France : 1983
Titre original : –
Réalisation : Claude Berri
Scénario : Claude Berri, Alain Page
Acteurs : Coluche, Richard Anconina, Agnès Soral
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 21 décembre 1983
Note : 4/5
De la carrière de Claude Berri, Tchao Pantin est probablement le film qui a le plus fait couler d’encre depuis sa sortie, pour une seule et simple raison : c’est « LE » film au cœur duquel Coluche, humoriste et amuseur public à la popularité extraordinaire en France, tenait un rôle grave et sérieux, à cent lieues de l’image publique que le comédien renvoyait autour de lui. Un rôle ayant provoqué un tel émoi et une telle surprise que le titre du film est pratiquement devenu une expression « cliché » dans le petit monde du cinéma : quand un acteur comique se décide à incarner dans un film un personnage sérieux, on dit qu’il « fait son Tchao Pantin ».
Synopsis : Pompiste de nuit, Lambert noie sa solitude dans l’alcool au fond d’une station-service. Il y rencontre un jeune dealer, Bensoussan, auquel il s’attache peu à peu. L’assassinat du jeune homme ravive les blessures de Lambert qui se lance à la poursuite des meurtriers…
Coluche et Claude Berri, c’est pourtant une longue histoire, très antérieure à Tchao Pantin. On oublie en effet souvent qu’avant même Le maitre d’école (1981), Coluche avait déjà à deux reprises tourné avec Berri : une très courte apparition dans Sex-shop (1972) durant la fameuse scène de dédicace, mais aussi et surtout dans Le pistonné (1970), dans lequel il tenait un rôle relativement important et déjà assez sérieux, en tous cas bien loin des bouffonneries auxquelles il se livrerait à partir de la deuxième moitié des années 70, au moment de son « explosion ». Tchao Pantin n’est de toute façon pas le premier film « sérieux » de Coluche – il s’agit plutôt de son premier film sérieux depuis son accession à la célébrité.
Ce qui a surpris tout le monde (et lui a ouvert la voie au César du meilleur acteur), c’est qu’en plus d’être simplement « sérieux », le film et le rôle de Lambert dans Tchao Pantin sont d’une noirceur abyssale. Le suspense même du film semble se construire autour de ce personnage mystérieux, taciturne, ce pompiste au passé trouble et à la violence rentrée, prête à exploser. Bien sûr, Claude Berri en rajoute encore une couche dans le côté dépressif de l’entreprise, en recyclant l’imagerie traditionnelle du film policier, avec un Paris presque toujours nocturne, froid, pluvieux et sale, très habilement photographié par Bruno Nuytten.
Et si le film se mue dans sa dernière partie en un récit de vengeance aveugle, le ressenti du spectateur sera finalement bien éloigné de celui que l’on peut avoir devant les films de type « vigilante movies » tournés aux États-Unis à peu près à la même période, tout simplement parce que Berri remet la violence à sa place – dans le caniveau. La vengeance de Lambert n’est pas jouissive, elle est douloureuse. Le pompiste ne règle pas ses comptes avec une poignée de loubards ou avec la société, mais tout simplement avec lui-même, le but n’étant pas de de rendre une quelconque justice mais plutôt de supprimer définitivement ses propres fantômes. Une pulsion de mort à laquelle Coluche prête ses traits fatigués et dégageant une fascinante aura négative, qu’on ne lui retrouverait jamais plus par la suite au cinéma, la grande Faucheuse étant venue le rattraper moins de trois ans après la sortie du film.
Conclusion
Avec ses décors d’Alexandre Trauner et sa photo signée Bruno Nuytten, Tchao Pantin est, assurément, l’un des films les plus formellement ambitieux de la carrière de Claude Berri. Porté par la prestation sobre et convaincante de Coluche, mais également par la chaleur et la tendresse ressenties pour le personnage incarné par Richard Anconina, le film s’impose comme un bel objet cinématographique, fascinant et morbide. Le film a par ailleurs remporté cinq récompenses lors de la 9ème cérémonie des Césars en 1984 : Meilleur acteur, meilleur acteur dans un second rôle, meilleur espoir masculin, meilleure photographie et meilleur son.