Catherine Deneuve est plus que jamais présente dans la conscience des spectateurs français. Pas seulement en tant que monument du cinéma français du siècle dernier, mais aussi parce qu’à désormais 80 ans, elle continue de tourner, comme récemment dans le film hommage à son amant d’antan Marcello Mastroianni Marcello mio de Christophe Honoré. La trajectoire de la carrière de sa sœur aînée Françoise Dorléac est diamétralement opposée. Sous forme de météore, fauchée par un accident de voiture en 1967 alors qu’elle n’avait que vingt-cinq ans, l’actrice a laissé un arrière-goût doux-amer d’inachevé dans la mémoire des cinéphiles du monde entier. L’Institut Lumière à Lyon lui rendra hommage à partir d’après-demain et jusqu’au dimanche 21 juillet.
La rétrospective partielle, à laquelle manquent quelques uns des premiers films de la comédienne, revient néanmoins sur l’essentiel de sa carrière en sept longs-métrages. Ceux-ci sont projetés, pour une courte majorité d’entre eux, à deux reprises, voire à trois pour le film phare de sa carrière, la comédie musicale indémodable de Jacques Demy Les Demoiselles de Rochefort. Le film d’ouverture L’Homme de Rio de Philippe De Broca sera présenté par la directrice de la programmation de l’Institut Lumière Maelle Arnaud et précédé du court-métrage 4 fois D de Philippe Labro, récemment retrouvé, qui dresse le portrait de quatre jeunes actrices débutantes au milieu des années ’60 : Françoise Dorléac, Catherine Deneuve, Mireille Darc et Marie Dubois.
Enfin, cette rétrospective est accompagnée de la publication par l’Institut Lumière et Actes Sud du livre d’Aurélien Ferenczi « Framboise Quelques hypothèses sur Françoise Dorléac ». Cet exercice d’admiration en près de 180 pages est disponible en librairie depuis le début du mois de mai.
Sans elle, sa sœur cadette n’aurait peut-être jamais fait du cinéma. Mais surtout, sans elle, le cinéma français serait passé à côté de quelques uns de ses plus beaux films. La filmographie de Françoise Dorléac (1942-1967) a beau être brève, elle regorge de rendez-vous réussis avec le Septième art et avec son époque. Malgré le fait qu’elle n’aura tourné que dans une quinzaine de films, entre 1960 et ’67, son talent exubérant aura marqué une époque de cinéma alors en pleine transformation avec l’arrivée de la Nouvelle Vague et la disparition progressive du cinéma à papa. Pourtant, Dorléac avait su jouer habilement sur les deux tableaux, refusant d’emblée d’être mise dans des cases.
Ses premiers films servent avant tout de terrain d’apprentissage. Les seconds rôles qu’elle tient dans Les Loups dans le bergerie de Hervé Bromberger, Les Portes claquent de Michel Fermaud et Jacques Poitrenaud, Ce soir ou jamais de Michel Deville, Tout l’or du monde de René Clair et Arsène Lupin contre Arsène Lupin de Edouard Molinaro lui permettent de se faire petit à petit un nom dans le milieu du cinéma. C’est en 1964 que sa patience portera ses fruits, puisqu’elle enchaîne coup sur coup L’Homme de Rio de Philippe De Broca, La Peau douce de François Truffaut et La Chasse à l’homme de Edouard Molinaro.
Portée par ces succès publics et critiques, la jeune comédienne tente même le grand saut vers le cinéma international à travers Genghis Khan de Henry Levin, Passeport pour l’oubli de Val Guest, Cul-de-sac de Roman Polanski – Ours d’or au Festival de Berlin en 1966 – et Un cerveau d’un milliard de dollars de Ken Russell, avant de revenir en France pour sa dernière collaboration avec sa sœur Catherine Deneuve dans Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy.
Les 7 films de la rétrospective Françoise Dorléac à l’Institut Lumière
Les Portes claquent (1960) de Michel Fermaud et Jacques Poitrenaud, avec Dany Saval et Noël Roquevert
Arsène Lupin contre Arsène Lupin (1962) de Edouard Molinaro, avec Jean-Claude Brialy et Jean-Pierre Cassel
L’Homme de Rio (1964) de Philippe De Broca, avec Jean-Paul Belmondo et Françoise Dorléac
La Peau douce (1964) de François Truffaut, avec Jean Desailly et Françoise Dorléac
La Chasse à l’homme (1964) de Edouard Molinaro, avec Jean-Claude Brialy et Françoise Dorléac
Cul-de-sac (1966) de Roman Polanski, avec Donald Pleasence et Françoise Dorléac
Les Demoiselles de Rochefort (1967) de Jacques Demy, avec Catherine Deneuve et George Chakiris