Il était l’un des grands maîtres de l’horreur contemporaine, Wes Craven est décédé ce dimanche 30 août 2015 à l’âge de 76 ans d’une tumeur au cerveau. Né à Cleveland dans l’Ohio, au sein d’une famille baptiste, il a souvent exprimé ses regrets le fait d’être cantonné au cinéma fantastique mais a pourtant signé une large majorité des scénarios qu’il a dirigés, usant de sa formation en littérature et philosophie pour insérer une dimension métaphorique à ses histoires plus ou moins gore, souvent anxiogènes pour évoquer à sa manière sa vision de la mentalité de son pays et de ses concitoyens à l’image de George Romero ou John Carpenter.
Il fut brièvement enseignant à l’université avant d’oser se lancer dans le milieu du cinéma, devenant dans un premier temps coursier pour une société de post-production avant d’en gravir les échelons, suggérant plus tard à ceux qui veulent démarrer dans le métier que l’important, dans un premier temps, est déjà de mettre un pied dans la porte. Son premier long-métrage est une commande pour un film à exploiter en drive-in proposée à son producteur Sean Cunningham et lui-même.
Il saisit alors la terreur viscérale comme peu avant ou après lui dans l’implacable La Dernière Maison sur la gauche (1972) qui lance véritablement la vague du sous-genre «rape and revenge» puis le monstrueux La Colline a des Yeux (1977) avec sa famille de dégénérés meurtriers. Dans ces deux œuvres désespérées, la violence était autrement plus radicale que dans le cinéma de genre contemporain avec dans ces deux films des monstres sans pitié s’en prenant à des familles bien tranquilles qui se déchaînent en retour sans limite contre leurs bourreaux. Et comme rarement, ce déferlement n’est guère aisé à visionner. Ou à oublier, à l’image de son contemporain Tobe Hooper avec le non moins dérangeant Massacre à la tronçonneuse.
Ces deux classiques ont subi le triste sort du remake obligé, le premier par Dennis Iliadis en 2009, le deuxième par Alexandre Aja en 2006 (avec suite navrante en 2007) mais ne marquent pas autant les esprits, dénués de réels enjeux même si l’on peut reconnaître une réelle efficacité à la version Aja même s’il ne saisit pas la complexité de la représentation du mal dans ces deux œuvres indémodables qui laissent libre cours à la nature sadique de l’homme, dépeinte avec un réalisme dérangeant. Précisons que Craven était directement impliqué dans ces remakes, les droits étant retombés dans son escarcelle après trente ans.
http://dai.ly/x2exs2v
Entre ces deux premiers films, il a réalisé un film pornographique, The Fireworks Woman sous le pseudonyme de Abe Snake, un amour interdit entre un frère et une sœur, aussi interdit que sa présence dans sa filmographie. S’il n’en manifestement pas fier (il ne l’a fait que pour l’argent), les critiques semblent bienveillantes et soulignent la qualité de la performance de Jennifer Jordan dans le rôle principal, déjà particulièrement convaincante dans Abigail Lesley Is Back in Town de Joe Sarno.
Il signe ensuite La Ferme de la Terreur (1981) avec Sharon Stone à ses débuts dans un excellent second rôle, déjà une femme forte qui soutient une amie après le décès étrange de son époux au sein d’une communauté de type Amish, alors méconnu (c’est avant Witness) sur une musique angoissante de James Horner qui accompagne un glaçant Ernest Borgnine en gourou sectaire puis La Créature du Marais (1982) l’adaptation du comics Swamp Thing de Len Wein et Bernie Wrightson avec dans les rôles principaux la légende du cinéma hollywoodien Louis Jourdan (notre hommage), la carpenterienne Adrienne Barbeau ainsi que Ray Wise dans le rôle-titre, son premier emploi d’envergure. C’est très «camp» évidemment, avec un humour clairement assumé, mais comme dans L’Étrange créature du lac noir ou La Mouche, il est porté par une dimension romantique que l’on retrouvait déjà dans La Belle ou la bête ou King-Kong. Le genre permet cet agréable décalage sentimental et s’il n’est pas forcément au niveau de ces illustres comparaisons, il est porté par une plaisante sincérité et de bons acteurs.