Je voyage seule
Italie : 2013
Titre original : Viaggio sola
Réalisateur : Maria Sole Tognazzi
Scénario : Dean DeBlois, d’après l’oeuvre de Cressida Cowell
Acteurs : Margherita Buy, Stefano Accorsi, Bruno Wolkowitch
Distribution : Bellissima Films
Durée : 1h25
Genre : Drame, Romance
Date de sortie : 9 juillet 2014
Note : 3/5
Margherita Buy voyage de palace en place autour du monde. Elle n’est pourtant pas une touriste qui vit de ses rentes mais une professionnelle de l’analyse de l’accueil des clients. Portrait d’une femme libre qui va se confronter à sa solitude et peut-être trouver l’amour…
Synopsis : Irène passe d’un palace à un autre en tant que cliente mystère pour une agence de notations. Elle fait le tour du monde, traquant la moindre poussière et observant avec précision comment les clients sont traités par les employés. À la fin de son séjour, elle révèle son identité aux réceptionnistes systématiquement inquiets de sa visite surprise. Cette vie nomade cache un vide sentimental qui inquiète ses proches plus qu’elle, jusqu’à un événement dramatique qui la pousse à se remettre en question.
Un métier de rêve ?
Méticuleuse dans son travail, Irène délaisse sa vie personnelle. Elle a quarante ans, son appartement est vide et ne ressemble en rien à son quotidien de rêve. Elle se nourrit de surgelés dans des décors froids et impersonnels, illustrant l’ironie de son analyse sur les hôtels où selon les codes de sa profession, il faut se sentir autant à l’aise que chez soi. Elle contrôle la poussière dans les moindres recoins avec des techniques d’experts en enquêtes criminelles mais étudie aussi tous les petits riens du confort loin de sa vie de tous les jours. Son travail commence dès son entrée dans le hall et sur la façon dont elle est accueillie, célébrée, écoutée, regardée dans les yeux, en bref comment le staff doit être à l’écoute sans être insistant. Tout est codifié avec excès jusqu’à la chaleur du vin en passant par la température ambiante, jusqu’aux différences d’ambiance et de température entre l’extérieur et l’intérieur de la chambre. Ceux qui pourraient craindre du placement de produits peuvent être rassurés, le Crillon est gentiment moqué même si l’hôtel a prêté ses locaux pour le tournage…
Sa vie sociale se limite à ses contacts avec sa sœur heureusement mariée avec enfants, mais parfois jalouse de son absence de responsabilités et avec son meilleur ami Andrea, son ancien compagnon qui travaille comme restaurateur. Ce dernier (Stefano Accorsi toujours aussi charmeur) est de son côté confronté à sa première paternité, une grossesse non recherchée avec une conquête d’un soir dont il va devoir se rapprocher.
Une femme libre
Ce n’est pas la partie la plus intéressante de l’intrigue, mais cela permet de confronter Irène à un isolement plus fort. Pourtant l’option du scénario écrit par Maria Sole Tognazzi, fille de l’acteur Ugo Tognazzi, avec Ivan Cotroneo et Francesca Marciano, n’est pas moralisateur. La tonalité est enjouée, drôle avec une pointe de mélancolie. Irène ne se plaint pas et assume sa quête de liberté. Elle n’est pas une quadragénaire -presque quinquagénaire- frustrée mais une femme qui a fait un choix de vie un peu compliqué à vivre au quotidien et n’écoute qu’elle-même sans se sentir coupable et sans être montrée comme un être à condamner. Margherita Buy, à la beauté foudroyante l’interprète avec intelligence et sensibilité sans alourdir ses angoisses. Pour rappel, elle était déjà la voyageuse du Chef de gare (La stazione) de Sergio Rubini ou plus récemment l’ex-femme psychiatre de Nanni Moretti dans Habemus Papam, visitée par le pape Michel Piccoli.
Lors de ses voyages, elle fait parfois de belles rencontres, même si elles sont entravées par son obligation de conserver le secret sur sa profession, qui n’est pas loin de celui d’espionne comme elle le laisse entendre au touriste joué par le français Bruno Wolkowich (la série P.J.). Ils passent ensemble un joli rendez-vous improvisé à Marrakech. Cette séquence charmante souligne comment la solitude, même largement recherchée, porte un poids certains soirs où l’on n’a pas envie d’être seul. Lorsqu’elle se lie d’amitié avec une anthropologue spécialisée en sexualité qui aime le cuir, elle rencontre comme un double d’elle-même et sera bouleversée par cette femme. Le rôle, sympathique de prime abord mais conventionnel dans ses propos théoriques convenus, est interprété par Lesley Manville, loin de ses emplois plus classiques chez Mike Leigh, l’alcoolique solitaire de Another year, entre autres.
Résumé
Malgré une apparente vacuité liée aux lieux de tournage trompeurs, Je voyage seule est un portrait réfléchi d’une femme qui restera libre mais fera (peut-être, ce n’est pas gagné, non plus) seulement un peu plus attention aux autres et à elle-même en étant confrontée à un drame définitif. Mais ne comptez pas sur elle pour rejoindre une association humanitaire en Chine mais à l’instar des VRP de In the air de Jason Reitman, profiter sereinement de ses miles difficilement acquis pour voyager en oubliant les contraintes de son métier…