Moi, Eva Mendes, avant, je n’en pensais pas grand-chose ; je ne l’avais pas vu dans grand-chose, non plus, et bon, c’était juste une actrice quelconque de plus, pour moi.
Mais ça, c’était avant.
En septembre 2007, j’apprends, quelques semaines avant que ne débute le 33ème festival de Deauville, que la bomba latina, comme disent les beaufs, sera présente sur les planches pour parler de « Live », un petit film indépendant dans lequel elle joue une productrice TV trash, réalisé par un type au patronyme improbable (Bill Gutentag, soit Bill Bonjour en allemand). Le festival se déroule comme d’habitude, c’est a dire bien, et en milieu de semaine, au moment où les films les plus intéressants sont projetés et ou le festival est déserté de ses animateurs TV et autres parisiens repus et ou les salles ne se remplissent plus qu’aux trois quarts par d’authentiques cinéphiles, voici venir la projection de « Live », que je vais présenter sur scène avant d’officier a la conférence de presse. Eva Mendes est la, les cheveux détachés, bien plus jolie, force est de l’avouer, « en vrai » que sur un écran ou dans une publicité. Surtout, elle respire l’humour et l’intelligence, deux choses qui, lorsqu’elles sont accompagnées d’un physique comme le sien, forment un combo fatal.
Bref… Disons que je change d’avis sur la demoiselle.
A l’issue de la projection, je retrouve Eva Mendes pour la conférence de presse, et elle continue a me surprendre : elle répond avec intelligence aux questions parfois ardues soulevées par le film, se penche vers moi pour me demander tout à coup de bien vouloir la rendre plus intelligente quand je vais traduire ses réponses… Je reste un peu avec elle après la conférence pour discuter et rigoler, et c’est avec un grand plaisir que nous faisons effectivement les deux. Et puis elle repart.
Trois ans plus tard, je suis à Marrakech, non pas pour profiter du soleil de décembre mais pour le festival de cinéma qui s’y tient chaque année. Eva Mendes est présente, je la revois donc. Je suis sincèrement certain qu’elle ne se rappellera pas de moi, et je n’essaie même pas ; je reste a distance respectueuse et je me concentre, car sur ce festival, je ne suis pas sur scène ; je suis dans les coulisses, un micro à la main, et je traduis en français, en direct pour la salle et la télévision nationale, ce que les talents américains ont a dire. Mais à ma grande surprise, elle me reconnaît immédiatement et se dirige vers moi en souriant de ses 4687 dents, me fait la bise et me demande de mes nouvelles comme le ferait une cousine éloignée que l’on croise à chaque mariage.
Lors de la cérémonie qui s’ensuit, elle est sur scène, et fait un discours que, donc, je traduis. Nous nous retrouvons ensuite en coulisses, où quelques membres de l’équipe sont assis, et je me dirige vers Eva pour papoter. Elle lève les yeux vers moi d’un air dur et me demande « What did you say there ? » (« Qu’es-ce que vous avez dit? »)
Je bafouille « euh… Eeeeeeuh… Well, I said that… eeeeuh… I translated what you said in french ? » ( » J’ai traduit ce que vous avez dit en français « )
Elle jette un œil à son accompagnatrice qui regarde le sol sans rien dire, et je sens une légère tension dans la loge, où soudain les regards se posent sur nous en silence.
« What did you say about my breasts ?» ( » Qu’avez-vous dit à propos de mes seins? « )
Là, je commence à me sentir mal. J’ai bien entendu ? Elle ne rigole pas du tout, et on frôle l’incident diplomatique. D’autant que lorsqu’elle a dit le mot « breasts », par réflexe, mes yeux se sont baissés vers l’objet du délit. Oh pas longtemps, un quart de seconde, mais le mal était fait.
« Euh… I didn’t say anything about your breasts ! » ( » Je n’ai rien dit à propos de vos seins! « )
« Yes, you said I had beautiful breasts. » ( » Si, vous avez dit que j’avais de beaux seins « )
Comme elle parle un peu fort, en outre, tout le monde nous écoute, et je sue à grosses gouttes. Mes jambes commencent à trembler. Je me vois déjà pointer à l’ANPE le mois suivant.
« W… What ? No, no, I never said such a thing ! I swear… » ( » Quoi? Non je n’ai jamais dit ça je vous jure! « )
Et là, elle me regarde ; sourit, et dit :
« And why you didn’t say that ? They are not beautiful ? » ( » Et pourquoi vous ne l’avez pas dit? Mes seins ne sont pas beaux? « )
Et elle se marre. Et son accompagnatrice se marre. Et tout le monde se marre. Moi aussi, mais quand même, j’ai l’estomac fragile je crois.
On est restés un peu en loge, à manger quelques petits fours et boire une ou deux coupettes, à discuter et rire. Et puis elle est partie, après que son accompagnatrice nous eut pris en photo.
Plus tard, nous avons accueilli James Gray qui a donné une formidable masterclass et a longuement parlé du fantastique « We own the night ». Eva Mendes y est formidable. Elle a une présence et un jeu qui me rappelle les meilleures actrices américaines des années 1950 et 1960, la plastique et le glamour d’une Rita Hayworth alliés à la profondeur et la gravité d’une Joan Crawford.
Je me demande si elle me reconnaitra quand on finira par se recroiser ici ou ailleurs.
C’est drôle, j’ai eu le même ressenti (sans avoir eu l’honneur de lui parler) : magnifique dans la salle pour la présentation de « Live! » (alors que pour moi jusqu’à ce moment ce n’était qu’une bimbo de plus), une excellente performance dans le film.
Je l’ai vraiment découverte grâce à cette projection : une véritable alliance de beauté, d’intelligence et d’humour. Une grande actrice. Ravie qu’elle soit aussi « sympa » qu’elle en a l’air !
Oui mais bon, sa blague montre quand même qu’elle n’a pas une petite opinion d’elle même…