faire comme tu veux, comme en France. Tu peux aussi choisir de ne pas avoir un budget immense et de devoir composer avec mais, au moins, tu as une (quasi) totale emprise sur ton projet. Et puis c’est bon signe, puisque tu te fais un nom ce qui est une des seules récompenses pour avoir fait un film d’horreur en France. Le bouche à oreille, la diffusion à l’étranger et dans divers festivals, permettent de faire un film aux Etats-Unis mais cela a un prix et certains l’ont payé cher. Du coup, on se retrouve avec des réalisateurs qui se dirigent vers la comédie et le polar grand public, de commande de préférence (sinon, ça ne serait pas drôle!). On se retrouve donc avec 20 ans d’écart réalisé par David Moreau (une rom com sans intérêt, sauvée du naufrage par Pierre Niney et Blanche Gardin), A l’aveugle par Xavier Palud ou encore A toute épreuve (comédie très moyenne sauvée par certaines idées de réalisation et un soin apporté à l’image, comme pour son premier opus) par Antoine Blossier, réalisateur de La Traque. Ils veulent faire du cinéma à n’importe quel prix et oublient leurs envies premières pour faire des films sans personnalité, sans envie, destiné à un public qui vient voir un produit, des acteurs, mais s’en fout du réalisateur et de son point de vue. Voilà le triste constat d’un cinéma d’horreur made in France qui dépose les armes. Seule une poignée d’irréductibles résistent encore et toujours à l’envahisseur, mais pendant combien de temps encore? Les chiffres et les distributions dans les salles, parlent d’eux-mêmes et même si certains films sortent du lot, ils ne deviendront jamais des références.
Une vingtaine de films d’horreur hexagonaux en 13 ans, c’est peu. Et hélas, avec ce chiffre, on ne retient que le négatif. La solution est de faire découvrir ses films, en parler pour qu’ils aient une visibilité. Mais ce qui est important ce que le genre soit présent, que les gens qui veulent faire ces films, continuent pour qu’ils ne soient pas résumés à des ratages. Mais, cela va faire presque deux ans qu’un film d’horreur français n’est pas sorti, certains réalisateurs se détournent de leurs premiers amours et les Etats-Unis, par exemple, nous dépasse car ils ont une meilleure image auprès du public français; ça sent le pâté! Malheureusement les ratés Aux yeux des vivants et les tout juste sympathiques deux mi-temps de re, n’augurent pas du meilleur. Mais, tant qu’il y aura ces films, le genre n’est pas mort et propose une alternative au cinéma français qui se résume à deux genres. Alors, battez-vous, nous serons toujours là pour les voir et en parler. Et, surtout, ne sacrifiez rien, faites avec le peu de moyen que vous avez et, à défaut de présenter des chefs d’oeuvre, proposez des films plaisants, comme ça arrive parfois. En tout cas, la sincérité est TOUJOURS là et nous vous suivrons jusqu’au bout! Le message est passé, il ne nous reste plus qu’a vous saluer amicalement: Yippie-Kai-Yay, Motherfucker!!!! Par contre, on ne sait toujours pas où est Ornicar…
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