Deuxième numéro de la nouvelle rubrique de Critique-Film.fr : la chronique hebdomadaire de David Rault (dont le portrait est à retrouver page équipe), qui vous donne rendez-vous chaque vendredi après-midi pour parler de ses rencontres cinématographiques !
Septembre 2004: le festival du cinéma américain de Deauville débute sur les chapeaux de roue, en présence de Steven Spielberg, que je revois quelques années après qu’il soit venu présenter Saving Private Ryan. Nous attendons avec impatience le week-end suivant, car George Lucas sera parmi nous pour présenter la version HD nettoyée de son obscur THX 1138. Il viendra accompagné de son scénariste sur le film, Walter Murch, ainsi que d’un guest – mais quelques semaines avant le début du festival, nous ne savions toujours pas qui. Un ami? Sa femme? Darth Vader? Le plombier ? Mystère.
Et puis, quelques jours avant sa venue, au moment de réserver les billets d’avion, il lâche le morceau: c’est un ami, effectivement – Francis Ford Coppola! Branle bas de combat à l’organisation du festival, nous décidons d’organiser une projection spéciale de The Godfather à la suite de la soirée Lucas. Seulement voilà: nous ne disposons que de très peu de temps pour localiser et rapatrier le film en pellicule 35mm, et nos efforts ne nous permettent que de trouver une copie un peu rayée sous titrée en français et en néerlandais. Faute de merles, nous mangerons donc des grives, et un peu malades en plus. Comme nous n’avons pas eu le temps de communiquer correctement sur l’évènement, le samedi soir, après la présentation – hommage à George Lucas (pour lequel la salle, pleine à craquer, s’est levée sur la musique de Star Wars, moment mémorable), la salle est à peu près vide, et pour cause: tout le monde a vu le Parrain, et (presque) personne ne sait que Coppola est là. Pour ajouter au cocasse de la situation, presque tous les membres de l’organisation ont quelque chose à faire, et je me retrouve, accompagné de la présentatrice & traductrice Béatrice et de mon ami photographe Cyrille, en train de guider Francis Coppola dans les coulisses de l’auditorium, vers la scène où il déboule sous les yeux écarquillés d’environ 300 spectateurs qui n’en sont probablement, à l’heure où j’écris ces lignes, toujours pas revenus.
© David Rault
Francis Coppola va parler pendant près de trente minutes, donner un véritable cours de cinéma, impromptu et passionnant, revenir sur ce grand film pour le plaisir de ces quelques privilégiés disséminés dans cette salle immense. Puis il reviendra vers les coulisses, et lorsque je le quitte au « promenoir » (balcon surplombant la salle duquel les acteurs et réalisateurs peuvent suivre le film), je me rends compte que George Lucas est présent lui aussi. Il a probablement vu le Parrain 473 fois, et aujourd’hui la copie est sous-titrée dans deux langues qu’il ne parle vraisemblablement pas; mais les deux amis, piliers du cinéma américain, qui sont sortis de leur restaurant cosy probablement avant le dessert pour cette présentation dans une salle aux trois quarts vides, vont rester côte à côte à regarder le film en silence pendant 45 minutes. En comparant cela avec le comportement d’autres vedettes ou assimilées plus ou moins glorieuses que j’ai vu défiler ici et là, je m’incline. Et je me dis que ce soir là, j’ai eu beaucoup de chance, car j’étais vraiment au bon endroit au bon moment.
PS / Nous aurons l’occasion de faire revenir Francis Ford Coppola au festival de Deauville en 2011 pour lui rendre un hommage mérité, au cours duquel il nous gratifia d’une masterclass exceptionnelle.
© Droits réservés