John Wick
Etats-Unis, 2014
Titre original : –
Réalisateur : David Leitch, Chad Stahelski
Scénario : Derek Kolstad
Acteurs : Keanu Reeves, Michael Nyqvist, Willem Dafoe
Distribution : Metropolitan FilmExport
Durée : 1h33
Genre : Action, Thriller
Date de sortie : 29 octobre 2014
Note : 4/5
La bande-annonce promettait un film de vengeance absurde et décalé avec Keanu Reeves dans un rôle de surhomme peu bavard. Les ex-cascadeurs David Leitch et Chad Stahelski assurent-ils le spectacle annoncé ?
Synopsis : Voler la Ford Mustang de 1969 de John Wick n’était pas une bonne idée, massacrer son chien n’était guère plus malin car Daisy était le dernier cadeau de sa chère épouse emportée par un cancer. Le coupable de ce méfait est Iosef, le fils de Viggo Tarasof, parrain de la mafia russe new-yorkaise et ancien employeur de John Wick. Celui qui était surnommé avant son mariage le Croquemitaine va sortir l’artillerie lourde pour assouvir sa soif de vengeance.
Attention au Croquemitaine
Keanu Reeves incarne cet ancien tueur à gages qui sort de sa retraite pour un motif qui apparaît bien dérisoire, venger le chien si adorable de celle qui lui avait donné envie de changer de vie et qui avant de disparaître a pris les dispositions nécessaires pour qu’il ne finisse pas seul avec sa voiture. Avec son art habituel du silence ce grand taiseux limite ses répliques à l’essentiel dans ce film d’action ébouriffant porté par un réjouissant mauvais esprit. Keanu Reeves est impérial, agile, ses dispositions athlétiques et son jeu faussement monolithique justifient son surnom de Croquemitaine (Baba Yaga en russe) dont la simple évocation inquiète ceux qui l’ont déjà croisé ou le connaissent de réputation.
L’humour pince sans rires désamorce la violence et l’absurdité de sa trame de départ. Lorsqu’il est attaqué à son domicile par une douzaine d’assaillants, il reçoit la visite d’un policier appelé pour tapage nocturne qui aperçoit un cadavre et se contente de lui demander s’il a repris du service avant de s’en aller sans plus de cérémonie. Son retour craint, annoncé est source de multiples petites vannes savoureuses et oui, comme Snake Plissken jurait qu’il était bien vivant à ceux qui en doutaient, John Wick doit admettre qu’il est de retour.
Une réussite chorégraphique et visuelle
Pour leur premier long-métrage en tant que réalisateurs, David Leitch et Chad Stahelski font de très bons débuts. Ces anciens cascadeurs avaient déjà travaillé avec l’acteur, le premier sur la trilogie Matrix et le deuxième l’avait doublé dans Point Break. Leur expérience dans ce domaine se reflète aisément dans la chorégraphie des combats au corps à corps et dans le montage des scènes d’action qui soulignent, en évitant toute impression de répétition de style, le talent de cet homme déterminé et méthodique dans son art de tuer.
Chaque échange de coups est comme une danse et relève d’un art certain du découpage avec des coups frappés sans retenue contre des adversaires parfois coriaces. Ils laissent leurs scènes d’une rare lisibilité durer le temps nécessaire. Visuellement et techniquement, le film est d’une grande richesse, avec un très beau travail sur la lumière comme ces filtres ocres qui offrent une atmosphère irréelle ou ces éclairages au néon comme dans la scène de la boîte de nuit où se cache Tarasov Junior. La photo est signée Jonathan Sela qui a appris son métier avec un maître du genre, Vilmos Zsigmond (Rencontres du troisième type, La Porte du Paradis…). La musique pop et techno et les décors stylisés participent également au plaisir de ce thriller décalé et formellement impressionnant.
L’Hôtel Continental, la Suisse des tueurs
Parmi les lieux visités, l’étrange Hotel Continental, dirigé par le calme Ian Mc Shane, est comme la Suisse des assassins professionnels, un terrain neutre où ils peuvent se reposer en toute tranquillité lorsqu’ils sont de passage en ville. Le réceptionniste qui fournit pressing (à la dextérité limitée) et docteur pour vos blessures par balles ou couteau accueillant est interprété par Lance Reddick (les séries Fringe et The Wire) à la distinction so british. Attention à ceux qui rompent le gentleman’s agreement ! À la manière de Macao, ce lieu aux riches possibilités narratives est un lieu où se retrouvent sans crainte ceux dont le passé leur interdit d’aller ailleurs.
Willem Dafoe est un autre tueur, peut-être le seul ami de Wick (même si ce dernier semble en douter) et à qui l’on commandite son exécution, John Leguizamo un revendeur de véhicules volés qui reconnaît inquiet la voiture de Wick et frappe spontanément le fils unique de son boss pourtant dangereux qui se contente d’un ‘oh’ lorsqu’il apprend que son ex employé John Wick est réveillé. Michael Nyqvist, le journaliste de la version suédoise de Millenium, trouve l’un de ses meilleurs rôles en mafieux contraint de protéger son fils inconséquent de l’homme qu’il craint le plus. En nettoyeur expérimenté, on retrouve David Patrick Kelly (alias Jerry Horne, frère de Ben, le patron de Leland Palmer dans Twin Peaks) et dans celui d’une tueuse sans scrupules Adrianne Palicki.
Résumé
Fourmillant de bonnes idées scénaristiques, de caractérisations rapides et sans faute, d’une émotion discrète, John Wick est une série B plaisante ambitieuse qui ne retombe dans les vieilles ficelles que dans sa toute dernière partie mais la dernière scène se révèle réellement touchante. Un grand huit, un shoot’em up enlevé qui assure le précepte absurde jusqu’au bout et nous a épargné des motivations rances ou exagérément mélodramatiques. Cela n’aurait pu être qu’une blague et la surprise est totale parvenant à glisser un peu d’émotion dans la jolie scène finale. De la très belle ouvrage avec certaines des meilleures scènes d’action de l’année.